Les données chiffrées font mal et coûtent très cher au consommateur/contribuable. En moyenne, chaque français jette 20 kilos d'aliments comestibles par an (dont 7 kg de produits encore sous emballage), lesquels viennent s'ajouter aux denrées qui ont déjà été jetées tout au long de la chaîne alimentaire. Mis bout à bout, ce sont 9 tonnes de nourriture qui sont produites inutilement, alors qu'ailleurs dans le monde, une personne sur sept se couche l'estomac vide et que plus de 20 000 personnes meurent de faim par jour.
En d'autres termes, on estime qu'environ un tiers de la nourriture gaspillée par les consommateurs est jetée alors que les produits n'ont pas été utilisés, ni même ouverts; les deux tiers de ce gaspillage sont composés de fruits et légumes. Uniquement en Europe, le gaspillage alimentaire annuel pourrait suffire à nourrir 200 millions de personnes. Autre chiffre : jusqu'à un tiers de la nourriture produite dans le monde n'atteint pas la bouche du consommateur !!!
Le gaspillage alimentaire pèse en France, 400 euros par ménage et par an. Dans les pays développés comme le nôtre, le gâchis alimentaire s’est déplacé de l’amont vers l’aval de la chaîne, c’est-à-dire l’industrie, la distribution et même de plus en plus au niveau du consommateur lui-même. En France, ce dernier causerait aujourd’hui 67 % des pertes non agricoles, selon les estimations de l’Etat.
Le Plan anti-gaspi du Gouvernement, signé ce matin par tous les acteurs de l'alimentation avec le Ministère français de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt, doit conduire à réduire de moitié le gaspillage d'ici 2025, c’est-à-dire atteindre l’objectif fixé par l’Europe. Le message est clair : cessons de vider les champs et les rayons pour remplir les poubelles.
« L'enjeu dépasse largement le cadre hexagonal », a insisté Guillaume Garot, dont le plan s'inscrit dans un objectif européen et même mondial.
Le représentant de la FAO, l'organisation des Nations unies pour l'Agricuture et l'alimentation, Laurent Thomas, a ainsi fait valoir que la somme des aliments gâchés dans le monde (1,3 milliard de tonnes - 750 milliards d'euros) suffirait amplement à rassasier les 868 millions d'affamés.
« Si dans les pays en développement les pertes ont surtout lieu après récoltes, dans les pays industrialisés, c'est majoritairement au niveau du consommateur ».
« Scandaleux et profondément injuste », juge le ministre, qui a enrôlé les agriculteurs via Coop de France, l'industrie agroalimentaire, la grande distribution, la restauration hôtelière et collective, de même que les associations de consommateurs et de secours, dans son Plan anti-gaspi. « Plus question de détruire des produits consommables simplement parce qu'ils ont été mal étiquetés. Ils seront donnés aux banques alimentaires », ajoute le Ministre…
Les grands noms de la filière s'engagent à agir d’une part, mais également à sensibiliser les acteurs de leurs chaînes respectives, à mettre en place des systèmes de récupération des invendus y compris au niveau de la production agricole, à adapter la taille des portions en visant les petits formats (industries) y compris en rayons (distribution) où le représentant d'une grande enseigne a reconnu que « même les yaourts pouvaient être vendus à l'unité».
Carrefour, qui avait préalablement signé le 'Retail agreement on waste' au niveau européen a validé le pacte : le groupe s'emploie à réduire le gaspillage alimentaire en magasin et mobilise ses équipes sur ce projet ; de plus, il valorise les produits non commercialisés puisqu’il mise sur les dons, via les collectes alimentaires. Il va même proposer dans quelques villes des "bars à smoothie" réalisés avec les fruits et légumes retirés des rayons. En interne, il mène une campagne de sensibilisation auprès de ses collaborateurs avec la mise en place via d'un challenge récompensant les meilleures idées anti-gaspi.
Un prix anti-gaspi sera également remis à la fin de l'année à son fournisseur le plus vertueux, dans le cadre des Trophées Développement Durable annuels de Carrefour France.
Casino affirme avoir triplé ses dons en trois ans sur ce principe (l'équivalent de 16 millions de repas en 2012) - et à des associations comme Eqosphère qui a réalisé le buffet de fête du Ministère d’aujourd’hui, qu'avec des produits "dépassés" mais toujours bons.
