Méthanisation : un procédé en phase avec son temps
La méthanisation est un procédé biologique de dégradation de la matière organique dans un milieu clos et en anaérobie (absence dʼoxygène) ; elle permet la production dʼune énergie renouvelable (EnR), le biogaz, et dʼun engrais, le digestat. Cette technique est considérée par certains comme une réponse pertinente aux deux grands défis environnementaux du XXIème siècle que sont le changement climatique et lʼénergie. Pourquoi et comment ? Telles sont les questions...
Le premier enjeu de notre siècle, le changement climatique, est maintenant avéré, notamment grâce aux travaux du GIEC (Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat). En lʼabsence de mesures de réductions des émissions de GES (Gaz à Effet de Serre), la température moyenne mondiale augmentera de 1,4 à 5,8°C entre 1990 et 2100. Diminuer les émissions de GES (dioxyde de carbone CO2, méthane CH4, protoxyde dʼazote N2O, hydrocarbures halogénés, monoxyde de carbone CO...) est donc un enjeu prioritaire pour le XXIème siècle. Problème : l'agriculture génère dʼimportantes émissions de gaz à effet de serre, correspondant à environ 20 % des émissions au niveau français, principalement sous forme de méthane pour celles liées aux animaux (fermentation entérique, déjections) et sous forme de protoxyde d'azote pour celles liées aux cultures (épandages d'engrais de synthèse ou de ferme).
Le deuxième enjeu de notre siècle est la diminution de la disponibilité en énergies fossiles : la demande mondiale en énergie primaire a augmenté de près de 2% par an entre 1980 et 2005, et les ressources fossiles vont inévitablement se raréfier.
Les installations de méthanisation permettent de répondre à ces 2 enjeux majeurs, tout d'abord en limitant les émissions de GES liées à l'élevage et aux déchets : diminution notable des émissions de N2O et CH4, liées au stockage et à lʼépandage direct des déjections animales et de déchets organiques, et aussi diminution des émissions par substitution dʼengrais. D'autres part, ces installations produisent une EnR facilement utilisable : le biogaz. Composé au maximum de 60% de méthane, ce dernier peut être utilisé pour produire de la chaleur et/ou de l'électricité ; il peut également être injecté dans le réseau de gaz naturel après épuration ou utilisé comme carburant.
Les projets de méthanisation agricole ont également des impacts sur la qualité de lʼeau et de lʼair, avec une meilleure maîtrise des odeurs lors du stockage et de lʼépandage des effluents, ainsi qu'une meilleure qualité des produits en sortie de méthanisation qui facilite les épandages et favorise donc leur utilisation en substitution aux engrais minéraux. On notera également les impacts sociétaux et territoriaux : les installations de méthanisation offrent des solutions de traitement et de valorisation locales pour les déchets organiques ; cʼest aussi une diversification dʼactivité pour les agriculteurs qui crée du lien entre acteurs (agriculteurs / industriels / collectivités et ville / campagne). Dernier point : l'aspect économique de la méthanisation qui permet la création dʼemplois pour concevoir, mettre en place et entretenir les équipements.
Concernant le procédé à proprement parler, les matières organiques entrantes, dites substrats, peuvent être de différentes origines : agricoles, industrielles ou communales, animales ou végétales, brutes ou transformées ; la méthanisation permet d'en digérer la plupart, excepté les produits ligneux tels que les branchages. Les matières inorganiques (plastique, verre, sable...) doivent être évitées car elles empêchent le bon fonctionnement de la biologie, tout comme les substances dangereuses (métaux lourds, polluants organiques...) ou médicamenteuses (antibiotiques...). Les matières riches en graisses sont à favoriser, du fait de leur pouvoir méthanogène lié à la formation dʼacides gras volatiles quʼelles entraînent. Ainsi, les substrats forment un mélange homogène dans le temps en quantité et qualité ; leur introduction se fait régulièrement par des automates (technique infiniment mélangée).
Il existe plusieurs techniques de méthanisation : un système dit "batch" avec un chargement et un déchargement séquentiels ; un système dit "piston" permettant une avancée progressive de la matière ; un système en infiniment mélangé, le plus courant et celui présenté ici. Les matières vont être introduites par des pompes et des trémies dans la cuve de digestion ; un système de brassage va permettre dʼavoir un mélange homogène, dʼéviter la formation de croûte en surface et de faciliter le dégazage. Le digesteur va être chauffé à 36-42°C (système mésophile, cas présenté ici) ou à 48-55°C (thermophile). Il peut être en béton ou acier, aérien ou enterré (entièrement ou partiellement). Lʼunité peut avoir un digesteur principal unique ou être suivie dʼun post-digesteur. Si la récupération de gaz continue dans la cuve de stockage, on lʼappelle post-digesteur. Le temps de séjour des matières dans lʼunité est dʼenviron 40-60 jours, mais dépendra des substrats, de la taille de lʼinstallation et de ses équipements (1 ou 2 digesteurs).
La matière en sortie de digestion, appelée digestat, a des avantages par rapport aux matières dʼorigine : la diminution des odeurs, la réduction des germes pathogènes, une valeur amendante et fertilisante intéressante pour les cultures et une composition fluide qui facilite son épandage. Le digestat doit être stocké pour répondre aux obligations réglementaires de stockage et dʼépandage (comme les déjections et effluents dʼélevage). Il peut être épandu directement sur les cultures, ou être traité de différentes façons (séparation de phase, séchage, stripping...). La séparation de phase permet dʼavoir une fraction solide riche en matières organiques et en éléments phosphatés (qui peut être utilisée comme un amendement) et une fraction liquide concentrée en azote ammoniacal (qui peut être utilisée comme un engrais).
Le biogaz est quant à lui composé majoritairement de méthane (45-60%) et de dioxyde de carbone (40-50%) ; il contient aussi de lʼhydrogène sulfuré, très corrosif et dangereux. Ce dernier est épuré grâce à lʼinjection dʼun petit débit dʼair directement dans le ciel gazeux du digesteur ; la présence dʼair provoque une précipitation du soufre qui se retrouve dans le digestat. Le stockage du biogaz sʼeffectue à faible pression (< 5 mbar), généralement dans une géomembrane au dessus du digesteur et/ou du post-digesteur. Cette EnR peut être valorisée selon différentes techniques : brûlée dans une chaudière ou dans un moteur de cogénération (production dʼélectricité et de chaleur), épurée pour être injectée dans le réseau de gaz naturel ou utilisée comme gaz-véhicule.
En rapport avec le sujet, nous vous renvoyons à la lecture de notre exposé : Quelles prochaines étapes pour la valorisation du biogaz ?.