Transition énergétique : c’est (presque) dans la boîte

Le 28/05/2015 à 20:07  

Transition énergétique : c’est (presque) dans la boîte

Loi Ce n’est pas seulement une loi sur la croissance verte qui est en passe d’être définitivement adoptée par la France ; c’est aussi une loi « fleuve » avec ses quelque 900 amendements, régulièrement ajoutés au texte initial au fil du temps (dont certains sont sortis du chapeau, il y a quelques jours seulement), des amendements qui ont néanmoins pu être examinés dans les temps impartis, entre les 19 et 21 mai 2015, avant le vote du texte au global, qui est intervenu ce mardi 26. Ouf ! Si on en n’a pas terminé (le texte sera ensuite examinée le 17 juin en commission au Sénat et à partir du 29 juin en séance), on a franchi un cap, et non des moindres….

S’il est un texte emblématique de ce quinquennat, la France souhaitant se doter d’une loi cadre dans le domaine considéré, c’est bien la loi sur la transition énergétique, projet de texte de nouveau soumis au vote, ce 26 mai.

Un texte qui voudrait « faire de la France un pays exemplaire »
Cette loi verte, portée par Ségolène Royal devant être bouclée avant que ne se tienne en décembre prochain, à Paris, la conférence internationale sur le climat, la fameuse Cop 21. Contrairement à ce qui se passe de manière régulière dans notre pays, sur ce coup là, plus aucun retard ne sera donc permis (pour mémoire, la loi devait à l’origine être prévue pour 2013)…

C’est donc à marche forcée que députés et sénateurs échangent, besognent et analysent les textes et amendements que l’on a flanqués au projet… qui comprend des objectifs principaux tels que « la réduction des gaz à effet de serre pour reprendre en main notre destin climatique », « l’indépendance énergétique », le « développement des transports propres », ou encore l'économie circulaire ou les « bénéfices économiques des fruits de la croissance verte » : le champs d’action projeté est large, tout en laissant un goût d’inachevé, ce qui peut sembler contradictoire du fait du nombre d’articles (66, tout de même) et parce que le texte, comme le projet sociétal sont débattus depuis de longs mois maintenant. Si l’ambition gouvernementale consiste clairement à doter la France d’une législation comptant parmi « les plus avancées du monde, car la plus complète », le parcours pour y parvenir ressemble à celui de combattants : certains points, dont les questions du transport et du nucléaire, ont d’ailleurs donné lieu à de véritables passes d’arme lors des débats, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat ; ces questions ayant connu des évolutions sensibles.

Il reste qu’au terme de huit séances, réparties sur quatre jours depuis ce 20 mai, le projet de loi a obtenu un deuxième feu vert de l'Assemblée nationale par 308 voix contre 217 (et 56 abstentions), ce mardi 26 mai, à la grande satisfaction de la ministre de l’Ecologie qui a salué un texte qui doit « faire de la France un pays exemplaire », alors que l'UMP a déjà dénoncé une « trahison énergétique » construite autour de « la décapitation de la filière nucléaire », stigmatisant un texte « irréaliste », un propos que l’on justifie en indiquant que « le respect de l'objectif de réduction de 75 à 50% de la part du nucléaire imposerait la construction de 20 000 éoliennes, la couverture par des panneaux photovoltaïques de 70% des toits français pour un coût de 190 milliards d'euros ». On retiendra que les élus communistes ont également voté contre le texte qui prépare l'abandon « de la maîtrise publique de l'énergie » et ouvre la voie à « un démantèlement du service public ».
L’affaire n’est pas bouclée pour autant (quand bien même les services du ministère sont déjà penchés sur les textes d'application « pour qu'au moment de la promulgation de la loi, la quasi-totalité des décrets soit rédigée »), le texte n’étant pas encore gravé dans le marbre, puisque qu’il devra repartir devant les sénateurs puis être adopté définitivement par les députés (à moins que le Sénat ne l’adopte sans modification, ce qui mettrait fin à la navette parlementaire), et ce avant la trêve estivale (ou au pire, dès la rentrée). Si les objectifs sont « clairs », d’aucuns ont déjà relevé des moyens « flous »… Dans cette dernière version en date, le texte fixe des objectifs contraignants puisque notre pays devra réduire de 50% sa consommation énergétique d’ici à 2050, de 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 (par rapport au niveau de 1990), tandis qu’en 2030, la part du renouvelable dans la production énergétique devra au minimum atteindre 32 %.

