
La 14ème édition de l'IARC, qui s'est tenue à Bruxelles en mars dernier a rassemblé plus de 220 professionnels venus du monde entier, lesquels ont, au cours de ces deux jours, échangé sur un thème central : le recyclage automobile. L'intérêt suscité par cette rencontre très spécialisée est bien évidemment à mettre en relation avec l’approche de l’échéance de 2015, pour atteindre 95% de valorisation des VHU... Olivier François, directeur du développement chez Galloo, était sur place ; il nous fait part de ses impressions et réactions... 
Après 14 ans, le sujet est donc loin d’être épuisé. Si l’inertie dans le domaine automobile est bien connue, plusieurs évolutions « extérieures » nous obligent à la plus grande vigilance :

Nous avons en effet une accélération d’évènements qui n’étaient guère prévisibles lors de la sortie de la directive VHU en 2000 :


Simultanés, ces deux effets se conjuguent et se traduisent par une chasse ouverte au poids, ou si vous préférez, à la matière. Par un double mécanisme de rareté des matières premières et de réduction des poids, nous assistons à une dématérialisation des objets qui me semble irréversible.
Deux études ont été publiées lors de cette IARC qui vont dans ce sens : une par BMW, et l’autre par Toyota, sur leurs nouveaux véhicules
Le grand vainqueur est « naturellement » le plastique : je dis ‘naturellement’, car il est la plupart du temps associé à des fibres naturelles (sisal, coco…), ou encore fibres de carbone, afin d’améliorer ses propriétés mécaniques (« matériaux biosourcés »). Cette nouvelle utilisation massive de cellulose dans les plastiques n’est d’ailleurs pas sans nous poser de graves problèmes de compatibilité avec les procédés de recyclage que nous avons déjà eu toutes les peines du monde à mettre en place !

La possession des objets semble arriver à un point de retournement, peut-être consécutif à un effet de « gavage » de la société de consommation ?

Les générations se succèdent et les rêves changent : l’accession à la propriété d’une voiture était pour nos pères le symbole d’une prise de liberté, d’indépendance. Pour les jeunes aujourd’hui, ce n’est majoritairement plus le cas : ils sont plus impatients de disposer du dernier modèle de ‘tablette’, ou de ‘smartphone’, afin de communiquer avec leurs amis…

Et voilà encore un autre événement que nous n’avions guère la possibilité de voir venir en 2000 : Internet. Il change profondément les habitudes de consommation de la société : pourquoi « avoir » à tout prix un objet dont on a éventuellement qu’un usage occasionnel ? L’évolution du niveau de vie des jeunes ne leur permet guère d’empiler les objets, alors pourquoi ne pas partager ? Les réseaux sociaux explosent dans cette dimension qui va clairement dans l’intérêt des individus, mais pas dans celui des constructeurs.

Si la désappropriation progresse rapidement, ce n’est pas seulement l’effet d’Internet et de la baisse des pouvoirs d’achat des jeunes générations : la frustration d’acheter un matériel qui tombera rapidement en panne et qui n’est pas réparable, produit aussi des effets sur le désir de « propriété ». Les nouveaux modes de consommation ne trouvent pas leur origine que dans les réactions du public, ils sont aussi ‘aidés’ par les producteurs.
Dans certains pays, en réponse à ces craintes, justifiées ou non, les machines à laver le linge ne sont plus vendues, mais louées. Le producteur se met ainsi à l’abri de cette accusation d’obsolescence programmée, puisqu’à tout le moins, il en assumerait alors les conséquences.
Le cas de Renault qui loue les batteries de puissance de ses véhicules électriques est ainsi à considérer : n’ouvre-t-il pas la voie à une accélération de la désappropriation ?
Et aussi la BMW i3, qui était mise à notre disposition pendant l’IARC 2014, nouvelle étendard de BMW en « tout électrique », dont le prix est aux alentours de 40.000€ : pour une « petite voiture » que faut-il en penser ? Un marché « classique », « mono-propriétaire », semble inaccessible à un tel prix… au contraire, un dispositif « collaboratif », « multi-utilisateurs », parait indispensable pour amortir un tel capital.
Ce qui nous orienterait donc vers « moins de voitures », mais des voitures à nettement plus haute valeur ajoutées ? Affaire à suivre…


