Textiles : Emmaüs et Le Relais seraient-ils en bisbille ?
La grogne est de mise au plus haut niveau du recyclage et le torchon brûle apparemment au sein de la branche textile de la fédération des entreprises du recyclage, Federec. Des démissions en cascade animent depuis quelques mois la vie du Conseil d'Administration du syndicat, au motif que toutes les activités et entreprises ne seraient pas traitées avec la même équité…pour faire soft.
Plusieurs entreprises membres du conseil d’administration de Federec textiles ont mis en évidence que le dialogue est difficile, voire impossible, entre les parties prenantes. La coupe semble pleine et il n’est pas question pour un certain nombre de professionnels, de mettre « le mouchoir » par-dessus. D'où la situation qui prévaut en attendant les prochaines élections (qui ne sauraient tarder).
Dans un autre registre, un article récent paru dans le numéro de 2129 de notre confrère le Point, remettant en cause certaines pratiques du collecteur de textiles usagés Le Relais, met le feu aux poudres.
Sur le terrain, aussi, on se canarde... Et on affiche clairement la couleur du désaccord. A titre d'exemple, Emmaüs Montpellier basé à Saint-Aunès, vend les vêtements et linges de maison qu’elle récupère à une société privée locale, à savoir Philtex Recycling, établie à Marguerittes (Gard) plutôt qu’à la coopérative du Relais. Ce qui ne manque pas de susciter l'étonnement surtout lorsqu'on sait que Le Relais est filiale d’Emmaüs...
Oui mais voilà! Le 4 juillet dernier, l'article du Point a mis le feu aux poudres. Emmaüs Montpellier et Philtex fournissaient des éléments dérangeants à l'encontre du directeur et fondateur du Relais, Pierre Duponchel. Ce dernier étant accusé de détenir (en son nom propre) 50% des parts d’une société installée à Dubaï (un paradis fiscal).
Dans ce même article, on peut lire que Nord-Sud Export (tel est le nom de la société dont il est question) vend à l’étranger une partie du textile collecté par le Relais.
Le dirigeant d'Emmaüs Montpellier, Dominique Boisseau, ne décolère pas : "en France, ça s’appelle de l’abus de bien social, même si dans la loi arabe, ça n’existe pas". Et d'ajouter que dans très peu de temps, en ce mois de septembre, le dossier sera étalé en interne à Emmaüs, mais au niveau national. Et de prévenir que "ça va réagir violemment, croyez-moi".
S’agit-il d’une cabale qui serait orchestrée par des jaloux ? Difficile de répondre. Une chose est sûre : en dehors du monde de l’entreprise solidaire, on râle et conteste également la façon de faire de Pierre Duponchel.
Ainsi, Hatem Sedkaoui, directeur général de Next textiles (une filiale de Sita et Soex), ajoute sa pierre à l’édifice ou plutôt son pavé dans la mare, en déclarant que le patron du Relais « emploie des Bengalais et des Pakistanais à 4 dollars par jour ».
Alors !? Que penser?
Pierre Duponchel ne manquant évidemment pas d'arguments pour contrecarrer ces positions.
Et de Un, il regrette ce tapage à propos d’une situation qu’il juge très claire « Je n’ai jamais mis un euro dans Nord-Sud export, je ne toucherai jamais un euro. J’ai demandé au Relais de me mandater comme le ferait une société pour un cadre qui agirait pour le compte de son entreprise », a-t-il déclaré à notre confrère Le Midi Libre. Et d’ajouter que « des 4 M€ de chiffre d’affaires, une fois tout payé, il reste 100 000 à 200 000 € de bénéfices reversés au Relais depuis 2011 ». Avant cette date, notre confrère Le Point indique que les bénéfices auraient été réinvestis dans l’achat des terrains et des locaux exploités par Nord Sud Export.
Et de Deux, s’il a pris l’initiative de la mise en route de cette filière à l’export, en 2004, c’est que « rien ne se vendait en textile et qu’il fallait trouver des débouchés ». Il se trouve qu’un ancien client, Mohamed Khawam, un citoyen Belge d’origine syrienne, lui aurait proposé ce montage à Dubaï, afin d’écouler « des stocks qui sinon, auraient fini en décharge ».
Depuis lors, le contexte a évolué et n'a même plus rien à voir. On est ravi en effet, de constater que la donne a changé : le prix de la tonne de textiles triés a tout simplement explosé entre 2007 et 2013, pour passer de 80 à 400 €. Sans doute la mise en place de l’éco-taxe sur chaque vêtement neuf acheté, a-t-elle fait découvrir, ou redécouvrir, ce très vieux métier de la récupération des textiles à certains. Sans doute aussi, les prix redevenus attractifs auront-ils généré des vocations ici, des investissements ailleurs, afin de redorer la pratique du métier…
Seulement voilà : sans doute aussi cela aura-t-il aiguisé certains appétits, généré des pratiques nouvelles et ces dissidences dont ce noble métier se serait bien passé… Attendons la suite ; car pour l’heure, on est loin d’en avoir terminé avec cette bataille de chiffonniers…
En complément, voir notamment : Le recyclage des textiles est un métier à tisser, ainsi que notre rapport (3 articles) : "Un chiffon les petites marionnettes"