Tarification de l'énergie verte : vers une nouvelle « usine à gaz » ?

Le 07/07/2015 à 17:31  

Tarification de l'énergie verte : vers une nouvelle « usine à gaz » ?

installation Gaséo chez Pizzorno Il est souvent question de simplification administrative (la France aimant de longue date compliquer les choses en la matière) ; dans le domaine très particulier de la tarification du biogaz, produit à partir de décompositon des déchets ménagers et autres boues de stations d'épuration notamment, les entrepreneurs donnent l’alerte ; selon eux, le compte n’y est pas…

Le biogaz, produit naturellement par des matières en décomposition (déchets ménagers stockés en décharges, boues issues de STEP, déchets agricoles ou de l'industrie agro-alimentaire) sert à produire électricité ou chaleur, réinjecté dans les réseaux publics dédiés, moyennant un tarif de rachat qui est en cours de modification. Dans le cadre des réflexions menées actuellement quant au nouveau tarif de rachat de l'électricité produite à partir de biogaz, le projet tel qu’il se présente n’est pas sans causer quelques soucis aux chefs d’entreprise concernés.

Xavier Joly, président de Gaséo et membre du Snefid, participe aux travaux de construction des nouveaux tarifs de rachat, au Ministère de l'Écologie et de l'Énergie « J'y apporte le vécu de terrain des PME spécialisées dans la valorisation des biogaz »…
Pour ce qui est du contexte, il se trouve que la Commission Européenne a adopté de nouvelles règles sur les aides publiques aux énergies renouvelables, ce qui oblige la France à remettre à plat le système de tarif de rachat de l'électricité "verte" (dit "BG11" pour notre cas). Elle affiche ce faisant, sa volonté de faire entrer les énergies renouvelables sur le marché. Mais également d'atteindre ses objectifs en matière d'énergie et de climat.
Les nouvelles lignes directrices sont sensées aider les États membres à atteindre leurs objectifs liés au climat à l'horizon 2020, tout en remédiant aux distorsions du marché qui peuvent résulter des subventions accordées aux sources d'énergie renouvelables. L’idée de la Commission est de favoriser une évolution progressive vers des mécanismes de soutien aux énergies renouvelables fondées sur le marché.
Joaquín Almunia, vice-président de la Commission chargé de la politique de concurrence, avait d’ailleurs confirmé que l’heure «est venue pour les énergies renouvelables d'entrer sur le marché. Les nouvelles lignes directrices fournissent un cadre qui permet aux pouvoirs publics d'introduire, de manière progressive et pragmatique, des mesures d'aide plus efficientes qui tiennent compte des réalités du marché. L’Europe doit atteindre ses objectifs ambitieux en matière d’énergie et de climat au coût le moins élevé possible pour les contribuables et sans fausser indûment la concurrence au sein du marché unique. Cela contribuera à rendre l’énergie plus abordable pour les entreprises et les citoyens européens
La Commission note aussi que la croissance remarquable des énergies renouvelables, en partie induite par les aides publiques, qui a été observée ces dernières années, a permis de progresser dans la réalisation des objectifs de protection de l’environnement, mais a aussi provoqué de graves distorsions du marché et une hausse des coûts pour les consommateurs. L’instance bruxelloise en a tenu compte dans les nouvelles lignes directrices, qui s'appliquent depuis un an et ce, jusqu’à la fin de 2020.

« La production d'énergie à partir de biogaz est totalement vertueuse : le biogaz est un produit fatal issu des décharges (ISDND) (oui, il en existe encore, et elles produisent du biogaz pendant plusieurs années), des boues des stations d'épuration (STEP), des méthaniseurs de déchets agricoles et agro-alimentaires ».
Mais à ce jour, à l'exemple du projet d'arrêté ministériel pour les ISDND, « trois points nous inquiètent : le niveau du tarif, le système de garantie d'exécution, la variation trimestrielle du tarif.
Le niveau du tarif est insuffisant pour permettre l'émergence de nouveaux projets : nous ne sommes pas des investisseurs, mais des entrepreneurs dans un métier qui connaît des aléas d'exploitation. Notre métier consiste à les gérer au mieux. Il reste que cette énergie verte ne peut pas continuer à se développer sans un niveau de rentabilité suffisant. Et si ce biogaz n'est pas valorisé dans nos moteurs de production électrique, il est brûlé inutilement en torchère
»…

Le système de garantie d'exécution est trop coûteux et trop complexe : « un dépôt de garantie de 50 000 euros est à faire pour "réserver" le tarif pour tout nouveau projet. Un montant bien trop élevé pour nos PME, et un risque bien trop grand si le projet n'aboutissait pas », poursuit le dirigeant de Gaséo.
« La variation trimestrielle du tarif est le sujet qui achève de nous rendre perplexes : alors que l'on parle partout de simplification et de stabilité des règles, ici on nous propose un tarif qui changerait 4 fois par an ! Autrement dit un tarif qui changerait entre le moment où l'on remet une offre à un client (une collectivité locale par exemple) et le moment où l'on peut réserver le tarif auprès d'EDF (c'est à dire quelques mois plus tard, quand on a signé le contrat…). Dans ce contexte, il est impossible de valider un business plan fiable, impossible de le présenter à des banquiers pour obtenir un financement »…

Xavier Joly réaffirme avec convictions que ces PME « sont actrices de la transition énergétique des territoires, aux côtés des collectivités locales. Pour permettre le développement de nos entreprises et l'atteinte des objectifs de la France en termes d'"énergie verte", notre filière biogaz a besoin de sécuriser l'économie des projets (niveau du tarif), de simplicité (non à la complexité et au coût de la garantie d'exécution) et de stabilité (un tarif trimestriel serait trop complexe et trop instable).
Notre prochaine réunion du Comité Biogaz aura lieu ce mercredi 8 juillet. Nous en attendons beaucoup pour que le projet d'arrêté ministériel évolue dans le bon sens, sinon c'est l'avenir de nos PME qui est en jeu
»…