Trafigura : nouveau (et dernier?) rebondissement
La parole est à la défense. Attaquée de toutes parts et depuis trois ans, la société Trafigura a, la semaine dernière réfuté un rapport émanant de l’Onu, signé dans la foulée, un accord pour dédommager plusieurs dizaines de milliers de victimes, tout en restant sur sa position première : « c’est pas moi et ne suis en rien responsable de cette catastrophe ». Elle nous fournit quelques éléments allant dans ce sens…
Mercredi 16 septembre : au lendemain de l’annonce faite par la société Trafigura propriétaire des déchets du Probo Koala d’indemnisation de quelque 30.000 victimes, l’ONU publie un rapport affirmant qu’il y avait suffisamment de preuves pour affirmer que le déversement en Côte d’Ivoire de ces déchets toxiques en 2006 avait «causé plus d'une dizaine de morts et rendu malades des dizaines de gens dans ce pays».
«Nous ne savons pas, et nous ne serons peut-être jamais, le plein effet du déversement de 500 tonnes de déchets toxiques en Côte d'Ivoire», va même jusqu’à dire Okechukwu Ibeanu dans un communiqué. Cet expert de l’ONU a estimé qu’il existait à première vue des preuves solides indiquant que des violations des droits de l’homme sont survenues.
Cependant, des procédures légales sont toujours en cours aux Pays-Bas et au Royaume-Uni concernant la composition exacte et la nature toxique des déchets en question.
L’affréteur du cargo a rejeté ce rapport, affirmant que «le rapporteur spécial est parvenu à des conclusions prématurées, erronées et potentiellement préjudiciables, qui ne sont aucunement soutenues par des preuves vérifiables», souligne de son côté l’AFP…
19 septembre : des tractations se poursuivent
Hier, 20 septembre : un protocole d’accord a été signé. Ce document reconnaît que les slops du Probo Koala ne peuvent avoir causé aucun décès ni blessure sérieuse…
Leigh Day & Co, l’avocat conseil des plaignants d’Abidjan aurait été forcé de reconnaître publiquement hier, suite aux analyses des 20 experts indépendants auprès du tribunal de Londres, qu’aucun lien ne peut être établi entre les slops du Probo Koala et les décès, les fausses couches, les naissances d’enfants mort-nés, les malformations, les pertes d’acuité visuelle ou autres maladies graves et chroniques.
L’avocat précité reconnaît désormais que les slops ne pourraient être, dans le pire des cas, qu’à l’origine de symptômes bénins et passagers, semblables à ceux de la grippe ou de l’anxiété.
Ces derniers mois, Leigh Day & Co a compris que les symptômes médicaux constatés auprès de certains plaignants, ne pouvaient être attribués aux slops du Probo Koala, qu’avec une probabilité infime. L’avocat conseil des plaignants d’Abidjan, a d’ailleurs retiré toutes ses accusations et a donné son accord pour la publication du protocole sur son site Web.
Le protocole conclu aujourd’hui n’est en aucun cas un aveu de responsabilité de la part de Trafigura (la cour criminelle de Cote d’Ivoire a d’ailleurs déjà a mis hors de cause Trafigura en mars 2008), même si Trafigura a toujours clairement reconnu que les slops avaient une odeur extrêmement déplaisante et qu’ils avaient été illégalement épandus par la Compagnie Tommy, causant d’importantes nuisances à la population locale. L’indemnisation proposée témoigne uniquement de l’engagement social et économique de Trafigura dans la région.
« Depuis la pollution d’août 2006, Trafigura a cherché à aider la population d’Abidjan, en s’assurant que les risques pour la santé et l’environnement étaient pris en charges, notamment par le financement de l’opération de nettoyage. Dernièrement, dans le cadre du suivi des risques environnementaux liés à l’incident Probo Koala, Trafigura a mandaté WSP, cabinet d’audit environnemental indépendant, pour analyser la périphérie d’Abidjan. Le rapport de WSP, qui confirme l’absence aujourd’hui de risques pour la santé ou pour l’environnement liés aux déchets du Probo Koala, identifie en revanche d’autres sujets d’inquiétudes (totalement déconnectés de l’affaire du Probo Koala), qui pourraient potentiellement faire courir des risques aux habitants ».
