Salvador : le recyclage, un nouvel Eldorado?
Le Salvador, petit pays situé en Amérique centrale, fait plus souvent parler de lui à cause de guérillas qu’en raison d’un activité de recyclage. Et pourtant. On serait surpris de savoir qu’il exporte chaque année plus de 20 000 tonnes de déchets ferreux et non ferreux, vers la Chine, évidemment…
Le Salvador ne fait pas exception à un principe désormais bien connu : les non ferreux et ferrailles récupérés sont expédiés vers la Chine, dont il faut satisfaire l’appétit (et la croissance). Si la récupération permet de « très bien vivre » de ce côté de l’Atlantique, elle permet à des milliers de récupérateurs de survivre, ce qui constitue en soi du grand art, lorsqu’on connaît de conditions de vie de la plupart des habitants de cette région.
Le « collecteur » du coin, l'entreprise Indresa, au centre de San Salvador, dispose d’un entrepôt devant lequel se forme très régulièrement des files interminables de chineurs qui se bousculent pour faire peser leurs sacs rempli de bouts de câbles, de fer rouillé, ou encore d’un lot de cannettes de bière vides.
Des camions attendent leur tour eux aussi, chargés de tôle et autres morceaux de carcasses de voiture ou encore de moteurs hors d’usage …et sont déchargés par des manutentionnaires leur sac rempli de câbles ou de tôle rouillée.
Ces déchets sont triés et préparés ; certains sont compactés, prêts à l’expédition de l’autre côté du Pacifique…Si la récupération est un métier de tradition dans ce petit pays dépourvu de matières premières vierges, il n’en demeure pas moins vrai que la donne a récemment changé. La gourmandise chinoise a en effet dopé les prix qui ont littéralement explosé… Avec, hormis les vols de métaux qui ont décuplé, une conséquence directe : les entreprises de récupérations se sont multipliées par milliers.
« Le Salvador, dépourvu de mines susceptibles d'intéresser la Chine, avec laquelle il n'entretient d'ailleurs aucune relation diplomatique, a ainsi exporté l'année dernière 30 000 tonnes de fer, d'aluminium ou de cuivre vers l'Asie. Ce marché, qui dépasse les 10 millions de dollars, est par ailleurs porté par une hausse sans précédent des cours : entre 2005 et 2007, au Salvador, la valeur de 100 livres de fer a été multipliée par quatre en passant de 4 à 15 $US. Le cuivre, qui a battu son cours record en mai 2006, est aujourd'hui acheté à deux dollars la livre, soit deux fois plus qu'il y a quatre ans », explique le responsable de Indresa, Victor Chizmar.
Des prix qui montent qui montent qui montent et qui intéressent tout le monde : nombreuses sont les mères de famille ou les enfants qui trient les poubelles avant de rentrer à la maison. Une cannette valait 25 cents la livre il n’y a pas si longtemps, aujourd'hui c'est 70 cents, ce qui constitue un bon moyen d’arrondir les fins de mois
« La collecte de métal, on appelle ça le négoce de la faim car ça permet à des centaines d'ivrognes et de vagabonds de survivre. Mais aujourd'hui ils ne sont plus seuls : nous avons aussi des femmes seules, des retraités, des ouvriers qui bouclent leurs fins de mois », confirme Victor Chizmar.
Les temps semblent pourtant plus difficiles… Les récupérateurs souffrent en effet d’une certaine pénurie (les gisements facilement accessibles ont été « dévalisés »…) ; certains se sont « orientés » vers les infrastructures du pays : 700 kilomètres de câbles téléphoniques ont disparu en 2006, ainsi que des centaines de compteurs d'eau (en cuivre), des bouches d'égout (en fonte). Même les grilles du parc Simon Bolivar, au centre§ville de la capitale auraient disparu avant d’être englouties dans les fonderies de Shanghai ou de Canton.