Déchets : encore des ajustements à prévoir
Pour ce qui touche à l’évitement des déchets, on retiendra plusieurs éléments du titre IV du projet de texte : le projet de loi encourage la lutte contre le gaspillage, la réduction des déchets à la source et le développement de l’économie circulaire, en favorisant la conception innovante des produits et des matériaux ainsi que le tri et le recyclage.

La nouvelle lecture du projet de loi a notamment permis d’ajouter des mesures contre le gaspillage alimentaire (adoptées à l’unanimité lors de la lecture du texte le 21 mai, ce qui doit être souligné, tant ce n’est pas courant) préconisées par le député Guillaume Garot (Mayenne), qui a commis un rapport récemment remis au gouvernement (en avril dernier).
Ainsi, l'Assemblée a clairement souhaité empêcher autant que faire se peut, la grande distribution, non seulement de jeter des denrées alimentaires, mais aussi de rendre leurs invendus impropres à la consommation (nombreuses sont les grandes surfaces qui balancent en effet de l’eau de javel afin d’interdire la consommation de la nourriture qu’elles jettent à la poubelle, ce qui est scandaleux).
« Les distributeurs devront s'efforcer de prévenir tout gaspillage et, à défaut, d'écouler leurs invendus en donnant aux associations en charge de l'aide alimentaire, de favoriser la production de l'alimentation animale ou celle de compost pour l'agriculture »... Cela passera d’entrée, par la mise en place obligatoire, avant le 1er juillet 2016, d'une convention entre les associations et les magasins de plus de 400 m² commercialisant des denrées alimentaires. On retiendra que les produits sous marque de distributeur qui seraient retournés au fournisseur seront autorisés au don, alors qu’ils sont actuellement détruits actuellement. Dès lors que des têtus ne s’exécuteraient pas sur le champ (à cette date), ils s’exposeraient, à deux ans de prison et 75 000 euros d'amende.

Le 21 mai dernier, lors de la plénière du matin, tension il y avait en revanche, en raison de deux débats jugés d’importance : l’un concernant l’avenir de la valorisation des déchets organiques, le second touchant à l’évolution de la REP (pour les papiers graphiques).
Un amendement visant l’interdiction de construire de nouvelles installations de méthanisation TMB au 1er janvier 2016 aurait été déposé par Sabine Buis, députée PS de l'Ardèche, l’un des cinq rapporteurs (rénovation des bâtiments et économie circulaire) de la loi TE. Ce qui n’a pas manqué d’animer le débat : s’il est des installations qui posent en effet « quelques problèmes », le site d’Angers ayant même récemment cessé de traiter les déchets, il en est qui donnent satisfaction comme à Lille ou Marseille, tandis qu’ailleurs, on a réalisé les travaux complémentaires qui s’avéraient nécessaires (par exemple à Montpellier) afin de restaurer une situation jugée décevante. A cela s’est évidemment ajouté que les collectivités locales, qui disposent de la compétence déchets, ont vu d’un mauvais œil que l’Etat puisse prendre des décisions de cette sorte en lieu et place des élus…
Ségolène Royal dont on sait qu’elle est tentée de développer la valorisation des déchets organiques via un tri à la source et une collecte séparée, mais également développer le compostage individuel d’ici 2025, inquiète un peu en raison des coûts supplémentaires que cela va engendrer au sein des collectivités. Les 20 et 21 mai derniers, avait lieu le congrès spécial déchetterie organisé par Amorce, rencontre au cours de laquelle Nicolas Garnier, délégué général de l’association, n’a pas manqué de rappeler que « le coût annuel des ordures ménagères en France est de l’ordre de 7 milliards d’euros», et que « le développement d’un traitement à part des biodéchets supposerait un budget supplémentaire à prévoir d’environ 500 millions d’euros par an ».

En tout état de cause, le projet de loi vise aussi à interdire les sacs plastiques à usage unique à partir du 1er janvier 2016 (qu’ils soient payants ou non). Seuls seraient autorisés les sacs plastiques épais et réutilisables, ou encore les sacs jetables mais produits à partir de matière végétale, biosourcés ou compatibles avec le compostage domestique. Autre type d’emballage visé, ceux qui servent à l’envoi de la presse et de la publicité (adressée ou non adressée) : dès le 1er janvier 2017, l’utilisation des films plastiques non biodégradables et non compatibles avec le compostage domestique sera interdite.