Phytosanitaires : sus aux polluants agricoles !
L'une des décisions phares du Grenelle de l’Environnement vise à diminuer de 50% l’usage des pesticides, au cours de la prochaine décennie, en privilégiant les traitements alternatifs. Au Cemagref, les chercheurs exploitent une voie complémentaire, celle de l’épuration naturelle des eaux de ruissellement et de drainage issues des parcelles cultivées. L’objectif est de réduire les transferts de polluants agricoles vers les cours d’eau en aménageant des zones tampons...
Chaque année, des dizaines de milliers de tonnes de produits phytosanitaires (71 600 t en 2006) sont répandues dans les champs. La pluie transporte les résidus de molécules par ruissellement ou drainage le long du bassin versant jusqu’au cours d’eau. Intercepter ces eaux polluées et les traiter avant leur rejet dans la rivière est une problématique sur laquelle se penchent depuis plusieurs années des chercheurs du Cemagref. Menées initialement sur le rôle des bandes enherbées et boisées, les études se sont orientées ensuite sur celui des fossés végétalisés et des zones humides construites.
Tout a commencé à Lyon, à la fin des années 1990, où des mesures effectuées dans les fossés d’assainissement agricoles de l’ouest de la France ont révélé une réduction du transfert de certaines molécules de pesticides d’au maximum 50% dans un fossé encombré de végétaux en décomposition. La rétention en milieu naturel mettant en jeu des phénomènes complexes, liés tant aux caractéristiques des substances qu’à celles du milieu naturel, un pilote expérimental a été conçu. Les travaux expérimentaux ont mis en évidence l’importance du temps de séjour et de la nature du substrat des fossés pour optimiser la rétention des pesticides. Une fois adsorbées à la surface des sédiments ou de la matière organique, les molécules peuvent être dégradées par les bactéries du milieu ou par des réactions physico chimiques. Cependant pour être efficaces, ces processus épuratoires ont besoin de temps.
En partant de ce constat, les recherches se sont orientées vers l’aménagement de zones humides artificielles afin de freiner les écoulements d’eau chargée en pesticides en amont des rivières. Des spécialistes en hydraulique agricole basés à Antony se sont joints aux chercheurs de Lyon. Aujourd’hui, dans le cadre du projet Artwet, des zones humides à vocation épuratrice ont été aménagées à l’aval de parcelles drainées. En collaboration avec la Chambre d’Agriculture d’Indre-et-Loire, les chercheurs suivent les flux à l’entrée et à la sortie des deux périmètres expérimentaux. L’objectif est de caractériser les transferts en tenant compte de la topographie des parcelles, des propriétés des molécules et des pratiques agricoles. L’analyse des chroniques de transferts permettra de cibler les périodes de traitement des écoulements en fonction des pics de pollution. En parallèle, des recherches visent à améliorer la performance des processus épuratoires.
On connait les vertus des roseaux pour favoriser l’épuration des eaux riches en matières organiques. Le procédé mis au point par le Cemagref dans les années 90 a d’ailleurs été appliqué avec succès à l’épuration des eaux usées dans les petites collectivités. Et pour les pesticides, est-il concevable d’optimiser leur biodégradation grâce aux roseaux ? A Lyon, des tests sont en cours sur des lits plantés de roseaux à écoulement horizontal en collaboration avec des spécialistes de l’épuration. En étudiant la capacité épuratrice de ces dispositifs vis-à-vis des pesticides, il sera possible d’optimiser les zones humides artificielles et de réduire au maximum leur emprise foncière. Une expérimentation grandeur nature est également menée en Indre-et-Loire.
Au final, les travaux sur les zones humides artificielles en sont à leur début au Cemagref, avec une approche ingénierie marquée qui nécessite tout un savoir pour optimiser le fonctionnement. Face aux exigences de la Directive cadre européenne sur l’eau, ces dispositifs offrent de bonnes perspectives pour restaurer l’état écologique de nos cours d’eau dans les régions agricoles, tout en s’intégrant facilement au paysage.