Certains disent que l’Europe ne va pas bien fort par les temps qui courent : ils ont quelques arguments pour cela. Cela n’empêche pas l’Europe et ses Commissaires de continuer à penser et à construire notre avenir. Et il y a quelque chose de rassurant de savoir que, pas très loin de nous, finalement, il y a encore quelques cerveaux qui sont capables de fonctionner hors de l’immédiateté et qui disposent de la capacité de se projeter dans le futur. D’autant que ce qu’ils nous proposent n’est pas loin de ce que l’on s’imagine du bonheur. L'heure est à la nouvelle croissance, fondée sur une utilisation efficace des ressources : d'où une nouvelle feuille de route ...
Il y a quelques jours, la Commission Européenne a proposé, assez discrètement, il faut en convenir mais pas suffisamment pour que cela nous échappe, « une feuille de route visant à transformer l’économie européenne en une économie durable d’ici à 2050 ». Alors que l’on nous rabâche à longueur de temps que l’Europe est au bord du gouffre, il y a dans cette proposition quelque chose de rafraîchissant que nous ne pouvions pas manquer de vous faire partager.
La feuille de route va droit au but, c’est « notre bien-être et notre prospérité futurs » (dans le texte). Vous voyez que cela ne rigole pas. La feuille de route nous explique que pour y parvenir, la recette est simple, il faut « utiliser efficacement nos ressources ». Pour construire cette feuille de route, on a recensé les secteurs économiques les plus consommateurs de ressources (les banques en font-elles partie ?) et l’on propose des instruments et des indicateurs pour guider les actions à entreprendre en Europe et dans le monde. Un véritable programme en faveur « de la compétitivité et de la croissance axé sur l’utilisation de moins de ressources lors de la production et de la consommation de biens et sur la création d’entreprises et d’emplois dans des secteurs d’activité tels que le recyclage, la conception plus intelligente des produits, la recherche de matériaux de substitution et l’éco-ingénierie ».
L’excellent Janez Potocnik, Commissaire européen chargé de l’Environnement, a profité de la présentation de cette feuille de route pour réaffirmer que « la croissance verte est le seul avenir durable pour l’Europe et pour le monde. Les secteurs de l’industrie et de l’environnement doivent coopérer car ils ont les mêmes intérêts à long terme ». Tout le monde est à peu près d’accord là-dessus, mais, M. Potocnik, comment s’y prend t-on ? Pas du tout décontenancé par la question, M. Potocnik donnent les recettes.
Il conviendra de transformer la production et la consommation en incitant les investisseurs à promouvoir l’innovation écologique, à stimuler l’écoconception et l’éco-étiquetage et à encourager les organismes publics à faire des dépenses plus écologiques. Voilà un programme qui transcende un peu pour une fois.
Une question se pose toutefois, il ne se serait pas un peu inspiré de Notre Grenelle à nous, M. Potocnik ? Un peu au début, peut-être, mais écoutons la suite. Le Commissaire à l’Environnement invite les gouvernements à alléger la fiscalité sur le travail en taxant la pollution et la consommation des ressources. Là, cela ne va pas plaire à tout le monde, pas plus à ceux qui nous gouvernent qu’aux amis de ceux qui nous gouvernent. Pour stimuler tout cela, la feuille de route recommande de prévoir de nouvelles mesures d’incitation pour encourager les consommateurs à se tourner vers des produits plus économes en ressources et une adaptation des prix afin qu’ils reflètent les coûts réels de l’utilisation des ressources en particulier sur l’environnement et la santé.
Pour un beau programme, c’est un beau programme. La question se pose évidemment de savoir comment on va l’appliquer, mais n’est-ce pas le lot de tous les programmes ? M. Potocnik soulève le voile. La feuille de route vise à remédier au problème de la mauvaise utilisation des ressources dans les secteurs responsables de la plus grande partie des dégâts environnementaux. Et M. Potocnik n’hésite pas à « balancer » : les secteurs de l’alimentation, de la construction et de la mobilité dont précise-t-il, « les effets combinés représentent entre 70 et 80 % des incidences environnementales ». Tout M. Potocnik, qu’il est, il pourrait ne pas tarder à se prendre un bon vol de lobbyistes derrière la tête.
Du côté des ressources
Que les choses soient claires, il faut rechercher une utilisation efficace et suivre l’approche intégrée dans de nombreux domaines d’action à l’échelle de l’Union et se concentrer sur les ressources soumises aux plus fortes pressions. Les instruments existent : la réglementation, des instruments fondés sur le marché, la réorientation des instruments de financement et la promotion d’une production et d’une consommation durable. Tout cela semble un peu flou, mais ne vous y trompez pas, d’ici à 2013, des objectifs et des indicateurs clairs seront définis dans un grand processus participatif qui réunira des décideurs politiques, des experts, des ONG, des entreprises et des consommateurs… (et des lobbyistes. Ndlr)
C’est tellement beau que l’on a un peu de mal à y croire, mais pour convaincre définitivement les sceptiques de notre espèce, M. Potocnik à confirmer que les actions et les mesures exposées dans la feuille de route seront prochainement mises en œuvre. Pour ce faire, la Commission va se charger d’élaborer des propositions stratégiques et législatives. A suivre donc et de près, s’il vous plait !