Rio Tinto-Alcan : la revanche des mineurs
Il y a encore quelques années, certains dirigeants de producteurs de matières premières (acier, aluminium, cuivre) étaient séduits par la mode de la séparation des activités amont et aval. A cet égard, pour ceux qui ont de la mémoire, souvenez-vous des discours des dirigeants de la sidérurgie française à l'époque d'Usinor... On se séparait d'activités minières pour mieux se concentrer sur la fabrication de produits finis. Les dirigeants et les conseils de gestion expliquaient que la valeur ajoutée se situait au niveau de la production et pas dans l'extraction du minerai. Or, ces choix se sont avérés être des erreurs stratégiques désastreuses : non seulement ils ont facilité la croissance externe des groupes miniers, mais en plus ils ont entraîné la prise de contrôle par ceux qui avaient fait le choix de s'appuyer sur les mines. Dernier exemple pour illustrer cette affirmation : la victoire de Rio Tinto sur Alcan qui donne naissance à un nouveau leader mondial de l'aluminium. Et, il y a fort à parier que cela ne va pas s'arrêter là...
Formidable... C'est Rio Tinto qui prend le contrôle d'Alcan, mais comme elle a " le plus grand respect pour l'équipe de direction d'Alcan", le siège social restera à Montréal et Dick Evans, chef de la direction actuel d'Alcan deviendra le chef de la direction du nouveau groupe. Tout simplement, la boucle est bouclée... La synergie entre les activités minières et celles de production d'Alcan et d'approvisionnement énergétique est telle qu'il n'y a pas de raison de changer les hommes. Le mariage est complémentaire et par conséquent a toutes les chances de réussir. Par contre les activités Emballage d'Alcan seront cédées. Elles emploient 31 000 personnes dans 35 pays du monde, dont 5 500 en France et son siège social se trouve à Paris.
Le raisonnement des dirigeants de Rio Tinto et d'Alcan en vue d'expliquer leur rapprochement est simple : nous créons un géant mondial intégré de l'aluminium, du minerai de fer et du cuivre car ces trois métaux sont ceux qui mènent la croissance en Chine, son urbanisation et son industrialisation.
Le nouveau groupe Rio Tinto-Alcan sera le nouveau leader mondial de l'industrie de l'aluminium - bauxite, alumine, aluminium, énergie et technologie d'électrolyse. Les synergies dégagées devriant être de l'ordre de 650 millions de dollars après impôts.
Même du côté d'Alcoa qui a du retiré son offre sur Alcan (30% inférieure), le président, Alan Belda reconnaît que "l'offre de Rio Tinto renforce son opinion sur la valeur sous-jacente du secteur de l'aluminium et de ses brillantes perspectives pour l'avenir". Mais, si le raisonnement est juste c'est une fois de plus l'arroseur qui risque d'être arrosé. Après la victoire annoncée de Rio Tinto, on annonce déjà l'offre de BHP Billiton à hauteur de 40 milliards de dollars pour prendre le contrôle d'Alcoa. Ce regroupement donnerait naissance à un groupe qui contrôlerait pas moins de 35% de l'offre globale d'alumine. Cela pourrait poser problème face aux autorités de la concurrence.
Comme quoi, nous vivons bien la revanche des mineurs sur les producteurs.