A l’heure de passer à l’extension des consignes de tri et d’augmenter en conséquence les capacités de son centre de tri, la Communauté urbaine de Limoges et ses collectivités partenaires ont choisi de changer de braquet, tout en conservant leur modèle d’exploitation en régie. Il en résulte un nouveau centre de tri, agrandi et surtout modernisé. Un chantier, confié à l’ensemblier Néos, faisant la part belle au tri mécanique et surtout au tri optique. Au cœur du process, se trouvent en effet sept machines de tri optique Pellenc ST Mistral +. Les résultats sont au rendez-vous.
Basé à Beaune-les-Mines, le centre de recyclage de Limoges, créé en 1998 et exploité par la communauté urbaine de Limoges Métropole, rassemble trois activités. Il abrite une plateforme de compostage recevant environ 10 000 t/an de déchets verts principalement issus des déchèteries de la collectivité, deux alvéoles de réception de la collecte départementale de verre (13 000 t/an) et un centre de tri des déchets d’emballages des ménages. Ce centre dessert l’agglomération de Limoges Métropole, le Syded - Syndicat départemental de la Haute-Vienne, Evolis 23, syndicat en charge de la collecte et du traitement des déchets sur la moitié de la Creuse, et une autre collectivité : Creuse Sud-Ouest. Cela représente en tout un bassin de plus de 450 000 habitants.
Le projet d’agrandissement et de modernisation de ce centre de tri nait en 2015 quand, sous le pilotage de l’Ademe, la communauté urbaine de Limoges Métropole, le Syded et Evolis 23 se rapprochent pour cogérer les questions stratégiques des équipements de traitement des déchets, avec en perspective la fermeture du centre de tri d’Evolis 23, d’une capacité de 5 000 t/an. L’installation de Limoges, construite en 1998, avait déjà connu différentes mises à jour dont la dernière datait de 2007. Réalisée par ArVal, cette opération avait permis de pousser la capacité de traitement du centre à 16 500 t/an. "Nous avons donc mis en place un schéma d’agrandissement et de modernisation de ce centre de tri, afin d’augmenter significativement sa capacité jusqu’à 24 000 tonnes par an et lui permettre de répondre aux conditions de l’extension des consignes de tri à tous les emballages plastiques", explique Mathieu Jarry, directeur de la propreté pour la communauté urbaine de Limoges Métropole. S’engagent alors les différentes étapes de construction du projet : sélection du maître d’œuvre (groupement dont le mandataire est Antéa) et du projet architectural (plan de circulation, cohérence avec l’existant) ; études d’exécution (soumises aux atermoiements de Citeo quant à la définition des flux à sortir) ; sélection de l’ensemblier… avant d’enclencher les premiers travaux au début de l’année 2019.
Défini par l’exploitant, le cahier des charges de la nouvelle installation insistait sur plusieurs enjeux. "Nous voulions un process robuste qui soit capable 'd’avaler les tonnes' tout prenant en compte notre volonté d’intégrer d’importants temps de maintenance", témoigne Matthieu Jarry. De fait, fidèle à son modèle de gestion en régie, la collectivité est attentive au bon entretien de l’installation, aux conditions d’accès facilités pour la maintenance des machines et plus généralement aux bonnes conditions de travail des personnels tant en ce qui concerne l’ergonomie et les cadences que ce qui touche à la sécurité. Autre point essentiel : la qualité de tri. "L’objectif est d’obtenir des balles de matières première secondaire dont la qualité réponde parfaitement aux préconisations des repreneurs", insiste l’exploitant qui annonçait clairement le coût d’investissement du nouveau process dans le cahier des charges : 9 M€.
Process industriel
Soumis à ces impératifs, l’ensemblier devait aussi faire entrer le process dans un hall de 1 300 m². "Les agrandissements ne concernent en effet que le hall de vidage dont la superficie a doublé et le hall de stockage des balles", précise Matthieu Jarry qui ajoute que si le cahier des charges définissait les performances et les grandes fonctionnalités du process, il laissait aussi toute latitude à l’ensemblier pour développer son propre savoir-faire et apporter son expertise : "Sur cette base, nous avons sélectionné l’offre de Néos, plus précisément une variante proposant quelques adaptations pour augmenter les performances de tri de l’installation avec des coûts d’exploitation un peu abaissés", poursuit le responsable du projet.
