Mâchefers d'incinération : un scandale sanitaire ?
Les MIOM (Mâchefers Issus d’Ordures Ménagères) sont produits par différents types de fours (fours rotatifs et oscillants, fours à grilles, fours à lit fluidisé...) ; ils représentent 25% du poids originel des ordures ménagères et 10% de leur volume. Une nouvelle réglementation est en passe d’être adoptée. "Elle exprime bien plus la complaisance de l’Etat à l’égard d’une filière peu vertueuse, mais puissante, qu’un réel souci des intérêts de l’environnement", estiment France Nature Environnement et le Cniid qui se lâchent dans un communiqué en évoquant "un scandale bien enfoui"...
Lorsque des déchets sont incinérés, ils engendrent des résidus d’épuration des fumées, hautement toxiques, ainsi que des cendres lourdes. Celles-ci représentent environ 25% du tonnage traité et concentrent une bonne part des polluants présents dans les déchets incinérés. Appelés mâchefers, ces résidus sont donc des déchets qui peuvent être dangereux. Outre des imbrûlés organiques, ils contiennent en effet certains composés dont la toxicité est reconnue : les PCDD (Polychlorodibenzo-p-dioxines), les PCDF (Polychlorodibenzo-p-furanes), les CB (Chlorobenzènes), les CP (Chlorophénols), les PCB (Polychlorodyphényls) et les HAP (Hydrocarbures Polycycliques Aromatiques).
Les mâchefers, après avoir subi un déferraillage, un criblage (tailles variables de 40, 60, 100 mm selon l’utilisation envisagée), puis une maturation peuvent être éventuellement utilisés : dans les terrassements, les remblais (épaisseur inférieure à 3 m), les couches de forme, ainsi que dans les structures de chaussées et parking.
"Depuis 1994, une simple circulaire permet, sur la base de tests de dangerosité très insuffisants, de 'valoriser' la plupart d’entre eux en sous-couches routières, l’équivalent de plus de 2 millions de tonnes de résidus pollués. Ces déchets se retrouvent ensuite dispersés dans la nature, sans suivi, ni souci des impacts qu’ils peuvent avoir sur le milieu naturel. Etant trop polluants, ils ne seraient pas acceptés en décharge pour déchets inertes. Comment est-il possible alors de les laisser se répandre dans l’environnement ?", s'interrogent FNE et le Cniid (Centre national d’information indépendante sur les déchets). En Haute-Savoie (74), une affaire récente de remblaiement délictueux de carrière, avec des mâchefers dits "valorisables", révèle d'ailleurs des teneurs en dioxines dans les eaux souterraines 226 fois supérieures au seuil de potabilité.
Le Grenelle Environnement avait conduit à la création d’un "Groupe Mâchefers" qui devait pallier cette carence réglementaire sur le fondement d’études environnementales. Problème : lesdites études n’ont pas été réalisées et la feuille de route du Groupe Mâchefers a été abandonnée. Dans un contexte qui manque donc de transparence, 3 textes sont actuellement en cours de finalisation : une réglementation relative aux critères d’identification des mâchefers "non valorisables" que la loi rectificative de finances de décembre 2010 exonère de TGAP (Taxe Générale sur les Activités Polluantes), une réglementation au titre des installations classées, et enfin un guide technique à destination des professionnels des travaux publics. "Ainsi après 17 ans d’inertie, l’utilisation des mâchefers en technique routière va enfin être encadrée. Malheureusement, les textes annoncés ne sont pas à la hauteur des enjeux", déplorent les 2 associations.
"Nous craignons que la nouvelle réglementation ait pour principal souci de garantir la position hégémonique de l’incinération au détriment des exigences de protection du milieu naturel et de la santé publique", explique Pénélope Vincent-Sweet, Pilote du réseau Déchets de FNE. "La vérité sur les impacts des importantes quantités de résidus pollués engendrés par la filière incinération ne doit pas être une nouvelle fois enfouie", ajoute Sébastien Lapeyre, Directeur du Cniid.
Dans un communiqué conjoint, France Nature Environnement et le Cniid demandent donc la prise en compte des flux totaux de polluants susceptibles d’être déversés ensuite dans l’environnement, et pas seulement les concentrations, ainsi que la reconnaissance de la dangerosité de certains mâchefers. Les 2 associations réclament également des études indépendantes relatives aux impacts environnementaux et des études d’impact, au cas par cas, préalables à toute dispersion des mâchefers dans le milieu naturel.