Verre : le recyclage à la vosgienne ne passe pas inaperçu
Sibelco, géant mondial de la production de sable, graviers, emploie plus de 10 000 salariés ; dans une logique qui n’échappera à personne, il a bien évidemment misé sur le recyclage des emballages en verre.
Sibelco green solutions Europe, basée à Crouy, non loin de l’aéroport Paris-Roissy), a vu le jour au milieu des années 80 ; il occupe aujourd’hui 280 personnes réparties sur 9 sites de production et 11 plates-formes logistiques, dont 5 en France : Le Havre (Seine-Maritime), Andrezieux (Loire), Reims (Marne), Crouy (Aisne) et Saint-Menge (Vosges).
Jusqu’en 2002, ce dernier était géré par un entrepreneur local, Jean-Claude Farraire créateur de l’entreprise, il y a trente ans. Au début des années 2000, le dirigeant a vendu au groupe Paté, en partenariat Sibelco green solution.
Après plusieurs millions d’euros d’investissements, l’usine de Saint-Menge repartait d’un pas alerte, modernisée via l’installation de nouvelles machines (tri optique, thermique, par vibration…) : elle fournit à elle seule, près d’un quart du total de Sibelco green solutions en France. Ce passage s’est traduit aussi, par une diminution drastique des collaborateurs qui sont passés de 50 à 22 (plus 2 à 6 intérimaires) : on travaille en trois équipes de production qui se relayent jour et nuit, sauf le week-end.
L’an dernier, Sibelco green solutions prenait le contrôle absolu de Saint-Menge : au programme, des investissements, encore et toujours, allant de 500 000 à 1 000 000 d’euros par an.
Les métiers du verre sont ici, dans les Vosges, une tradition ancestrale : outres les cristalleries de renommée internationale, la verrerie de Gironcourt-sur-Vraine a été effet été créée en 1905 par la famille Bouloumié (société des eaux de Vittel). Si dans des temps anciens, on utilisait la silice entre autre ingrédients, pour la fabrication des bouteilles et autres pots en verre, on mise aujourd’hui sur le recyclage. Pourquoi en effet, gaspiller de la matière et consommer plus d’énergie qu’il n’est nécessaire, lorsqu’on est capable de faire autrement ? C’est ainsi que sont nés les centres de traitement du verre, il y a près de 40 ans. Au fil des ans et des investissements, ces artisans, petits producteurs de calcin, sont devenus de véritables industriels, multipliant les investissements pour suivre les cadences imposées par les verriers : toujours plus, et encore mieux, pour une noble cause… Aujourd’hui, ces partenaires sont indissociables et interdépendants les uns des autres, avec à la clé ce qu’il est convenu d’appeler « l’évitement » des déchets …
Mais revenons sur le site de Saint-Menge, historiquement situé non loin de la verrerie, pour des raisons évidentes de commodités et de limitation de coûts de transport ; là, pour faire court, trois énormes tas de verre d’emballage transformé en calcin : du vert, du blanc, de la poudre. Le tout résultant du travail de tri et de broyage effectué par les équipes et les machines.
« A la suite de quoi, les trois produits fabriqués par l’usine prennent la direction de verreries réparties en France et ailleurs en Europe, qu’elles soient managées par OI manufacturing ou Saint-Gobain (Verallia)», explique Matthieu Szostak, directeur de l’usine de Saint-Menge. Il va de soi que la verrerie voisine, qui appartient désormais à l’américain Owens Illinois manufacturing, n’est pas oubliée dans le schéma de la distribution du calcin. Cela étant, « la règle commerciale dictant qu’un client ne doit pas dépasser un seuil maximal de 30 % du chiffre d’affaires, est applicable à la verrerie de Gironcourt-sur-Vraine. La viabilité du site est en jeu au cas où ce client se retirerait de nos ventes. C’est pour cela que nous restons discrets sur notre CA avec OI Gironcourt », poursuit le directeur.
Le recyclage à l’échelle industrielle n’est pas une mince affaire : pour produire du verre, du sable. Et pas n’importe lequel. La fonte à 1 300 °C du mélange homogène de la silice, de la soude et de la chaux, génère le verre, lequel est consommé, collecté, trié, exempté d’impuretés, préparé selon une granulométrie précise… Dès lors que ce travail est pratiqué avec le mot d’odre « qualité », il n’y a guère de problème de débouché. « Les verreries les plus performantes utilisent désormais jusqu’à 90 % de calcin dans leurs fours, auxquels elles rajoutent des produits colorants, des substances chimiques et du sable. Le groupe Sibelco, l’un des plus importants négociants de sable au monde a souhaité s’adapter à l’évolution du marché en produisant également du calcin ; il a fait ce choix voilà un quart de siècle», poursuit le dirigeant du site.
Et ça tourne ! 1 200 tonnes de bouteilles traitées par jour : « c’est la plus importante usine de ce type, en France. À l’aide d’un chargeur effectuant deux rotations d’une tonne chacune, les bouteilles classées par couleur circulent sur un tapis avec une première séparation des gros déchets à l’aide de lames. Un tri manuel intervient ensuite, précédant la sélection par une lumière optique. Une séance de lavage après séchage à haute température permet d’ôter le reste des étiquettes et avec un produit final propre ». Un tri rigoureux permet de capter les indésirables : à la suite de quoi, déchets de métal, de plastique, de papier, soit environ 10% des tonnages traités, repartent en camions et sont réorientés vers la filière ad hoc.
Mais il est clair que pour que l’usine tourne rond, il faut que la collecte soit régulière et efficace ! Or, la crise aidant, nombreux sont ceux qui ont mis le pied sur le frein de la consommation. Avec pour conséquence, des quantités d’emballages usagés (le verre n’est pas le seul matériau concerné) en baisse. « Cette source d’approvisionnement fournit parfois des volumes insuffisants pour notre production. Le phénomène s’est observé en début d’année où nous avons été obligés de stopper l’activité du site pendant une semaine. La raison de ce manque d’approvisionnement est imputable à la crise avec des gens qui ont moins consommé de boissons en bouteille ». Quand bien même cette situation ne remet pas en cause la pérennité de l’usine, elle ne manque pas d’interroger les professionnels inscrits dans la durabilité de leur métier.