Recyclage des bateaux en fin de vie : il faut changer de cap
De la même manière que l’on ne met pas un bateau à la mer alors qu’il n’est pas apte à affronter l’adversité, il est jugé on ne peut plus délicat d’imposer la mise en place d’une filière REP, dans un délai trop court pour être opérationnel et efficace. Ni la Fédération des industries nautiques, ni l’Association pour la plaisance éco-responsable ne sont opposées à l’instauration d’un réseau de démantèlement et de recyclage des vieilles embarcations à grande échelle ; elles ont sollicité un délai d’un an supplémentaire pour être parfaitement opérationnelles, ce qui leur a visiblement été refusé par le ministère…
Le monde du nautisme et de la plaisance est amer : si ces acteurs économiques sont lucides et jugent important de développer un cadre juridique, fiscal et technique pour la gestion des BPHU, ils n’ont pas manqué de mettre des réserves, dès la publication de la loi d’août 2015 (transition énergétique) quant au calendrier qui semblait devoir leur être imposé.
Or, dans le prolongement de l'examen qui a eu lieu la nuit dernière au Sénat (proposition de loi sur l'économie bleue), le ministère de l'Environnement, de l’énergie et de la mer n’a pas dévié sa trajectoire : des amendements ont été déposés par des parlementaires de la majorité et de l’opposition (soutenus par la commission du développement durable de l’Assemblée Nationale en février, portés par le rapporteur du Sénat le 24 mars), avec pour objectif de repousser au 1er janvier 2018 la mise en place de cette filière REP de façon à permettre aux administrations de conduire une réelle étude d’impact et à permettre au secteur de s’organiser sans précipitation et de manière pragmatique ; malgré cet appui politique, l’effectivité de la REP déconstruction des bateaux de plaisance devra être, et ce, au plus tard au début de l’année prochaine. Les professionnels du nautisme et de la plaisance n’ont pas manqué de réagir immédiatement, parlant d’inconséquence de la ministre Ségolène Royal qui avance à marche forcée sans prendre en considération un certain nombre de paramètres essentiels. La ministre et son ministre délégué ont fait une nouvelle fois comprendre aux sénateurs qu’ils souhaitaient imposer la publication de tous les textes relatifs à la mise en œuvre de cette filière, à savoir le décret, comme le cahier des charges,… avant la fin de l’année alors même que les modalités d’organisation, les règles de fonctionnement et de financement restent à définir et alors qu’aucune étude d’impact sérieuse n’a été mise en œuvre à ce jour…
De là à s’interroger sur l’objectif poursuivi, il n’y a qu’un pas, les élections de 2017 étant en ligne de mire.
Face à l’obstination gouvernementale de maintenir un calendrier jugé tout simplement irréaliste quant à la mise en place d’une filière REP de grande envergure, l’Association pour la plaisance éco-responsable (APER) lance une véritable étude d’impact de terrain basée sur trois territoires représentatifs, à savoir le Morbihan (Crouesty), le Var (Hyères) et le Nord (Dunkerque). Cette étude doit permettre d’évaluer les gisements de bateaux de plaisance (stock et flux) destinés à la déconstruction afin d’élaborer un modèle économique cohérent et réaliste au regard des enjeux de la filière nautique française.
L’association ne manque pas de demander par ailleurs à la ministre de l’Environnement de bien vouloir respecter les acteurs du nautisme durable. Car en effet, c’est bien avant les premières discussions qui donneront lieu à la loi sur la transition énergétique, que les professionnels se sont penchés sur le problème des bateaux de plaisance en fin de vie. Il est bon de rappeler en effet que depuis 2009, l’APER anime la filière de déconstruction des bateaux de plaisance, qui a été créée à l’initiative de l'industrie nautique, laquelle s’est engagée dans une démarche volontaire et responsable pour traiter la fin de vie des bateaux de plaisance, initiant alors, une démarche pionnière en Europe.
Avec un réseau de plus de 20 entreprises de déconstruction réparties sur l’ensemble du territoire métropolitain, cette filière née d’une volonté partagée de l’industrie nautique française, est opérationnelle et traite chaque année 500 bateaux.C’est bien pour cela que l’association ne peut qu’accueillir favorablement les démarches qui visent à développer ce qu’elle a initié. Mais dans un délai raisonnable, s’entend.