Phytoremédiation : la biomasse passée au crible
L’intérêt porté par la société aux questions de santé environnementale a fait des sites et sols pollués un enjeu prioritaire, notamment dans le cadre de la reconversion de "friches industrielles". En France, l’article 43 de la loi Grenelle II souligne, en matière de remédiation des sites, l’importance d’utiliser de préférence "les techniques de dépollution par les plantes". Les techniques de phytoremédiation utilisent les plantes pour éliminer, contenir ou rendre moins toxiques les contaminants environnementaux présents sur un site pollué ; elles font l’objet de recherches depuis les années 1990 et doivent encore prouver leur efficacité. C'est pourquoi l'Ineris, dont la mission est d’accompagner le développement et la mise en oeuvre de technologies durables, mène des travaux pour évaluer leurs performances...
L’Institut national de l’environnement industriel et des risques participe au programme de recherche Greenland, soutenu par la Commission européenne, qui a débuté cette année pour une durée de 4 ans. Ce projet vise à évaluer et développer l’efficacité des techniques de phytoremédiation sur des sols pollués par les métaux. Ses travaux s’appuient sur les projets de recherche nationaux existants, avec l’idée de mutualiser les ressources et de favoriser la mise en place d’un réseau de recherche européen intégré.
Le programme comporte plusieurs volets auxquels participent les équipes de l’Ineris : expérimentation des techniques de phytostabilisation et de phytoextraction à échelle réelle ; étude de la valorisation de la biomasse récoltée sur les sites gérés au moyen de ces techniques ; harmonisation des méthodes d’évaluation de l’efficacité des phytotechnologies (mesure de la biodisponibilité des ETM -Eléments Traces Métalliques- par exemple) ; rôle des pratiques agronomiques (sélection des plantes, amendements) et de l’utilisation d’agents biologiques (micro-organismes) dans l’amélioration des performances. Ces travaux doivent aboutir à la création d’un outil d’aide à la décision pour les utilisateurs des techniques de phytoremédiation.
L’Institut est en particulier chargé d’animer, au niveau européen, le volet "Valorisation de la biomasse". Ce dernier a pour objet de réaliser un état des lieux des types de biomasse et des techniques de valorisation utilisées aujourd’hui, d’identifier avec les acteurs de terrain les limites et les contraintes liées à l’usage de biomasse polluée aux ETM, ainsi que de tester la faisabilité et les performances de différents procédés (incinération, méthanisation, combustion, compostage...) en faisant varier notamment les paramètres liés à la biomasse issue de divers types de sols contaminés.
Un autre projet lancé cette année, dont les travaux nourriront Greenland, implique les chercheurs de l’Ineris. Le programme ANR Biofiltree étudie l’intérêt d’utiliser la filtration biologique dans le cadre de techniques de phytostabilisation. Le but est de limiter l’accumulation des polluants dans les parties aériennes des plantes et éviter leur dissémination dans l’environnement. Biofiltree permet de tester le rôle de micro-organismes rhizosphériques symbiotiques (la rhizosphère étant la zone du sol pénétrée par les racines d’un végétal) pour réduire les transferts d’ETM vers les parties aériennes d’arbres et ainsi faciliter la valorisation énergétique de la biomasse qui en est issue. Ce programme s’appuie en particulier sur un essai à échelle réelle de l’Institut, en partenariat avec VNF : une co-culture d’espèces ligneuses (aulnes, peupliers), ensemencées de micro-organismes, est réalisée sur un dépôt de sédiments pollués. L’Ineris, qui participe à toutes les étapes du projet, a par ailleurs pour objectif de réaliser une évaluation technico-économique de la technique ; ses équipes effectueront également des essais de valorisation de biomasse en chaudière et étudieront les effluents.
Cet article est à lire en complément de notre exposé : Phytoremédiation : la pollution métallique n'a qu'à bien se tenir !.