L’étanchéité dans les installations de stockage des déchets
Chaque Français produit en moyenne 360 kg de déchets ménagers par an. La loi de juillet 1992 relative aux traitements des déchets stipule que seuls les déchets ultimes sont admis en décharges ou en installations de stockage de déchets. Ces installations de stockage, généralement établies sur des sols peu perméables, recouverts d’une géomembrane, soulèvent encore la question de leur étanchéité. Les recherches démarrées au milieu des années 90 au Cemagref ont permis de modéliser les fuites dans ces structures en prenant en compte les interfaces sol/géomembrane. Le Cémagref organisait une conférence le 6 novembre dernier ; Nathalie Touze-Foltz fait le point…
Aujourd’hui, le stockage des déchets non dangereux se fait encore dans des installations à ciel ouvert. Les eaux pluviales percolant la masse de déchets se chargent de polluants pour produire des lixiviats drainés en fond d’installation de stockage de déchets. Pour limiter les risques de transfert de ces polluants dans les sols, un arrêté ministériel impose depuis 1997, l’utilisation d’une barrière de sécurité combinée dans le fond des installations de stockage de déchets : un matériau argileux, barrière de sécurité passive, est associé à une géomembrane et une couche drainante constituant la barrière de sécurité active. Le comportement hydraulique des étanchéités composites constituées par l’association de la géomembrane avec le matériau argileux était mal connu. Le Cemagref a démarré dans les années 90 des recherches en partenariat avec l’Ademe, le BRGM, l’Insa de Lyon, l’École Nationale Supérieure des Mines de Paris, le LNEC (Portugal) et Queen’s University au Canada pour comprendre et quantifier les transferts de lixiviat liés à l’existence de défauts dans la géomembrane.
Installation de stockage de déchets et fuite de lixiviat
Les installations de stockage sont constituées de casiers hydrauliquement indépendants dans lesquels sont stockés les déchets. L’étanchéité des casiers est assurée par la géomembrane placée en fond et par la couche d’argile épaisse d’un mètre environ sur laquelle repose l’ensemble. La géomembrane est un produit à base de polymères, mince, souple, continu et étanche. Son épaisseur doit être supérieure au millimètre.
Toutefois, l’étanchéité totale n’existe pas, et le lixiviat peut traverser le dispositif soit en diffusant à travers la géomembrane dans le cas des polluants organiques, soit en s’écoulant par les défauts existant dans la géomembrane. Sur les zéro à vingt défauts par hectare observés en moyenne dans les géomembranes, le quart se fait à la pose de la géomembrane et les trois quarts à l’installation des granulats constitutifs de la couche drainante.
Les premières recherches pilotées par Nathalie Touze-Foltz ont été consacrées à modéliser les fuites liées à l’existence de ces défauts. Compte tenu de l’inaccessibilité de la géomembrane et des dimensions des installations de stockage qui peuvent atteindre 30 hectares, un dispositif expérimental d’un mètre de diamètre a été mis au point au laboratoire dans le cadre de la thèse de François Cartaud. Les lois hydrauliques disponibles reliant le débit de fuite à la hauteur de lixiviat, à la taille du défaut et à la conductivité hydraulique du sol ont été appliquées dans une démarche de confrontation de la théorie à l’expérimentation.
De l’expérimentation à la modélisation
Les chercheurs se rendent compte alors que, toutes choses égales par ailleurs, le débit de fuite peut varier d’un facteur 1000 selon l’épaisseur de l’espace entre la géomembrane et le sol, appelé interface. Des allers et retours entre le terrain où des empreintes d’états de surface de sols représentatifs sont relevées et le laboratoire où elles sont reproduites, vont permettre de décrire quelques situations type. Chaque expérience nécessitant la manipulation d’une tonne de matériel, les chercheurs se sont orientés vers la réalisation de simulations numériques par l’intermédiaire du code de calcul Metis résolvant l’équation de Richards. Les expériences numériques ont permis la modélisation de nombreuses géométries d’interface différentes et de positions de défauts dans la géomembrane.
Une nouvelle génération de géosynthétiques
Les recherches se sont depuis portées sur les géosynthétiques bentonitiques récemment mis au point. Ils associent une couche de bentonite, argile très gonflante à un ou plusieurs géosynthétiques. Ces matériaux utilisés en renforcement de la couche de matériau argileux peuvent permettre une réduction des fuites de lixiviat et s’avèrent prometteurs. Aujourd’hui, les recherches s’orientent vers la modélisation en trois dimensions des étanchéités composites et la prise en compte des transferts diffusifs dans les géomembranes et les géosynthétiques bentonitiques géomembrane. Des avancées certaines ont été ainsi produites sur la connaissance de l’étanchéité réelle des barrières dont l’enjeu environnemental et socio-économique est très important...