Trafigura : ça sent le soufre !
Après le procès en Côte d'Ivoire qui s'est terminé par deux condamnations de 20 et 10 ans de prison, les poursuites judiciaires, volet civil , de l'affaire du déversement des déchets toxiques du Probo Koala, se mettent en place à Londres puis à Amsterdam. Au centre des débats et de l'instruction, la qualification de la toxicité des déchets qui se trouvaient dans les cales du bateau, est l'enjeu capital. Or, notre confrère du Guardian, rappelle qu'un rapport d'un officiel hollandais au moment de l'escale du Probo Koala, a bien confirmé que les cales du navire contenaient approximativement 2 tonnes de sulfure d'hydrogène qui est considéré comme un véritable poison...
Sur les 100 000 victimes ivoiriennes, un collectif de 30 000 ivoiriens poursuit en justice Trafigura et ses trois dirigeants, Claude Dauphin, Eric de Turckheim et Graham Sharp, à Londres et à Amsterdam. Actuellement, l'instruction se déroule à Londres, le procès étant prévu pour le mois d'octobre et c'est l'occasion de revenir sur la question de la toxicité des déchets du Probo Koala, ainsi que sur les agissements des dirigeants de Trafigura mais aussi de ces conseils. Et, le moins que l'on puisse dire, c'est que cela sente le soufre.
" Le Probo Koala n'a déchargé que des slops ordinaires.... Les slops qui ont été déchargé ne pouvaient pas être la cause du désastre sanitaire qui est survenu. En particulier, nous sommes certains qu'ils ne contenaient pas du sulfure d'hydrogène..." telles sont les affirmations qu'ont répété les dirigeants de Trafigura. Eric de Turckheim, a dit la même chose lors d'une émission sur la BBC auprès du commentateur Jeremy Paxman explique notre confrère du Guardian. Mais, selon les avocats des victimes, la vérité est toute autre. Ils s'appuient notamment sur un rapport d'un expert hollandais qui a estimé que les cales du Probo Koala contenait 2 tonnes de sulfure d'hydrogène au moment de son escale à Amsterdam.
II y a deux jours, un membre de la société Royale de Chimie, John Hoskins, a confirmé sur la BBC la toxicité de ces matières : " si vous les déposiez sur Trafalgar Square, vous auriez des personnes malades sur plusieurs miles et cela toucherait des millions d'individus. Il n'est pas difficile d'imaginer qu'une femme enceinte ait pu être empoisonnée et que cela ait entraîné un avortement du foetus. Il y aurait des effets à long terme sur la santé des victimes avec des dommages sur les poumons, les reins qui ne seraient pas récupérables "
Alors il est difficile de croire que ce que faisait Trafigura c'était de la simple routine. Tout simplement elle transformait des sous-produits pétroliers en ajoutant du sulphure d'hydrogène pour obtenir un produit plus rentable. Les employés de Trafigura ont réalisé une opération de catalyse afin d'obtenir une meilleure qualité de pétrole en la séparant d'un sous-produit toxique.
Pour l'avocat des victimes, Martyn Day, Trafigura a commencé ce procédé en 2006 sur terre dans le port tunisien de La Skirra. Déjà à l'époque, il y a eu des déchets et des gaz toxiques qui ont entraîné des problèmes sanitaires obligeant les autorités portuaires à interdire cette pratique. L'essai suivant fut de réaliser la même opération à bord d'un tanker au large de Gibraltar. Ils ont ensuite essayé de déposer les déchets à Amsterdam en les faissant passer pour des déchets ordinaires. Puis quand on leur a demandé de payer plus cher pour les éliminer, Trafigura a repompé les déchets dans les cales. Un ultime essai a été tenté en Norvège pour réaliser cette opération de désulphurisation mais en vain, causant un nuage de gaz qui a affecté des centaines de personnes de la population locale.
Autre point soulevé par Day, la reconnaissance d'une indemnisation par Trafigura, l'année dernière, pour les victimes qui démontreraient une relation avec leur exposition aux déchets. Du coup, cela aurait pour conséquence d'évacuer du débat juridique actuel l'histoire du voyage du Probo Koala. L'avocat d'affirmer que la motivation de Trafigura était d'obtenir ainsi un changement dans les témoignages des plaignants.
Parmi les témoins, Simon Nurney, l'un des partenaires de Trafigura, aurait eu une entrevue avec le représentant du conseil de Trafigura, Macfarlanes au Maroc, et on lui aurait offert de l'argent pour qu'il retire son témoignage. Du coup, la Haute Cour a interdit Trafigura d'établir de contact avec les témoins. Macfarlanes a admis dans un article du Guardian d'avant-hier cette rencontre tout en niant qu'aucune proposition financière ait été faite. Pour sa part Trafigura a indiqué que rendre publique de telles informations mettrait la vie de ses employés locaux en danger, de la part d'ivoiriens hostiles. Du coup, le juge McDuff a autorisé la mise au secret de l'instruction.
à suivre !