Le traiteur parisien de luxe Potel et Chabot lance un partenariat avec Eqosphère pour la "revalorisation de ses surplus" au profit des démunis.
Ce matin, Monoprix a signé également et annonce son plan d’actions 2013 – 2014.
Stéphane Maquaire, Président du Directoire de Monoprix, a profité de l’occasion pour rappeler l’engagement fort de la marque depuis plus 20 ans en faveur du développement durable ; ce faisant, « Monoprix a fait de la lutte contre le gaspillage l’une de ses priorités. Au-delà du Pacte national, l’entreprise renforce son engagement par la mise en œuvre de quatre actions concrètes :
Développer le don alimentaire en distribuant 2 millions de repas par an à horizon 2020. Sur les six derniers mois, le parc des magasins Monoprix donnant leurs produits en fin de vie a déjà doublé (51 magasins concernés fin mai). Monoprix s’engage à ce qu’une centaine de magasins participent au don alimentaire d’ici la fin de l’année 2013.
Mener au moins deux opérations de sensibilisation au gaspillage chaque année. La chaîne souhaite avant tout accompagner ses clients et les sensibiliser aux enjeux du gaspillage alimentaire. Le Groupe publie en 2013 la septième édition de son « ABC » sur le gaspillage, un guide pour une consommation plus responsable distribué gratuitement dans tous ses points de vente. Elle a par ailleurs déjà organisé au mois de mai des actions de sensibilisation au gaspillage dans 14 magasins parisiens, en collaboration avec la Mairie de Paris.
Commercialiser une offre d’accessoires « anti-gaspillage » : la marque étudie la commercialisation d’une offre de petits équipements ménagers pour faciliter une consommation anti-gaspillage de ses clients à partir de 2014.
Optimiser le conditionnement des produits alimentaires : d’ores er déjà, on étudie pour chaque rayon la possibilité de développer une offre portionnable ou unitaire. Ces produits représentent déjà une part importante de l’offre chez Monoprix : 30% en charcuterie/boucherie par exemple et près de 10% en crèmerie.
Anne-Virginie Dissard, Responsable des relations institutionnelles chez Auchan explique qu'Auchan a déjà travaillé sur un chiffrage. « Chez nous, 97% de ce que l'on achète est vendu » et ajoute que « ce qui est détruit est ce qui est impropre à la consommation » dans la mesure où « nous avons des partenariats avec des associations pour donner ce qui reste consommable ».
Bref : tous les signataires se sont engagés à définir une série d'indicateurs pour mesurer leurs résultats au moins une fois par an. D'ici là, le 16 octobre sera proclamée la Journée anti-gaspi. Guillaume Garot affirme que réussir à limiter le gaspillage, « c'est l'affaire de chacun. Chacun peut agir et traquer son propre gaspillage. Cela concerne le consommateur que nous sommes mais aussi les entreprises et la grande distribution ». Pourtant, de nombreux distributeurs préfèrent détruire les aliments plutôt que de les donner. « Aujourd'hui, le système du don n'est pas au point. C'est l'un des enjeux de ce pacte ». A ce stade des échanges, le ministre aborde le problème des dates limites.
La fameuse DLUO, date limite d'utilisation optimale trop souvent confondue avec la date de péremption sera remplacée par la mention "à consommer de préférence...", plus ouverte ; quelques industriels présents marmonnant quand même, qu’il faudra bien garder une date-limite de consommation pour éviter tout problème sanitaire.
Ce n'est pas tout : conformément aux exigences européennes, la France doit aussi adopter d’ici la fin de l’année un Plan de prévention des déchets, prenant en compte cette nouvelle exigence anti-gaspi.
Il reste que cela fait des années que l'on évoque ce scandale et que l'on aurait pu s'inspîrer plus vite de ce qui se pratique dans d'autres pays, comme la Belgique par exemple, où les hypermarchés sont obligés de donner, au lieu de jeter...
On pourrait également organiser et systématiser des opérations dernière minute : des prix cassés sur les produits qui arrivent en fin de validité de vente. Sûr que le consommateur dont le pouvoir d'achat ne cesse d'être rogné en raison des multiples hausses de prix et de charges, serait ravi de pouvoir consommer plus, ce qui limiterait d'autant, les tonnages invendus qui deviennent ipso facto des déchets coûteux à stocker, évacuer et valoriser ou éliminer...