
Fraîchement échouées, elles sont inoffensives ; mais après seulement 48 heures, c'est l'horreur : elles s'apparentent à des déchets qui commencent à pourrir et dégagent du sulfure d'hydrogène, un gaz très toxique. A défaut de parvenir à endiguer le phénomène, il reste à les collecter, puis à les composter : des installations ont vu le jour afin d'aider à se débarrasser du problème en produisant de l'amendement organique à destination de l'agriculture locale. Il reste que la responsabilité de l'Etat a été engagée ; pour preuve, le tribunal administratif de Rennes vient de le condamner à payer 556.509 euros à une communauté d'agglomération pour n'avoir pas su empêcher la prolifération d'algues vertes dans la baie de Saint-Brieuc. Cette somme vise à dédommager Saint-Brieuc Armor Agglomération pour les opérations de ramassage, de transport et de traitement de ces déchets d'un genre si particulier, qu'elle a entreprises au cours des années 2014, 2015 et 2016... 
Au terme de trois années de procédure, la justice a reconnu l'Etat coupable de carences dans la prévention et la lutte contre les algues vertes au préjudice de la collectivité bretonne, qui a la charge de les collecter sur les plages.Dans son jugement daté du 9 février, le tribunal administratif de Rennes a condamné l’Etat français à verser 556.550 euros à Saint-Brieuc Armor Agglomération, la juridiction ayant en effet considéré qu'il existe « un lien direct de causalité entre la faute imputable à l’Etat et le dommage que constitue la pollution de certaines des côtes costarmoricaines par les masses d’algues vertes »... une situation qui est due aux «carences de l’État dans la mise en œuvre de la réglementation européenne et nationale destinée à protéger les eaux de toute pollution d’origine agricole ».
Le tribunal n'a pas manqué de rappeler que la France a été condamnée le 13 juin 2013 par la Cour de justice de l'Union européenne pour avoir manqué à ses obligations dans ce domaine. La prolifération des algues vertes « n'aurait pas revêtu (...) une ampleur aussi prononcée et persistante si les directives" européennes "avaient été intégralement transposées dans les délais prescrits ».
En 2014, l’Etat français avait déjà été condamné à payer 535.756 euros à l’agglomération de Saint-Brieuc pour ces mêmes carences sur la période 2010-2013.
Condamnation ou pas, le problème reste posé, étant entendu qu'il ne date pas d'hier. Or, il faudrait pouvoir apporter une solution pérenne
quant à la prévention, étant entendu que pour ce qui touche à l'aspect curatif (collecte et traitement), on n'est pas restés sans rien faire. Dès lors que le phénomène s'est amplifié, des initiatives locales ont évidemment vu le jour : confrontées au problème, les collectivités ont bien été obligées de mettre en place des opérations concrètes. Ainsi, pour ne citer que cet exemple, Douarnenez Communauté qui a comptabilisé (en 2016), 7 opérations de ramassage pour collecter 965 tonnes d'algues (contre 1 111 tonnes en 2015), le tout étant traité sur la plateforme de Kérioret, a mis en place dès 2009 une aire de traitement des algues vertes sur le principe du compostage avec des déchets verts. Disposant d'une capacité de 5 400 tonnes d’algues vertes par an, le principe reste simple: après avoir été collectées sur les plages, les algues vertes sont transportées jusqu’à la station de compostage où elles sont mixées (50% de la composition) avec des déchets verts préalablement broyés (qui entrent eux aussi pour 50% du mix). L’ensemble subit ensuite un process classique de retrournements pendant un minimum de quatre mois, permettant fermentation et maturation homogènes, garantissant une hygiénisation et une transformation du produit. A la clé, il en résulte un compost normalisé appelé « substrat organo-minéral » (norme NFU44-551 de l’Association Française de Normalisation, AFNOR) qui peut être exploité par les agrculteurs ou les jardiniers...


Le pôle déchets de Kerambris assure ce compostage qui, jusqu'en 2013, était réalisé à ciel ouvert sur une plateforme, ce qui présentait deux inconvénients majeurs : des nuisances olfactives pour les opérateurs et les riverains, et puis un temps de traitement de plusieurs mois. D'où le 
La masse des déchets est alors placée dans des tunnels fermés et confinés permettant l’aération du produit et l’aspiration de l’air vicié avant traitement. Une fois le produit fermenté, le mélange est transféré dans des tunnels de maturation également confinés et aéré où l’objectif est de stabiliser le produit pour en faire un compost. Enfin, le compost est criblé dans une zone confinée, cette opération permettant de de séparer les matières fines utilisées comme compost et le refus, réinjecté dans le process de compostage. Le compost fini est alors analysé puis évacué dans le cadre d’un suivi exigent vers des parcelles agricoles.

Elle produit (par extraction des principes actifs des algues comme les protéines et sucres) des compléments agro-alimentaires, voire des produits phytosanitaires biosourcés et s'inscrit dans le projet appelé Ulvans, piloté par quatre partenaires industriels que sont PRP Technologies, Melspring, et Agrival, Amadéite, et épaulés dans leur démarche par deux centres de recherches (UBS et CNRS de Mulhouse), tout un programme qui a bénéficié d’une aide de 10,7 millions d’euros de la BPI.
Reste une petite question : l'Etat vient d'être condamné par le tribunal de Rennes comme on vient de l'indiquer ci dessus, alors qu'il a cofinancé la construction de cette nouvelle unité de grande capacité via Oséo (devenu BPI) avec 4 millions d'euros sous forme de subventions et 6,7 millions sous forme d’avances remboursables. N'y aurait-il pas comme une contradiction?