Le protocole de ce jour reflète la position de Trafigura depuis le début de la procédure judiciaire en 2006. « L’entreprise a été la cible d’une campagne de dénigrement dans les médias, par Greenpeace, et plus récemment par le Rapporteur Spécial de l’ONU (dont on peut regretter que les conclusions ne soient fondées sur aucune preuve scientifique et dont on rappellera qu’il a rejeté à plusieurs reprises les propositions de partage d’expertises de Trafigura) ».
« Trafigura est totalement innocenté par les conclusions des experts des deux parties » a déclaré Eric de Turckheim, Directeur de Trafigura. « Depuis 3 ans on nous accuse d’avoir causé des morts et des maladies graves. Aujourd’hui ces accusations se révèlent sans fondement, comme le reconnaît la déclaration de Leigh Day & Co, l’avocat des plaignants ».
Et d’ajouter « Notre absence totale de responsabilité dans cette pollution, n’empêche pas Trafigura de poursuivre son engagement économique et sociale au travers de cette indemnisation ».
En conclusion, il a surtout rappelé que : « trois ans après ce drame, Trafigura souhaiterait être soutenu dans une initiative visant à, enfin, équiper les grands ports de chaque pays signataires de MARPOL d’installations de traitement de déchets, notamment pétroliers, professionnelles, transparentes et certifiées, afin qu’une telle situation ne plus se reproduire ».
- Et pour que cela intéresse, la Déclaration commune finale…-
« Depuis août 2006, les parties ont investi énormément de temps et d’argent afin de réaliser une analyse détaillée des événements survenus à Abidjan en 2006. Dans le cadre de cette procédure, plus de 20 experts indépendants dans le domaine du transport maritime, de la chimie, de la modélisation, de la toxicologie, de la médecine tropicale, des sciences vétérinaires et de la psychiatrie ont été nommés afin d’en examiner tous les aspects. Ces experts indépendants n’ont établi aucun lien entre l'exposition aux produits chimiques émanant des slops d’une part, et les décès, les fausses couches, les naissances d’enfants mort-nés, les malformations, les pertes d’acuité visuelle ou d’autres maladies graves et chroniques. À la lumière des conclusions de ces experts, Leigh Day and Co reconnaît désormais que les slops ne pourraient, dans le pire des cas, qu’être à l’origine de symptômes bénins et passagers semblables à ceux d’un état grippal ou de l’anxiété. De ces analyses, il ressort clairement que de nombreuses plaintes ont été déposées pour des symptômes n’ayant aucun lien avec une exposition aux slops. À la lumière des conclusions des experts, Leigh Day & Co retire les commentaires faits sur son site Web le 8 novembre 2006 et après cette date, selon lesquels les slops seraient notamment à l’origine de nombreux décès et fausses couches. Par conséquent, Trafigura et Leigh Day & Co ont décidé d’un commun accord, de mettre fin à la procédure en diffamation engagée par Trafigura. Leigh Day & Co dément que certains de ses clients aient pu faire de fausses déclarations de manière délibérée. Sur la base des assurances données à leur principal avocat chargé de l’affaire, et au vu de son avis, Leigh Day & Co retire toute allégation selon laquelle Trafigura ou ses conseillers juridiques (y compris Macfarlanes) aient commis des actes répréhensibles lors des investigations menées sur ces plaintes. Leigh Day & Co reconnaît l’aide considérable apportée par Trafigura au Gouvernement de Côte d’Ivoire et à sa population, notamment au travers de la fourniture de médicaments et d’aides financières pour la décontamination des sites affectés par les déchets, ainsi que par la mise en place d'un fonds d’indemnisation. Trafigura affirme qu’elle ne pouvait envisager, ni n’était en mesure de prévoir, les agissements répréhensibles de la Compagnie Tommy, consistant à épandre ces slops à Abidjan et ses alentours en août et septembre 2006, et que la Compagnie Tommy a agi en toute autonomie et sans aucune autorisation de sa part. Trafigura regrette profondément les conséquences de cette affaire, et se réjouit de la résolution de cette affaire ». |