Méthanisation : la lutte contre les algues vertes se poursuit
Nous l'évoquions dans une brève le mois dernier : l’Ademe Bretagne vient de lancer un second appel à projets 'Méthanisation', dans le cadre du plan de lutte contre la prolifération des algues vertes, un programme innovant d'aides à l'agriculture pour réduire les flux de nitrates déversés en mer par les rivères cotières. Objectif : la construction d'une quinzaine de nouvelles unités, pour une enveloppe de 4 millions d'euros. "Le développement de la méthanisation s’inscrit dans la lutte contre les marées vertes", souligne Gilles Petitjean, Directeur régional de l’Agence...
Depuis maintenant plusieurs années, les côtes bretonnes sont touchées chaque été par l’échouage des algues vertes. En moyenne, 70 000 tonnes viennent annuellement s’accumuler dans les principaux estuaires bretons et une dizaine de grandes baies en Bretagne, un pic de 90 000 tonnes ayant été atteint en 2009 (voir notre article). Les problèmes consécutifs à ces échouages ont conduit le Premier Ministre à mandater une mission d’inspection qui a rendu son rapport début 2010. Sur la base de ce dernier, le Gouvernement a adopté un plan d’actions en vue d’améliorer la gestion des algues vertes et d’en prévenir la prolifération en réduisant les flux de nitrates déversés en mer par les rivières côtières (voir notre article). "Il s’agit d’un programme d’aide à l’agriculture avec des engagements financiers pour limiter les flux d’azote vers les côtes et expérimenter avec les agriculteurs bretons la nécessaire mutation environnementale", explique M. Petitjean.
Outre les nombreuses mesures de prévention sur les bassins versants, le Gouvernement préconise le développement de la méthanisation comme solution intégrée de prise en charge des effluents agricoles. Ce procédé offre en effet des perspectives intéressantes en matière de réduction des nuisances et d’amélioration de la valorisation des effluents d’élevage : les digestats obtenus représentent, sous certaines conditions, un substitut intéressant aux engrais minéraux azotés actuellement utilisés dans les bassins versants en amont des baies à algues vertes, et d’une manière plus générale en Bretagne. Un premier appel à projets 'Méthanisation' a ainsi vu le jour en 2010 ; 11 dossiers ont été reçus, pour finalement 7 retenus. Ces derniers sont uniquement des projets agricoles à la ferme. En effet, ils ont pu, plus facilement, apporter les éléments démontrant la réduction de la pression azotée suite à la mise en oeuvre des installations. Ces projets sont principalement localisés sur la baie de Saint-Brieuc (22).
Les besoins et la demande du monde agricole face à la problématique des algues vertes restant forts, l’Ademe Bretagne (toujours missionnée par l’Etat) vient de lancer un nouvel AAP pour 2012-2015. Il vise à développer la méthanisation des effluents d’élevage agricole sur les bassins versants concernés par les algues vertes (baies de Concarneau, de Douarnenez, de Saint Brieuc et de la Fresnaye, les anses de Guisseny, de l’Horn-Guillec et de Locquirec et la grève de Saint Michel), en amont des zones littorales les plus touchées, afin de produire du biogaz et du digestat. Cet appel à projets est lancé en partenariat avec le Conseil régional de Bretagne, les Conseils généraux du Finistère et des Côtes d’Armor, ainsi que l'Agence de l’eau Loire Bretagne, chacun étant susceptible de financer les projets si ceux-ci correspondent à leurs propres dispositifs d’aide. Plus précisément, les 2 objectifs poursuivis sont de méthaniser les lisiers et fumiers excédentaires des baies à algues vertes et de substituer 50% des engrais minéraux utilisés dans ces zones par du digestat de méthanisation. L’Ademe Bretagne a prévu de retenir une quinzaine de projets en adéquation avec l’ensemble des actions mises en places dans le cadre du plan de lutte contre les algues vertes sur le territoire concerné et selon leur solidité technico-économique.
Les porteurs de projets concernés sont les exploitants agricoles, les coopératives agricoles ou industriels de l’agro-alimentaire, les collectivités locales, les sociétés de développement de projets de méthanisation ou d’énergies renouvelables, les investisseurs privés ou publics, et les entreprises prestataires de service pour le traitement des déchets. Les projets peuvent être portés individuellement ou collectivement, et être agricoles (projets "à la ferme") ou non-agricoles (projets "multiacteurs"). Afin de permettre aux projets les plus élaborés de ne pas être retardés, cet AAP va se dérouler en 2 phases : les dates limites de réponse des candidats sont le 31 mai prochain pour la première phase, et le 28 septembre 2012 pour la seconde. Le dépôt des dossiers est à faire auprès de l’Ademe Bretagne qui évaluera leur recevabilité dans les 2 mois suivant la date limite de dépôt ; la sélection par le comité d’évaluation et de sélection interviendra quant à elle dans un délai de 3 à 4 mois. L’Agence apportera une aide maximale de 4 millions d’euros. Pour plus d'informations et consulter le cahier des charges, rendez-vous ici.
A noter : les unités de méthanisation accompagnées dans le cadre du plan 'algues vertes' ne sont pas différentes des unités mises en place dans les autres territoires bretons. Toutefois, une attention plus importante est donnée à l’impact de l’unité sur la pression azotée sur le plan d’épandage. Ainsi, il est demandé aux projets d’utiliser préférentiellement du digestat en fertilisation azotée : substitution d’engrais minéral azoté de synthèse importé sur le bassin versant. Par ailleurs, la mise en place d’une unité de méthanisation peut être l’occasion de réaliser un post traitement du digestat afin d’améliorer sa valorisation (séparation de phase, piégeage des éléments fertilisants principaux sous forme minérale, séchage et exportation du digestat...) diminuant ainsi la pression azotée sur le bassin. Point important : la méthanisation d’algues vertes n’ayant pas encore été validée techniquement par le comité de pilotage du plan de lutte contre les algues vertes, leur utilisation comme co-substrat n’est pas envisagée à ce stade. Cependant, si les essais de méthanisation d’algues menées sont positifs, les porteurs pourraient alors examiner cette possibilité, sans toutefois les incorporer au plan d’approvisionnement type de l’unité de méthanisation.
En rapport direct avec le sujet, nous vous renvoyons à la lecture de notre article : Algues vertes : des déchets qui nous pourrissent la vie.