Par exemple afin d’éliminer les fines dès le début du process, l’ensemblier a préconisé l’installation d’un défineur - crible à disques - après le trommel. "Non seulement ce dispositif évite l’encrassement des machines mais il permet aussi d’éliminer les petits objets coupants, comme les seringues, qui causent des blessures aux valoristes", souligne Matthieu Jarry avant de poursuivre sur un autre exemple de collaboration. "Nos personnels, dont certains ont une vingtaine d’année d’expérience, ont pu travailler en concertation avec l’ensemblier pour développer des solutions originales et innovantes. C’est ainsi que l’entretien du trommel est sécurisé par une barrière immatérielle". Conçu pour sécuriser et simplifier la maintenance de l’équipement, ce dispositif de cellules photoélectriques se déclenche quand les agents ouvrent les panneaux latéraux d’accès au tambour de criblage. "Le trommel s’arrête et tourne librement sans la nécessité d’avoir à refermer tous les capots entre chaque mouvement", reprend le directeur. "Cela représente un gain de temps considérable pour cette opération quotidienne qui ne nécessite plus qu’une demi-heure au lieu de deux heures".
"L’ancien process de tri s’appuyait sur quatre machines : un trommel, deux cribles balistiques et un overband magnétique. Même si quelques équipements ont été conservés - une presse à balles, un compacteur de refus, un overband -, nous avons complètement démonté l’ancienne installation pour repartir d’une feuille blanche", reprend Franck Lafontaine, directeur technique pour Néos. "De fait, avec seize machines et 110 convoyeurs pour 1,4 km de longueur cumulée, le nouveau process rentre dans le bâtiment "comme dans une boîte à chaussures'", admet Franck Lafontaine. "Les machines font 90% du tri et les valoristes sont présents pour gagner les 5 à 8 points de plus de pureté, avec une réduction de moitié de leurs gestes techniques", se satisfait Matthieu Jarry. Une industrialisation du travail qui fait la part belle au tri mécanique et surtout au tri optique. "Les performances et la qualité de travail du process tout entier repose sur sept machines de tri optiques Mistral+ de Pellenc ST", assure l’exploitant. "C’est la première fois que nous faisions appel à cette technologie et nous étions très attentifs à ce que les machines répondent réellement à nos objectifs de performance, de fiabilité, de facilité de maintenance ou d’ergonomie d’utilisation". "Pour nous aussi c’était un beau challenge", remarque Marc Minassian, directeur commercial France du constructeur de machines de tri optique. "Nous sommes sur un schéma particulier, avec un modèle d’exploitation en régie par une collectivité. Qui plus est cette dernière n’avait pas d’expérience du tri optique et elle avait des questionnements quant à l’industrialisation de son centre de tri".
Points de vigilance
Au rythme de 24 000 t/an, soit un débit moyen de 10 t/h, la nouvelle installation doit assurer le tri des collectes multi-matériaux et emballages, toutes soumises à l’extension des consignes de tri. Et le tri optique est présent à chaque étape cruciale du process. "Nous avions défini quelques points de vigilance sur le process", ajoute Matthieu Jarry. "Par exemple, nous préconisions le traitement des films plastiques souples à partir d’un équipement de séparation mécanique, balistique ou aéraulique, associé à un trieur optique et à une table de tri en cabine". Pour répondre à cette demande et à la spécificité du flux des plastiques légers, Pellenc ST a mis en œuvre une Mistral+ "film". "Cette machine est équipée d’un Turbo Sorter", annonce Marc Minassian. Ce dispositif aéraulique, développé à l’origine pour le tri des papiers et désormais adapté aux films plastiques, permet de plaquer les matériaux sur le convoyeur, en amont du tri optique. "Le flux est ainsi stabilisé pour une meilleure reconnaissance optique et un tri optimal, ajoute le directeur commercial. Par ailleurs le Turbo Sorter permet de conserver une vitesse de 3 m/seconde. Sans ce dispositif, il faudrait ralentir la bande pour éviter l’envol des éléments légers sous l’effet de la vitesse du convoyeur".
