Mondialisation : ArcelorMittal en forme olympique !
Alors que le leader mondial de l'acier est en train de fermer le four électrique et le train à billettes de Gandrange, il a annoncé ces dernières semaines plusieurs investissements de créations, reprises de capacité de production ou d'approvisionnement dans les pays émergents. Ces annonces interviennent alors que la demande mondiale d'acier ne cesse de croître, et qu'ArcelorMittal vient de confirmer une nouvelle hausse de ses produits plats en Europe. Alors entre Jean qui pleure, et Jean qui rit, les conséquences de la mondialisation économique vont continuer à susciter pour le moins des interrogations, voire des craintes et des réactions...
Depuis le début de l'année, l'actualité du groupe de Lakshmi Mittal est riche en développements, preuve, s'il en est besoin, de la bonne santé économique du secteur de l'acier et des perspectives favorables qu'il recèle. Jugez en par vous même :
20 milliards de dollars d'investissements sur les dix prochaines années en Inde dans deux aciéries basés sur la filière minerai et charbon.
Acquisition de 92% de China oriental pour 2,45 milliards USD, soit le plus important investissement étranger dans la sidérurgie chinoise.Spécialisé dans la production de sections en H et les profilés renforcés, China Oriental détient 97,6% de Hebei Jinxi Iron and Steel Group qui a une capacité de production annuelle de 4 millions de tonnes (Mt) d’acier brut, 4 Mt de fonte et 3 Mt de produits sidérurgiques.
Construction d'une usine en Egypte d'une capacité de production de 1,6 millions de tonnes d'acier via la consommation de DRI et de 1,4 millions de tonnes de billettes par four à arc électrique.
Augmentation de 50 à 100% dans l'unique producteur de produits longs du Costa Rica : 460 000 tonnes de laminage rond à béton et fil machine.
Redémarrage du haut-fourneau 6 de Seraing à Liège en Belgique grâce au gouvernement wallon et au gouvernement fédéral qui ont dégagé des quotas de CO2 substantiels dans leur plan d’allocation.
Augmentation de 64,5 à 99,5% de la participation dans le sidérurgiste argentin Acindar.
Création d'une aciérie électrique en Russie : 600 000 tonnes produits longs à Tver
En même temps, ArcelorMittal prévient " qu'en Europe les prix des aciers plats au carbone vont augmenter de 12 à 15 %, soit un nouveau seuil de prix de 560 euros la tonne pour l’acier laminé à chaud. Pour les tôles de qualité commerciale, l’augmentation sera de 50 euros la tonne. D'autres augmentations de prix pourraient être nécessaires dans le courant du deuxième trimestre et elles seront annoncées dès que le résultat final des négociations annuelles en cours sur les prix des matières premières sera connu.
Puis le géant de l'acier se justifie : "ArcelorMittal réaligne ainsi le niveau de prix de ses produits plats en Europe sur l’évolution récente des prix mondiaux, qui s’est traduite par une augmentation de 100 à 180 dollars la tonne du fait des augmentations du coût des matières premières, de l'énergie et de la logistique."
Pour Patrick Depardon, Vice-Président Ventes & Marketing d’ArcelorMittal Plats Carbone Europe : « Cela correspond à ce que nous avions déjà annoncé il y a trois mois. Dans le même temps, nous réussissons à satisfaire une demande d'acier qui se situe à un niveau élevé partout en Europe. Nous avons pris toutes les mesures nécessaires, comme le redémarrage du haut fourneau N°6 à Seraing, pour satisfaire la forte demande en volume de nos clients ».
Comble de l'ironie (sic)... C'est dans ce contexte de conjoncture florissante qu' ArcelorMittal décide la fermeture de l'aciérie de Gandrange. Et, attention, en même temps, le groupe maintient des procédures pour antidumping à l'encontre des aciers chinois.
Mieux encore, face à cette situation, les pouvoirs publics français se disent prêts à intervenir : considérant l'acier comme un secteur "stratégique", le premier ministre François Fillon déclarait hier : "On dit à M. Mittal 'il y a pour nous un problème stratégique avec l'acier, on souhaite que vous investissiez dans cette usine et que vous modifiez votre plan industriel, on vous le demande. Si vous ne voulez pas le faire, il faut étudier d'autres solutions, notamment la cession de ce site, de reprise par d'autres industriels, et le cas échéant d'une intervention publique qui serait temporaire, de relais".
Au final, on se dit que l'on est dans un mauvais film qui n'en finit pas et que l'addition à payer pour le contribuable français risque d'être toujours plus lourde. Hier, Mittal s'emparait d'Arcelor longtemps financé par l'Etat français. Aujourd'hui, ce-dernier décide de la fermeture de Gandrange, et pourquoi pas, demain, c'est de la fermeture de Fos qu'il sera question ???. Du coup, on peut quand même se remettre à douter : secteur stratégique ou pas, les pays dits riches parviendront-ils à s'adapter à cette mondialisation industrielle sans crise ou intervention politique majeure ?