Publicité ou environnement : pourquoi pas l’écopublicité ?
C’est la question que pose l’Alliance pour la Planète… Suite à l’article de Stratégies « la pub est-elle éco compatible ? » publié dans le numéro 1450 du 29 mars 2007, l’Alliance pour la planète, qualifiée « d’extrémiste » par certains, et dont « les critiques sont loin de faire l’unanimité » souhaite clarifier sa position concernant « écopublicité » et les réactions scandalisées d’une partie de la profession publicitaire...
Tout d’abord, l’Alliance pour la planète salue toutes les actions qui peuvent permettre de sensibiliser sur l’impact environnemental des activités humaines. Elle est en revanche vigilante quant à l’ampleur réelle des actions mises en avant : certains effets d’annonce peuvent faire croire à de réels changements qui ne seraient en réalité pas entrepris. Vigilante aussi quant à la récupération possible de certaines initiatives limitées qui seraient « survendues » (ou surévaluées) par rapport aux enjeux globaux.
L’initiative « Écopublicité » de l’Ademe, Écobilan, Havas-médias et LVMH est à saluer en elle-même. Elle a le mérite de s’atteler à un sujet précis : celui d’élaborer un outil permettant l’évaluation de l’empreinte écologique des supports (imprimés divers, campagne de mailing, tournage des spots, etc.). C’est une initiative qui va dans le bon sens.
Toutefois, en ce qui concerne la responsabilité environnementale du secteur publicitaire, l’Alliance souhaite rappeler un certain nombre de réalités.
Avec 31 milliards d’euros de dépenses en 2005 (2% du PIB), la publicité n’est pas une activité marginale. Outre son impact direct sur l’environnement par la production de supports, elle est avant tout essentielle dans la diffusion des modes de pensée et de vie. L’essence même du travail publicitaire est à chercher du côté de la création du message. En 2002, dans les colonnes de Stratégies, Alain Cayzac, co-fondateur de l’agence RSCG rappelait avec justesse que « la publicité est une industrie des idées ». La question centrale n’est donc pas celle du support mais celle du message diffusé dans l’opinion publique, et la question des produits et modes de vie qui sont l’objet de la promotion publicitaire. C’est cet impact indirect qui a d’énormes conséquences sur l’état de notre planète.
Pour l’ensemble de la profession publicitaire, des annonceurs aux médias en passant par les agences de communication, ne pas prendre en compte cette dimension et rester au niveau technique des supports serait un parti pris aux effets pervers regrettables, au regard du nécessaire changement de mentalité que doit entreprendre une profession qui reste encore trop souvent conservatrice.
En effet, la tentation serait forte d’utiliser l’argument du caractère « environnementalement correct » des supports pour occulter l’incompatibilité de certains messages publicitaires et de certains produits avec l’urgente nécessité de préserver la planète. Nous ne pouvons donc que mettre en garde devant le danger d’une instrumentalisation de l’initiative « Ecopublicité » par une profession qui refuserait d’engager par ailleurs une réelle remise en question de ses pratiques néfastes et dommageables pour l’environnement et qui persisterait à s’opposer de manière éhontée à toute demande d’encadrement par les pouvoirs publics et de gouvernance avec la société civile. Une telle récupération constituerait une opération de blanchiment écologique (« Greenwashing ») scandaleuse que les responsables d’Ecopublicité, au premier rang desquels l’Ademe, se devraient eux-mêmes de dénoncer.
Albert Einstein notait que « notre époque se caractérise par la profusion des moyens et la confusion des intentions ». Face à l’impératif écologique qui s’impose de jour en jour comme une réalité incontournable, il est plus que jamais souhaitable de dépasser la question technique des moyens pour interroger celle des valeurs, des intentions et des impacts de la publicité.
C’est sans doute la raison pour laquelle l’Alliance pour la planète souhaite que soit orientée et accompagnée une réforme en profondeur de la profession, conjuguant refonte du système de contrôle de la publicité par l’institution d’un organisme public tripartite (autorité publique, professionnels, associations), encadrement de l’utilisation de l’argument écologique, encadrement des publicités pour les produits polluants ou énergivores, information accrue du public sur l’activité publicitaire et enfin sensibilisation à l’environnement dans le cadre de l’enseignement des métiers de la communication.
Ces propositions de réforme seront rendues publiques et détaillées à la première heure demain matin.