Traitement et « circularité » des déchets…
En théorie, l’économie circulaire, une thématique très tendance, serait le remède à bien des maux en matière de traitement des déchets. En pratique, on se positionne encore souvent sur des valeurs classiques et bien connues en matière de traitement des déchets : l’enfouissement constitue un exutoire largement utilisé en France, d’aucuns considérant d’ailleurs, que la mise en décharge étant relativement « bon marché », elle ne favorise pas un fort développement du recyclage…
L’économie circulaire (l’un des quatre chantiers que compte suivre la ministre de l’Écologie, Ségolène Royal, pour amorcer la transition énergétique, dont la loi est encore en préparation) ne saurait être un modèle visant à tourner en rond ; il s’agira de savoir très bientôt quelle sera la bonne direction à prendre. Sans prendre de raccourci, on dira que schématiquement l’économie circulaire prône entre autres choses, la fabrication du neuf avec du vieux et donc une production industrielle à partir de matières recyclées autrement dénommées les « nouvelles matières premières ». Bref : elle a pour socle le recyclage et lutte a contrario contre le gaspillage. Le concept fait consensus, son application fait débat…
A l’occasion de cette conférence parlementaire sur le thème de la valorisation des déchets, plusieurs intervenants, dont l’ancienne secrétaire d’État chargée de l’Écologie, Chantal Jouanno, ont évidemment plaidé en faveur de l’économie circulaire.
« L’économie circulaire est un système dans lequel chaque matière constitue une ressource dont le principe premier est de ne pas être détruit. Dans ce système chaque ressource est un capital », a notamment déclaré l’ancienne secrétaire d’État chargée de l’Écologie.
Mais ce n’est pas tout : à la clé du système, croissance économique et emploi. « Ce modèle économique global et territorial offre de nouvelles perspectives de croissance et de création d’emplois non-délocalisables »... Le sujet est donc hautement stratégique ; la Commission européenne (dans le cadre de sa feuille de route sur l’utilisation efficace des ressources), ayant inscrit dans ses axes de travail prioritaires le développement d’une économie circulaire, rappelle en substance, François-Michel Lambert.
De fait, l'objectif de recyclage des ressources est bel et bien inscrit dans la Stratégie Europe 2020. Après une étude du cabinet McKinsey pour la fondation Ellen MacArthur, les économies potentielles liées à l'application de ce nouveau modèle de développement ont été chiffrées en milliards d'euros.
Quand bien même : la France serait en retard par rapport à ses voisins européens. C’est en tout cas ce que déclare Franco Gaston, député européen du Parti Populaire Européen (PPE). « Il existe un potentiel sous-exploité en matière de création de richesse via l’économie circulaire, en Europe, et notamment en France. Si les règles de l’économie circulaire en France étaient mises en œuvre d’ici 2020, près de 400 000 emplois seraient créés. Il faut imposer une stricte application de la hiérarchie des déchets, car en France les objectifs en matière de recyclage n’ont pas été atteints. La France est très en retard comparée à l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas ou encore l’Autriche », assure ce parlementaire européen.
« Ce gouvernement intègre dès à présent les enjeux de crise des ressources. Avec l’Institut de l’économie circulaire, nous allons prendre contact avec Ségolène Royal et son ministère très rapidement pour lui faire part de nos travaux et de nos pistes de réflexion », a indiqué pour sa part, François-Michel Lambert, avant de conclure que « Ségolène Royal est une femme politique très compétente qui saura faire avancer l’économie circulaire dans notre pays. C’est pourquoi nous avons toute confiance en elle ».
Pour mémoire, François-Michel Lambert, député EELV, vice-président de la commission du Développement durable à l'Assemblée nationale et président de l'Institut de l'Economie circulaire (IEC, entre think-tank et lobby) a été à l’origine, avec Chantal Jouanno, députée UDI, du club des parlementaires pour l’économie circulaire, qui dit vouloir agir en faveur d’un changement de l’outil économique. Ce thème, déjà cher au parti socialiste (certains ténors ne cessent de le répéter à l'instar de Ségolène Royal) a donc bel et bien le vent en poupe…
Parmi les points d’orgues, l’échelon local, élément déterminant dans le développement de cette économie circulaire. C’est d’ailleurs à ce stade que certaines oppositions fortes se manifestent. Quand ce n’est pas des contradictions. Le recyclage est planétaire (c’est ce qu’indiquait clairement François-Michel Lambert, lors de la dernière assemblée générale de Federec) : est-ce à dire que pratiquer l’économie circulaire rend possible de négocier les matières recyclées (comme c’est le cas aujourd’hui) hors des frontières et parfois à destination de contrées lointaines ? Que nenni ! Les chantres de cette façon de penser sont formels : on reste à proximité (ce qui peut engendrer une dégradation du marché, en terme de prix de vente de ces nouvelles matières premières, si l’on n’y prend pas garde). On aura compris que le diamètre des cercles n’est donc pas encore clairement défini...
« Les collectivités ont un rôle majeur à jouer en qualité d’actrices de l’économie circulaire, puisqu’elles disposent des compétences en matière de recyclage des déchets ménagers », rappelle, pour recentrer le débat, Sylvain Baudet, économiste, chef de projet développement économique territorial. Ce qu’admet bien volontiers Chantal Jouanno qui profite de l’occasion pour réaffirmer que «normalement, les projets qui sont conçus localement fonctionnent bien ». Sauf, on ne le dira jamais assez, qu'on ne joue pas dans la même cour, entre déchets ménagers et déchets industriels, notamment pour ce qui est des tonnages en jeu... et qu'il n'est pas évident du tout que la France puisse absorber toutes les quantités produites. Si dans le secteur des déchets du BTP recyclés, on ne craint guère de ne pas pouvoir écouler la matière en France, puisqu'on en manque et que les débouchés sont assurés, dans le secteur des papiers cartons, pour ne citer que ce sdeux cas de figure, les professionels du recyclage sont beaucoup plus prudents ... Ce n'est donc pas si simple qu'il y parait...
A ce stade, il devenait intéressant de rappeler que les déchets constituent aussi, via l’incinération bien organisée, une source d’énergie possible, laquelle étant un maillon essentiel dans bien des domaines industriels. Si demain elle était mieux gérée (ce qui n’est pas tout à fait le cas aujourd’hui, puisqu’il reste 33 millions de tonnes d’ordures ménagères non recyclées), ce serait une source fiable (et meilleur marché) d’énergie qui limiterait d’autant la dépendance à l’égard des énergies fossiles importées.
Tel est le plaidoyer de Luc Valaize, président du SVDU (Syndicat national du traitement et de la Valorisation des Déchets Urbains et assimilés) qui se dit convaincu « que nos déchets sont un formidable gisement. Nous, dans nos incinérateurs, nous en faisons de l’énergie. Une étendue de ce processus, nous permettrait de doubler la capacité énergétique de la France »… Voir à ce propos Recyclage : optons pour la préférence nationale
C’est ce qui avait déjà été préconisé en septembre dernier à l’avant-veille de la conférence environnementale ; la Fnade avait en effet pris certaines positions dans le cadre plus global de la politique stratégique qui devrait être mise en oeuvre dans notre pays, afin qu’il participe plus concrètement à l’Europe du recyclage. A la suite de quoi, on est loin du consensus pour ce qui est du rôle de la fiscalité en la matière: si Federec semble encline à voir augmenter la TGAP (voir Recyclage : Federec réaffirme sa volonté de creuser plus profond), la Fnade en revanche, y serait plutôt opposée (voir La Fnade se pose en militante)…Si le débat reste ouvert, on aura bien compris que les jeux ne sont pas faits