Recyclage des solvants : la nouvelle donne
Les déchets hydrocarburés sont depuis longtemps utilisés comme combustibles de substitution. Il peut s’agir d’effluents liquides (comme des solvants ou des huiles de moteurs usées), des mélanges d’eau et d’hydrocarbures (dont on prélève la phase hydrocarburée en la purifiant au maximum), ou bien de déchets solides (des boues extraites d’eaux hydrocarburées par exemple). Ils sont utilisés dans les incinérateurs de déchets dangereux pour brûler des déchets résiduels à moindre pouvoir calorifique. L’énergie produite par l’incinération sert à alimenter ses propres sites ou des industries voisines. Dans les pays où la division ne possède pas d’incinérateur, les combustibles de substitution peuvent alimenter les fours des cimentiers, gros consommateurs d’énergie...
Avec la raréfaction des énergies fossiles et des matières premières, cette activité est en train d’évoluer : désormais, il importe de transformer les déchets en ressources destinées à des usages plus nobles ou plus larges. Certains effluents jusqu’alors utilisés comme combustibles dans les cimenteries sont donc recyclés ; c’est le cas des solvants.
En France, Veolia Propreté vient ainsi de mettre en service une seconde usine dédiée à cette activité. Au Royaume-Uni, comme aux Etats-Unis, ce marché est également en développement. De même, Veolia Propreté et Total ont associé leurs compétences pour créer une filiale commune (Osilub) dédiée au recyclage d’huiles de moteur usagées en huiles de base d’une qualité identique aux huiles vierges et, éventuellement, en produits pétroliers réutilisables (voir notre article). La première usine, d’une capacité d’entrée de 120 000 tonnes par an, verra le jour en France, mais Veolia entend bien déployer cette activité dans d’autres pays. "Pour l’instant, en France, la capacité de régénération des huiles de moteur est nettement insuffisante, il s’agit donc de favoriser la valorisation matière par rapport à la valorisation énergétique", note Jacques Tricard, Directeur général d’Osilub. "En revanche, il en existe ailleurs dans le monde, mais l’avantage d’Osilub réside dans notre procédé qui permet de fabriquer un produit de première qualité".
Conséquence de ces nouvelles formes de valorisation et d’une pression environnementale accrue au Royaume-Uni, comme aux Etats-Unis : le marché des combustibles de substitution commence à fléchir. Les cimentiers se tournent davantage vers des combustibles issus de déchets non dangereux. Le prix des huiles de moteur et des solvants a grimpé, dans le sillage de celui du pétrole ; leur régénération devient donc d’autant plus rentable.
De plus, Veolia Propreté développe d’autres formes de valorisation énergétique, là encore plus nobles. RTDH, l’un de ses sites marseillais, a par exemple mis au point une installation pilote permettant d’extraire, à partir des eaux de lavage des cuves de bateaux, un coproduit qui a toutes les caractéristiques d’un fioul. Auparavant, la phase huileuse de ces effluents était concentrée et utilisée dans les fours du centre de traitement. Le combustible désormais produit ne nécessite pas d’installation de traitement des fumées : il sert donc toujours aux usages propres de RTDH, mais également à chauffer des serres agricoles. Autre innovation : dans quelques mois, Veolia Propreté ouvrira sur son site de Limay une usine de production de biodiesel à partir d’huiles alimentaires usagées provenant de la restauration (voir notre article). Un biocarburant d’autant plus intéressant qu’il ne concurrence pas les filières agricoles alimentaires et que l’Europe manque de gazole. La division vient également de lancer un programme de recherche sur la liquéfaction des déchets de plastique sous forme de fioul.
Par ailleurs, elle cherche à augmenter l’efficacité énergétique de ses incinérateurs. "Tous récupèrent de l’énergie, mais plus ou moins bien", note Hervé Martel, Directeur industriel de Veolia Propreté Gestion des déchets spéciaux. "Aujourd’hui, il s’agit d’améliorer leur rendement pour maximiser leur production de chaleur ou d’électricité". Le centre de recherche sur la propreté et l’énergie du Groupe mène donc des recherches sur des pilotes de laboratoire, afin de doper les performances énergétiques des incinérateurs en optimisant leur design, en prévenant mieux leur encrassement, en adoptant des matériaux réfractaires plus efficaces ou encore des techniques de pilotage de la combustion, telle la recirculation des fumées, susceptible d’améliorer le rendement énergétique, tout en limitant les émissions polluantes.