Piégeage et stockage du CO2 : le débat rebondit
Il s'agit encore d'une technologie "relativement immature", explique le député britannique Chris Davies (Alliance des Démocrates et des Libéraux pour l'Europe) : elle n’existe qu’à petite échelle et n’est en cours d’expérimentation, à plus grande échelle, qu’en Norvège (voir notre article), au Canada ou en Algérie. Pourtant, la technique du piégeage et stockage de dioxyde de carbone, dite PSC, pourrait se révéler cruciale : alors qu’au niveau européen, 24% des émissions de CO2 proviennent déjà de la combustion du charbon, l’Agence Internationale de l’Energie prévoit qu’au plan mondial cette combustion augmentera de 70% d’ici 2030...
Trois techniques existent actuellement pour piéger le dioxyde de carbone lors de la combustion d’une source d’énergie fossile, toutes ayant des coûts et une efficacité variable :
le procédé précombustion traite le combustible en le "gazifiant" et en le séparant essentiellement en CO2 et hydrogène : si le dioxyde de carbone est destiné au stockage, l’hydrogène peut ensuite être brûlé pour produire de l’électricité ou de la chaleur ;
le procédé post-combustion permet de séparer le CO2 des autres gaz grâce à un filtre chimique, dans la fumée issue de la combustion ;
et l’oxycombustion, qui utilise l’oxygène à la place de l’air lors de la combustion de la matière primaire afin de produire un gaz composé essentiellement de vapeur d’eau et de CO2.
Une fois piégé, le gaz carbonique peut ensuite être transporté par gazoduc ou par bateau vers un site de stockage. "Le stockage consiste toujours à injecter du CO2 de haute densité dans une roche souterraine", explique le GIEC (Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat) dans son rapport à ce sujet. Il recense trois formations géologiques dans lesquelles pourrait être emprisonné le gaz : les gisements de pétrole et de gaz naturel, les formations salines profondes (en mer ou sur terre) et les veines de charbon inexploitables. "Il est probable" que la capacité de stockage à l’échelle de la planète soit "d’au moins 2 000 Giga-tonnes de CO2", estiment les experts. Sachant qu'en 2005, les émissions mondiales de CO2 étaient de 27,3 Gt, il y a de quoi enterrer plusieurs décennies d’émissions...
Mais cette technologie présente de sérieux inconvénients. Tout d'abord, elle rajoute des coûts à l’utilisation des énergies fossiles : "il faut construire les équipements pour séparer le CO2, les infrastructures pour le transporter sur des zones de stockage, puis payer pour les puits d’injection et les sites eux-mêmes", explique Chris Davies. Elle nécessite aussi de l’énergie en elle-même : une centrale électrique équipée pour le piégeage et le stockage de CO2 consomme 10 à 40% d’énergie en plus qu’une centrale classique... pour la même quantité d’électricité produite. Pire : une fois stocké, rien ne garantit la totale imperméabilité des sols : des fuites ou irruptions soudaines pourraient représenter un danger pour l’animal et l’homme.
Mais Chris Davies tempère : il estime, comme le GIEC, que cette technologie serait moins risquée que, par exemple, l’utilisation de gaz pour se chauffer et cuisiner dans nos maisons. Une prise de position qui contraste fortement avec celle exprimée par Greenpace il y a quelques jours (voir notre article : Captage et séquestration du carbone : un remède pire que le mal ?)...
En janvier, la Commission européenne a présenté une proposition législative sur le PCS. Objectif : fournir un cadre pour gérer les risques environnementaux et enlever les barrières législatives à son développement. Mais Chris Davies, l’auteur du rapport qui sera présenté sur cette proposition au Parlement, considère qu’il faut l’amender pour rendre cette nouvelle technologie plus attractive.
Après la mise en oeuvre de la législation, toute nouvelle centrale devra, selon lui, être équipée pour le piégeage et le stockage de CO2. Dès 2015, chaque nouvelle unité devra capturer 90% du CO2 émis. Enfin, "il faudra équiper les actuelles centrales avant 2025", explique-t-il, avant d’ajouter que pour encourager les industries à piéger et capturer le CO2, elles devront bénéficier d’un "double-crédit" sous le système d'échange de droits d'émission de GES. Le rapport devrait être voté en Commission en octobre prochain ; son auteur espère trouver ensuite un accord avec le Conseil pour une adoption définitive avant la fin de l'année.
"Le PCS n’est pas un outil magique", conclut Chris Davies, "mais il peut aider le monde à gagner du temps pour développer, sur le long terme, une technologie zéro-carbone".