Les déchets à la rescousse de l'indépendance énergétique...
Issue du Grenelle Environnement, cette structure a été remplacée, en avril dernier, par une société publique locale « Énergies Réunion », dont l’objectif reste inchangé. Pour l’atteindre, la SPL compte évidemment sur l’énergie solaire et hydraulique, mais aussi sur la bagasse, déchet de la canne à sucre résultant de son broyage pour en extraire le jus (qui servira à produire le sucre ou le rhum), et seconde source d’énergie renouvelable de l’île. Avec près de 1 900 000 t de cannes produites par an, c’est 537 000 t de bagasse qui trouvent pour débouchés les deux centrales thermiques de La Réunion: celle du Gol, à Saint-Louis au sud de l’île et celle de Bois-Rouge à Saint-André au nord. La bagasse n’est plus un poids mort, mais un moyen de produire de l’électricité ; au demeurant, l’utilisation des déchets de la canne à sucre fournit à ce jour, un dixième des foyers de la Réunion en électricité.
Ce faisant, on ne fait que renouer avec la tradition, puisque historiquement, chaque usine (près de 180 au début du siècle dernier) était équipée d’une chaudière à bagasse qui lui permettait de produire l’électricité nécessaire à son fonctionnement, du moins pendant la saison de la coupe de la canne (juillet à, novembre), le restant de l’année, les chaudières fonctionnant au charbon. Le hic, c’est que sur la période considérée, on ne pouvait exploiter toute la bagasse. Quelque temps plus tard, l’usine de Beaufonds à Saint-André (aujourd’hui fermée) apportera en effet, une solution durable : « pour la première fois on parlait d’optimisation thermique et l’excédent de la production d’électricité était vendu à EDF », ce qui marque un tournant décisif dans l’histoire de la bagasse qui devient dès lors, énergie provenant de ressource renouvelable.
Dès 1991, on passe un cap nouveau avec la création d’un système de chaudière bi-combustible : « c’est une première mondiale qui prouve à nouveau le savoir-faire local. Ce système de chaudière est présenté comme une véritable prouesse technologique car elle permet de brûler à la fois un matériau dense, le charbon, et une fibre légère, la bagasse. Avec à la clef, un rendement global meilleur », confirme Philippe Rondeau - responsable des études et projets sur le développement durable de Tereos Océan Indien. D’où la mise en service de la première centrale thermique à La Réunion avec le groupe Charbonnage de France, aujourd’hui Séchilienne-Sidec, puis de la seconde installation, au Gol, trois ans plus tard, en 1995.
2009 : c’est la reconnaissance officielle de la bagasse en qualité de biomasse. « La Réunion est précurseur puisqu’elle s’était inscrite, cinq ans avant le protocole de Kyoto, dans la lutte contre le réchauffement climatique avec le recyclage de la bagasse pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. La bagasse devient biomasse ; c’est une sacrée avancée » pour l’ensemble de la filière environnementale, car « EDF achète plus cher le KWh. C’est donc une meilleure rentabilité et la valorisation du travail de l’ensemble des planteurs de l’île ».
Aujourd’hui, la bagasse permet la production de 277 GWh d’électricité, soit la consommation de 91 000 habitants environ et permet d’éviter l’importation de 138 000t de charbon. A la grande satisfaction du Syndicat du sucre (créé en 1908) qui poursuit inlassablement ses recherches afin de maximiser l’exploitation des biomasses.
Le centre de recherche eRcane, aidé dans ses actions par le Centre Technique Interprofessionnel de la Canne et du Sucre de La Réunion et Tereos, travaille sur la sélection de nouvelles variétés de cannes plus productives (en sucre et en fibres), et d’autres plus rustiques et compatibles avec les reliefs et différents climats de l’île, et poursuit ses travaux de recherche en matière d’utilisation des sous produits de la canne en matière énergétique, agronomique et technologique. La canne à sucre a ceci de particulier qu’elle offre mldes quantités de biomasse intéressantes à l’hectare ; l’idée mise en avant consiste à peu à peu substituer la canne aux sources d’énergie fossiles dans les champs. Jadis simple déchet, la bagasse n’a donc pas fini de faire parler d’elle…