Pneus usagés : mobilisation générale pour passer de l'ensilage, au recyclage
Il faut dire que le stock de ces pneus utilisés par les agriculteurs de longue date pour caler leurs bâches abritant les foins et autres alimentations pour bétail, auxquels il faut ajouter ceux qui n'ont pas d'utilité et qui sont éparpillés dans la nature, est d'importance : entre 600 et 800 000 tonnes, selon l'Ademe. Cette technique de conservation des fourrages par voie humide, dite de l'ensilage, s’est en effet développée dès les années 1970 ; elle consiste à compacter des céréales et du foin pour ensuite les recouvrir de bâches.
Si la réglementation française a longtemps accepté (pour ne pas dire encouragé) cette pratique, la considérant comme un mode de valorisation (ce qui ipso facto, n'en faisait donc pas des déchets à traiter), elle l'interdit désormais, depuis 2015. Cela fait donc quasi 4 ans que nous sommes confrontés à une sorte de vide juridique puisque Aliapur, éco-organisme opérationnel depuis 2003, qui organise la collecte et le traitement des pneus mis en marché en France (soit environ 430 000 t, ou 47 millions de pneus par an), auprès auprès des professionnels de l’automobile, n'a jamais pris en charge ces pneus, pour les raisons indiquées.
L'accord (renouvelable) court jusqu'en 2025. Signé le 15 juillet, par Aliapur, FRP, AFIP, CSIAM, CCFA et Mobivia, diligenté sous la houlette de Brune Poirson, il a pour objectif de mettre fin à cet oubli : il ouvre la filière du recyclage des pneus usagés aux exploitants agricoles. Par le biais d'Ensivalor, association mise sur pied pour la circonstance, dédiée aux exploitants agricoles à la recherche de solutions pour se débarrasser de ces pneus, les manufacturiers, constructeurs automobiles et distributeurs de pneus financeront à hauteur de 50 % la collecte et la valorisation de ce stock (la part prise en charge ayant été fixée à 75 euros la tonne) ; les 50 % restants seront financés par l’Etat. Le chantier est donc colossal financièrement (sur la base de 800 000 tonnes, il faudrait compter entre 120 et 160 millions d’euros), mais également techniquement. L'Ademe devra réactualiser les chiffres afin de mieux estimer la masse des pneus qui doit être récupérée ; elle devra enquêter auprès de 90 000 exploitations en activité, ce recensement (devant durer un an environ) étant en partie financé dans le cadre de l'opération Ensivalor. En parallèle, les premiers chantiers de collecte qui pourront être menés à l'échelle de territoires, seront lancés.
Les parties prenantes se sont engagées à en valoriser jusqu'à 15 000 t/an, soit l'équivalent de 2,3 millions de pneumatiques usagés. Autant dire que faire place nette durera des années. « C'est une première base », souligne le ministère, qui souhaite « une montée en puissance dans les années à venir ».
Qu'en faire? Le combustible pour les cimenteries sera peut-être l'exutoire privilégié ; cela dit, la majorité de ces vieux pneus étant restée fort longtemps exposée à tous les temps, comme aux UV, leur a fait perdre certaines de leurs qualités...
Pour éviter les sites orphelins, cette opération de désockage est réservée en priorité aux exploitants qui cessent leur activité, puis à ceux qui s'engageront à adopter les méthodes alternatives de protection de leur fourrage fournies par l'Ademe.