"De même, pour garantir la régularité du flux de la ligne de tri des corps creux, nous avons demandé l’installation d’une trémie de stockage en amont de la cascade des trieurs optiques", reprend Matthieu Jarry. "Nous avons aussi été très vigilants sur la largeur de ces machines afin de garantir un débit suffisant". Toujours pour sécuriser le rythme de production de l’installation, même en mode dégradé, le tri du flux intermédiaire des corps plats est divisé sur deux lignes parallèles, avec un crible balistique suivi d’un trieur optique sur chacune d’elles. Dernier exemple sur le tri du flux "gros de magasin" : "Il dispose d’une machine dédiée, configurée en bi-canal, qui réalise un double passage afin d’en garantir la propreté finale", explique Marc Minassian.
Le marché laissait l’ensemblier libre de faire le choix quant au fournisseur des machines de tri optique. Seulement Néos a désiré associer l’exploitant à ce choix, lui garantissant que les performances seraient au rendez-vous quel que soit le candidat retenu. "C’est finalement vers le constructeur français Pellenc ST et la dernière génération de ses machines Mistral+ que nous avons porté notre décision", explique Matthieu Jarry. Un verdict motivé par des raisons inhérentes au process même, "notamment la largeur des machines mieux adaptée à l’implantation de notre chaîne", reprend l’exploitant. "Pellenc ST cochait toutes les cases tant sur la garantie du niveau de performance que sur la fiabilité des matériels. Et les améliorations portées sur les Mistral+ en matière de facilité de maintenance, d’entretien quotidien, de réglage et d’ergonomie de travail répondent parfaitement à ce que nous recherchons". "Nous avons été associé à ce projet dès le départ, ce qui nous a permis d’accompagner l’exploitant et de répondre à toutes ses interrogations sur l’adoption d’un process automatisé reposant sur les capacités du tri optique, en ce qui concerne les performances mais aussi la formation des opérateurs, l’ergonomie des machines, la maintenance, etc.", insiste Marc Minassian.
Installation évolutive
Attentif à la question du service après-vente, l’exploitant sait pouvoir compter sur les offres d’accompagnement proposées par Pellenc ST : les visites périodiques, la télémaintenance, l’exploitation des données récupérées en temps réel, la mise à jour et l’évolutivité des machines. "Le gisement entrant va obligatoirement varier dans le temps et nous sommes partis sur une dizaine d’année minimum d’exploitation de ce process. Nous souhaitons bien sûr disposer des outils qui nous permettront d’affiner régulièrement nos réglages pour conserver les niveaux de performances que nous nous sommes fixés", annonce Matthieu Jarry. "D’ailleurs notre cahier des charges prévoit l’évolutivité du process avec par exemple la possibilité d’ajouter un trieur optique chargé de trier un flux plastique en particulier. De même, dans l’éventualité d’une raréfaction du papier graphique dans les collectes, nous pourrons intervenir sur la proportion de cartons dans les JRM en modifiant les réglages de la Mitral+ dédiée à ce flux".
Par ailleurs, les opérations de tri en cabine étant sous-traité à une entreprise d’insertion (La boîte à papier), soit trente-six postes de valoristes répartis en deux équipes, l’exploitant n’a pas prévu d’installation de robot de tri dans l’immédiat. "Dans la mesure où nous n’aurions pas de personnels disponibles et où il faudrait augmenter la cadence sur un flux particulier, l’intégration dans la cabine d’un poste de tri robotisé serait néanmoins possible", reprend Matthieu Jarry.
D’ici là, après quatre mois de mise en service de la nouvelle installation, les résultats du process satisfont largement le Directeur : "On tourne à 11 t/h sans difficulté, donc au-delà des 10 t/h sur lesquelles Néos s’est engagé. La ligne des corps creux atteint même un débit de 8 t/h au lieu des 4,5 t/h prévus par le cahier des charges ; elle est d’une efficacité redoutable, ce qui permet au tri de la collecte emballage de quasiment rejoindre le niveau de performance de tri de la collecte multi-matériaux. La qualité des matières premières secondaires issues du tri est au rendez-vous, à notre grande satisfaction et à celle des repreneurs. A cet égard sur chacun des douze flux triés que le centre produit désormais, nous exigions un engagement de la part de l’ensemblier tant sur le taux de captage - 90 à 95 % selon le matériau - que sur le taux de pureté - 95 à 98%. Des nouveaux flux comme le papier graphique ou les différents plastiques répondent parfaitement aux exigences des repreneurs". Des résultats et des performances à mettre notamment au crédit des machines Pellenc ST.
Hubert de Yrigoyen
Crédits photos : H. Y.