Pour la première fois, une entreprise privée, dédiée au traitement des déchets par voie de recyclage, Paprec en l’occurrence, impose en douceur, ce qui devrait faire loi partout en France : la laïcité. La loi en vigueur étant valable dans le secteur public, mais plus floue quant à son interprétation pour ce qui touche au secteur privé, le patron de Paprec se pose en militant et se lance…
Aucun problème religieux à déplorer au sein de l’entreprise. La culture du respect des autres y est extrêmement forte. Alors pourquoi proposer la laïcité à cette échelle, pourrait-on être tenté de demander ? Pour protéger, bien sûr, parce que mieux vaut prévenir que guérir… Et parce que la laïcité n’est pas un monopole d’Etat.
Au nom d’un combat qu’il mène de longue date contre les discriminations, Jean-Luc Petithuguenin, PDG de Paprec, spécialiste et leader indépendant du recyclage en France, a souhaité que l’ensemble des effectifs se prononcent sur l’application d’une charte de laïcité qui sera inscrite au règlement intérieur de son entreprise. C'est chose faite. Si la liberté de culte n’est pas remise en question, bien au contraire, elle se devra d’être mise au vestiaire pendant les horaires de travail. Les hommes (et les femmes) étant égaux en droit, tout le monde est concerné et par conséquent, personne n’est berné.
Si la laïcité est une norme dans le secteur public, dans l’espace privé, la loi n’est pas aussi claire qu'elle le devrait. On l’aura compris, à défaut d’avoir promulgué sa propre loi (ce n'est pas le but, ndlr), Jean-Luc Petithuguenin étant très attaché aux textes édictés par la République, il a profité de ce flou juridique et a engagé une démarche sereine et solide, visant à confirmer par écrit ce qui prévaut déjà et depuis belle lurette : de fait, cette charte sur la laïcité ne fait que conforter le quotidien, l’art de vivre ensemble … l’un des fondamentaux de l’entreprise. 40 ou 4000 collaborateurs ne changent rien à l'affaire : le respect de l'autre, ça marche! Pour autant qu'on y soit attaché, pour de bon et non pour faire comme si...
La démarche s’assimile à une lutte contre le communautarisme et ses effets potentiellement pervers, menée pacifiquement, de sorte que chacun puisse opérer aux côtés de l’autre, sans être gêné par une confession religieuse qui serait, non pas imposée, mais soulignée à grands renforts de signes démonstratifs… Avec l’accord de son personnel (au terme d'un processus de quatre mois, l'ensemble des comités d'entreprise et des délégués du personnel de Paprec, de même que tous les employés n'ayant ni CE ni délégué, a approuvé le texte), la direction du groupe va pouvoir intégrer dans son règlement intérieur ce document essentiel (déciné via 8 articles) qui prône le « devoir de neutralité » de ses salariés en matière religieuse et leur interdisant de porter des « signes ou tenues par lesquels les ils manifesteraient ostensiblement une appartenance confessionnelle ».
Si c’est une première en soit, la philosophie qui a guidé cette nouvelle démarche n’est pas née d’hier : elle s'inscrit au contraire dans une logique qui a toujours été prônée au sein des sites exploités par Paprec, qui a embauché, pour faire dans la caricature, des « Bac - 4 comme des Bac + 6 » (ce qui n’a jamais empêché par ailleurs les personnes les moins diplômées de gravir les échelons), des jeunes comme des plus anciens, des personnes de toutes origines sociales ou ethniques…
Il est clair que cette initiative privée ne pourra laisser indifférent à l'extérieur de l'entreprise ; peut-être bien que ce spécialiste du recyclage pourra même faire avancer le débat sur le thème de la laïcité dans l'univers de l'entreprise privée, qui sait? Parce que pour l'heure, il est en avance (une fois de plus)...
Cette mesure se fonde très clairement sur «le modèle qui prévaut dans la sphère publique et je ne fais que l'appliquer à l'entreprise, avec l’accord obtenu de manière démocratique, par vote ou même référendums sur certains sites, de la part des salariés ».
Le message est clair : ce n’est pas parce la loi manque de clarté pour ce qui concerne le secteur privé, qu’il faut s’empêcher d’avancer. « J'applique le modèle de la République ». Et d’ajouter être prêt, le cas échéant, à « défendre notre point de vue, défendre qu'on l'a voté tous ensemble. Mais effectivement, on prend le risque que les tribunaux nous disent “vous avez tort”. Je suis prêt à endosser ce risque et j'espère pour mon pays que je ne serai pas condamné, qu'on verra une évolution et que le législateur fera peut-être bouger les lignes ».