Prometteuse, mais décriée, la méthanisation divise

Portée par l'Etat et en plein essor, la méthanisation, qui permet de produire du biogaz à partir de déchets organiques, se heurte à de nombreuses frondes locales, élus et riverains craignant des "nuisances" et de potentielles "dérives" de la filière.


"Ici, ça nous pourrit la vie depuis dix ans !", témoigne à Somain (Nord) Michèle Droulez face au méthaniseur "posé au bout de son jardin", à une centaine de mètres. Ses voisines Yvette Gouy et Habiba Marir se plaignent aussi "d'odeurs épouvantables de pourriture", "qui réveillent la nuit et donnent la migraine".

Soutenue par des subventions et tarifs spéciaux d'achat d'énergie, la filière accélère. Fin 2018, 685 unités de méthanisation étaient recensées par GRTgaz, contre une centaine il y a dix ans. Elles produisaient l'équivalent de 0,4% de l'électricité consommée en France et 0,15% du gaz.
"Le problème, c'est le lieu d'implantation !", peste Freddy Garcia, président du collectif Gouy Quiétude. Au delà des odeurs, du "paysage défiguré", de la "dévaluation du foncier", il y a "le risque sanitaire"!. Car, quatre mètres sous ce champ verdoyant, "se trouve une énorme réserve d'eau potable qui alimente 25% de la communauté d'agglomération de Douai !", martèle Freddy Garcia.
Sur un sol "fracturé et instable", la cuve pourrait "finir par fuir". Le digestat "pourrait contaminer l'eau avec des nitrates, bactéries, pesticides ou résidus médicamenteux potentiellement présents et que la méthanisation n'élimine pas", estime-t-il. Quatre recours ont été déposés au tribunal administratif par des riverains, deux maires et la communauté d'agglomération.
"Nous mettons tout en œuvre pour garantir la sécurité, notre projet va au-delà des exigences réglementaires", se défend l'un des trois porteurs du projet, Aymeric Baes. Pour la préfecture du Pas-de-Calais, "aucun élément étudié" ne laisse présager un risque environnemental. "Les techniques, cahiers des charges et réglementations" permettent aujourd'hui de "maîtriser les risques", assure aussi Olivier Dauger, référent climat à la FNSEA.
Pourtant partout, comme à Gramat (Lot), Combrée (Maine-et-Loire) ou L'Huisserie (Mayenne), le scénario se répète. Un collectif d'une trentaine d'associations (CNVM) et un autre regroupant une vingtaine de chercheurs (CSNM) ont été reçus par le gouvernement.

Et "il faut poser des limites ! Si on construit 10 000 méthaniseurs comme en Allemagne, on n'aura pas les moyens de tout contrôler régulièrement, les digesteurs entreront en concurrence", la surface agricole étant limitée, avec un risque "d'accaparement des terres", craint-il.

"Chaque année, des dizaines de millions de tonnes de fumier et de lisier sont déjà épandues sur les champs" et "les faire passer par un méthaniseur ne fait pas augmenter les risques", assure pour sa part, Pascal Peu, ingénieur de recherches à l'Irstea de Rennes, pour qui, peurs et oppositions "viennent souvent d'un manque de communication".
De fait, après "un petit mouvement de panique" à l'annonce de leur projet à Aix (Nord), Hubert Verbeke et ses associés témoignent : "nous avons organisé le dialogue, rencontré les gens, fait des aménagements" et même "ouvert une partie du capital pour impliquer les riverains". "Tout ça a du sens, il faut produire cette énergie propre", assure-t-il. Et "si le métier n'est pas encore parfait, au moins il avance"...
