Pollution : la biomasse mise en accusation
La combustion de biomasse (feux de cheminée, feux agricoles et feux de jardins) serait responsable de 50 à 70% de la pollution carbonée hivernale en Europe. Tel est le verdict rendu par le programme européen Carbosol chargé d'étudier la pollution particulaire en composés carbonés en Europe, et coordonné par le Laboratoire de glaciologie et géophysique de l'environnement (LGGE, CNRS / Université Grenoble 1). Un résultat pour le moins surprenant, à paraître le 15 décembre dans The Journal of Geophysical Research...
Depuis les années 2000, des campagnes de mesure de la pollution particulaire globale, c'est-à-dire de tous les aérosols, ont été lancées. Elles étaient en partie motivées par la croissance de la motorisation diesel, forte émettrice d'aérosols carbonés, dont on pensait qu'ils jouaient un rôle notable dans la pollution particulaire.
C'est dans ce contexte qu'a été lancé, en 2001, le programme européen Carbosol. Ses objectifs étaient de faire un état des lieux de la quantité et de la composition des aérosols carbonés à l'échelle de l'Europe, mais également d'en déterminer les sources. Il s'agissait notamment de définir les parts respectives des combustibles fossiles (transport, industrie, chauffage au fioul et au gaz) et de la biomasse (chauffage au bois, feux de végétaux) à cette pollution.
Les principales méthodes utilisées dans ce programme faisaient appel à des traceurs chimiques et au carbone 14 (14C). Le levoglucosan, sucre produit lors de la combustion de la cellulose, s'est avéré un excellent traceur chimique permettant de relever sans ambiguïté les émissions dues à la combustion de biomasse. Le 14C, quant à lui, est un isotope radioactif du carbone qui se désintègre trop vite pour se trouver dans les combustibles fossiles, mais qui est présent dans la biomasse. Les chercheurs ont ainsi établi qu'en hiver, 50 à 70% de la masse des aérosols carbonés provient de la combustion de biomasse, ceci partout en Europe et aussi bien pour les masses d'air étudiées près du sol qu'en altitude. Les sites de mesure allaient en effet de la côte portugaise à la Hongrie, en passant par les observatoires du puy de Dôme (1 400 m) et du Mont Blanc (4 300 m).
Si de nombreux et coûteux efforts ont été faits et se poursuivent pour limiter la pollution particulaire carbonée, ces résultats suggèrent que la manière la plus efficace de limiter cette pollution à l'échelle continentale, notamment en hiver, consisterait donc à s'attaquer principalement à la combustion de biomasse, par des évolutions technologiques et une réglementation sévère limitant ses modes d'utilisation. De telles mesures sont d'autant plus nécessaires que de récentes études épidémiologiques ont souligné la similarité des effets sur la santé entre les fumées de combustion de biomasse et les produits pétroliers (diesel), tant dans la nature que dans la fréquence des troubles engendrés (affection respiratoire, cancer du poumon...). De nombreux Etats ont d'ailleurs interdit depuis longtemps les feux de cheminées ouvertes, les feux agricoles et ceux de jardins.