Taxe pique-nique : c'est encore le consommateur qui va trinquer
Depuis quelques jours, les médias sont focalisés sur les commentaires de Nathalie Kosciusko-Morizet et de Jean-Louis Borloo à propos de la préparation d’une taxe sur les produits dits « fortement générateurs de déchets ». Jean-Louis Borloo a d'ailleurs annoncé ce matin la création de cette taxe, « pique-nique » de 0,90 € sur les assiettes et couverts en plastiques. FNE affiche d'ores et déjà sa satisfaction. En revanche, la Chambre Syndicale des Emballages en Matière Plastique et de Procelpac, représentant l'industrie de l'emballage papier-carton, de même que les politiques ont immédiatement réagi contre ce projet jugé mal ficelé et mettent les pieds dans le plat!
La création probable de cette éco-taxe (90 euros par tonne de vaisselle non recyclable), ne fait pas que des heureux au sein du monde politique. Ainsi le PS y a vu une «mauvaise nouvelle pour le pouvoir d’achat, selon son porte-parole Stéphane Le Foll. Après le paquet fiscal, le gouvernement empile les taxes sans cohérence d'une politique de développement durable».
Jean-François Copé, président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, en a profité pour mettre en garde contre une extension de la fiscalité écologique. «Il faut faire attention à ne pas multiplier des taxes qui ne seraient pas toujours bien comprises», a-t-il prévenu.
Côté industrie, les filières plastique et papier carton ont participé au groupe de travail chargé de réfléchir à la mise en oeuvre de cet engagement ; après plusieurs mois, ce groupe s’est séparé sans qu’aucun consensus ait été dégagé. Ce projet de taxation nouvelle, connu sous le terme de « taxe pique-nique » est issue de l’engagement 244 du Grenelle de l’Environnement. Il s’agit d’une taxation, dont le montant, suffisamment élevé pour être dissuasif, reste incertain sur certains produits, à savoir, selon le projet, la vaisselle en plastique ou en carton utilisée par les particuliers, par la restauration rapide et par les collectivités scolaires ou hospitalières ainsi que les gobelets utilisés dans les distributeurs.
Pour l'heure, les industriels sont grognons les reproches sont nombreux... En effet, le projet de taxation :
porte sur une liste de produits très contestable. Les produits choisis, produits dits jetables, sont loin d’être les produits les plus « fortement générateurs de déchets », comme l’indique l’engagement 244 du Grenelle de l’Environnement. Selon le groupe de travail, les produits visés devraient être les produits générant la plus forte quantité de déchets, comparativement à celle des produits de substitution. Or, les produits jetables représentent une fraction minoritaire, voire infime des déchets ménagers et n’ont généralement pas de substitut à fonctionnalité identique. En outre, cette analyse ne prend pas en compte l’ensemble du cycle de vie d’un produit, qui est déterminante pour juger de sa qualité écologique.
est inadapté du point de vue de la prévention : cette taxe n’aurait pas d’impact sur les comportements des consommateurs, but recherché par la mesure. Comme l’ont montré des travaux réalisés sous l’égide de l’Ademe, il n’existe pas d’alternatives aux produits concernés par la taxe : une augmentation de leur prix sera donc sans effet sur les modes de consommation.
est coûteux pour les consommateurs : cette taxation, d’un taux élevé, va frapper des produits de consommation courante, non substituables, et constituer donc une nouvelle atteinte inutile au pouvoir d’achat des ménages.
est coûteux et inutile pour les collectivités, pour lesquelles (hôpitaux, prisons, maisons de retraite) le choix de la vaisselle jetable répond souvent à d’autres impératifs que le prix des produits. Ainsi dans les hôpitaux ou les établissements pénitentiaires, la vaisselle jetable est choisie pour des raisons d’hygiène ou de sécurité. La taxation de la vaisselle jetable n’aura donc aucun impact sur les politiques d’achat des collectivités et aura pour seule conséquence de générer un important surcoût pour celles-ci.
est très difficile à mettre en place : selon le projet actuel, la liste précise des objets concernés doit être fixée en suivant la nomenclature du code des douanes, laquelle est inadaptée à cette taxe car regroupant des catégories de produits ne correspondant pas à ceux visés par le projet.
Convaincues de l’inutilité d’une telle taxe au regard de l’objectif poursuivi, les filières plastique et papier carton ont présenté aux pouvoirs publics une alternative qui éviterait de pénaliser les consommateurs et aurait un réel bénéfice environnemental. Cette proposition repose sur une expérience qui a fait ses preuves, celle des éco-organismes.
« Nous prônons un système de Responsabilité Elargie des Producteurs par lequel les entreprises produisant de la vaisselle dite jetable contribueraient financièrement à un éco-organisme.
Les fonds ainsi obtenus serviraient d’une part à financer des actions de prévention et d’autre part à participer aux coûts d’élimination des produits susmentionnés supportés par les collectivités territoriales. Les produits des entreprises participant à ce système seraient exonérés de la taxe.
D’un point de vue pratique, un tel système a déjà fait ses preuves en matière d’élimination des déchets d’emballages ménagers, tout comme en prévention (baisse constatée des quantités de l’emballage mises en marché) ».
En clair, les professionnels des filières plastique et papier carton demandent :
que la liste des produits traduisant l’engagement 244 du Grenelle de l’Environnement («produits fortement générateurs de déchets ») soit reconsidérée ;
si le principe d’une taxe était maintenu, que les entreprises puissent choisir entre participer au système de la REP ou voir leurs produits assujettis à la taxe.
Enfin le déchet au juste prix !
Telle est en substance le message délivré par FNE qui voit dans cette nouvelle taxe « une mesure utile pour l'environnement... et pour le portefeuille !» France Nature Environnement soutient en effet la création d'une éco contribution sur les produits fortement générateurs de déchets et s'est dite partisane de cette mesure lors du Grenelle de l'environnement. La fédération affiche donc ouvertement sa satisfaction .
Pour Gaël Virlouvet, responsable du dossier Consommation à FNE, l'intérêt de cette éco -contribution est double parce qu' « aujourd'hui, le consommateur perd de l'argent en achetant des produits coûteux pour son budget et l'environnement. Demain, il devra avoir le choix d'acheter des produits durables, moins chers et plus respectueux, et de notre santé et de notre planète. La « Taxe pique-nique » est bien mal nommée mais est économiquement et écologiquement intelligente ! ».
Pour l'association, le consommateur doit avoir le libre choix de ses achats :
Primo : l'éco-contribution devra être lisible. Si le consommateur n'en a pas connaissance, il n'aura pas la possibilité de modifier librement ses choix d'achats. Il faut donc que les produits concernés par la taxe portent un signe distinctif immédiatement reconnaissable par le consommateur.
Deuxio : l'éco-contribution doit promouvoir les alternatives au « tout jetable ». Il faut donc que les consommateurs soient informés correctement sur ces alternatives, par des campagnes d'éducation populaire à la consommation responsable.
FNE regrette l'appellation « taxe pique-nique » qui ne vise bien entendu pas une activité récréative mais bien la consommation de produits écologiquement peu vertueux.