Stockage des déchets : le rôle des microbes épurateurs
Dans les installations de stockage, les déchets sont dégradés en absence d’oxygène suivant une série de réactions réalisées par des microbes. Les scientifiques du Cemagref cherchent à identifier chacun d’eux et à comprendre leur fonction dans le processus de dégradation. Grâce aux avancées obtenues, les microbes épurateurs livrent peu à peu leurs secrets et il devient possible d’orienter et d’intensifier les réactions, afin de valoriser les déchets sous forme de biogaz, source d’énergie renouvelable (EnR)...
Le monde des microbes de l’environnement, tels ceux qui épurent les eaux usées ou dégradent les déchets, reste encore peu connu. Cependant, les progrès techniques d’analyse microbienne réalisés ces dernières années permettent aujourd’hui d’en explorer la complexité. En France, les équipes du Cemagref et leurs partenaires du projet ANR ECCO figurent parmi les équipes les plus en pointe dans ce domaine. Depuis 2003, elles déterminent la fonction des microorganismes impliqués dans les processus de dégradation en absence d’oxygène, en combinant des techniques de marquage isotopique et de microbiologie moléculaire. Les chercheurs identifient les différentes bactéries impliquées dans la dégradation de la cellulose, choisie comme molécule modèle, au sein des installations de stockage de déchets ménagers et la production de méthane sous forme de biogaz potentiellement valorisable.
La cellulose, marquée par un isotope stable, le carbone 13 (13C), est assimilée par les microbes qui la dégradent. Ce 13C entre ainsi dans la composition de leur ADN. Une fois isolé, celui-ci permet d’établir la carte d’identité des micro-organismes impliqués dans la dégradation. Les équipes du Cemagref déterminent ensuite plus précisément leur fonction en mesurant le taux de 13C absorbé, cellule par cellule. Couplée à des modèles mathématiques, cette mesure révèle le rôle de chaque groupe de microorganismes au sein du processus de dégradation de la cellulose. L’étape d’hydrolyse en particulier, relève des bactéries du groupe Acetivibrio. Le couplage maîtrisé entre les techniques isotopiques et moléculaires ouvre ainsi la perspective d’orienter les fonctions bactériennes au sein des systèmes.
Il peut également s’appliquer à d’autres domaines, tels que l’épuration et la biodégradation des sols, ou servir à mieux comprendre le vivant et le copier. Des milliers d’années de sélection naturelle ont en effet permis aux ruminants et aux termites de développer une flore intestinale 10 fois plus efficace qu’un digesteur industriel pour dégrader la cellulose ! Comparer les performances de ces deux systèmes et identifier ce qui explique ces différences est un autre pan du projet. Ces travaux, qui visent à améliorer le rendement de la dégradation des déchets, font déjà l’objet de collaboration avec les industriels de la filière.