Saint-Gobain a été l’un des tous premiers à mettre en œuvre ce concept dans les années 90-91 lors de la création d’Eco-emballages : en effet, si un producteur est contraint de prendre en charge la fin de vie de ses produits, pourquoi n’en tirerait-il pas un avantage direct ? Surtout si l’objet est de nature telle que la boucle de « circularisation » est très courte : c’est le cas de la bouteille en verre.
L’économie circulaire mise en œuvre par un producteur pour répondre à ses propres besoin de matières premières est d’un effet redoutable pour la profession historique du recyclage, qui se trouve souvent « éjectée » de cette boucle courte.
De ce point de vue, l’automobile reste une activité à part, car elle nécessite une industrialisation que ne maitrisent pas les producteurs : mais soyons bien attentifs à tous les changements qui pourraient survenir rapidement sur ce plan. Un lieu de rencontres et d’échanges comme l’IARC est essentiel à cet égard, car ce qui se passe dans un pays, même éloigné, peut devenir un modèle qui s’impose à tous à une vitesse foudroyante.

Le congrès à Bruxelles a été de ce point de vue très éclairant, là aussi, sur l’évolution très rapide des pratiques en termes de « réemploi » : et là encore, Internet est un outil extraordinaire pour mettre en contact détenteurs de pièces de réemploi et utilisateurs, dans des proportions qui étaient inimaginables en 2000.
Les présentations d’Indra et d’ARA, Automotive Recyclers Association, des USA, ont été particulièrement convaincantes sur la montée en puissance de cette activité.
« Et justement, tout n’est pas simple à ce sujet … qui me semble mériter une petite mise en parallèle, indique Olivier Fraçois :

Internet va aussi dans les deux sens : les démolisseurs subissent d’ores et déjà la concurrence sauvage de vendeurs insaisissables sur des sites de vente en ligne qui offrent des pièces à des prix intenables par la filière « agréée »...
La fuite des véhicules hors d’Europe : c’est un problème qui prend des proportions de plus en plus inquiétantes : sous prétexte qu’il est impossible d’agir sur le marché des véhicules d’occasion, des épaves dans tous les états imaginables quittent l’Europe par millions et se soustraient ainsi aux exigences de la réglementation.Nous avions déjà posé la question lors de l’IARC précèdent à M. Falkenberg, directeur général de l’Environnement à la Commission européenne : pourquoi ne pas imposer un contrôle technique récent comme condition à l’exportation d’un véhicule ? Après tout, cette règle s’impose à tous en Europe : il est impossible de vendre un véhicule sans contrôle technique. La réponse de M. Falkenberg avait été catégorique : impossible… l’Organisation Mondiale du Commerce ne l’acceptera pas !
Nous sommes donc dans une posture de faiblesse politique caractérisée : l’Europe a une grande ambition dans le discours pour la protection de l’environnement, mais dans les faits, elle se refuse à toute action pour les équipements qui quittent son sol. Se sont pourtant
les déchets de l’Europe qui partent ainsi…Le paradoxe est que l’on entend de plus en plus parler de projet à la Commission européenne de protectionnisme pour interdire l’exportation des matières premières recyclées hors d’Europe, et que la même Commission reste incapable de penser sa responsabilité vis-à-vis de la question des équipements en fin de vie.
Cette situation est très grave pour toute notre industrie qui a massivement investit en biens d’équipements pour atteindre les objectifs fixés par la réglementation européenne, et qui se retrouve aujourd’hui en manque de matière à l’entrée des installations.

