La conférence environnementale aura constitué un rendez-vous raté pour l’économie circulaire. Si ce constat n'est pas une vraie surprise, c'est bel et bien une vraie déception ; dans la mesure où il semble que de nombreux intervenants majeurs dans les métiers du recyclage aient été tout simplement oubliés lors des débats, il ne pouvait guère en être autrement... La réaction de François-Michel Lambert, député et Président de l’Institut de l’économie circulaire, au discours de Jean-Marc Ayrault en clôture de la conférence environnementale, ne se fait pas attendre... Le Sénateur (UMP) de la Moselle et Président de Valeur Ecologie François Grosdidier n'est pas plus enthousiaste... Quant à Nicolas Hulot...
L'idée maîtresse mise en avant par les chantres de l'économie circulaire n'étant pas nécessairement de mettre en œuvre une boucle dite vertueuse (point de vertu dans cette affaire, en effet) mais bel et bien de fournir de la matière première de qualité, la moins cher possible, afin de maitriser les coûts de production ; l'éco-conception d'un certain nombre de produits devant favoriser les choses au moment de la déconstruction... Avec en sous-jacent des matières premières naturelles que nous devons importer... et qui pour certaines flirteraient avec la rareté annoncée...
La table ronde dédiée au sujet dans le cadre de la fameuse "Conférence environnementale", se devait d'être à la hauteur des attentes. A l'issue de ce moment, une question est sur de nombreuses lèvres : beaucoup de bruit pour pas grand chose?
Quelle déception ! Figurez-vous que cette conférence environnementale serait clairement un rendez-vous raté pour l’économie circulaire. La feuille de route était pourtant claire : le Gouvernement devait acter la fin de l’économie linéaire et donner le cap vers la transition en faveur d'un modèle circulaire à l’instar d’autres pays comme la Chine, le Japon, l’Allemagne ou encore les Pays Bas.
On s’attendait donc à l’incarnation de cette vision de la part du Premier ministre et du Président de la République et à l’annonce de mesures fortes, à minima l’élaboration d’une stratégie nationale avec la tenue d’états généraux de l’économie circulaire (une proposition d’ailleurs soutenue et relayée par une majorité des participants à cette table ronde, ndlr), déclare en substance, François-Michel Lambert. Un tantinet amère, le député EELV, vice-président de la commission du Développement durable à l'Assemblée nationale enfonce le clou davantage encore avec ces quelques mots bien sentis : « à force de gaspiller les matières premières, peut-être qu'à la fin du quinquennat de François Hollande, on commémorera ça le 14 juillet !». Le message n'a rien de subliminal, comme on peut le constater ...
« Je déplore que l’économie circulaire ait été limitée essentiellement à l’amélioration du recyclage des déchets et à une logique filière. La France reste donc encore sur un modèle linéaire où l’on ne fait que traiter les déchets, conséquences d’un système bientôt à bout de souffle.
La conférence de mise en œuvre prévue à la place des états généraux devra poser la question d’une loi cadre, de la programmation du changement de modèle et de la territorialisation de l’économie circulaire sans quoi nous resterons au niveau des déchets sans remettre en dynamique notre économie autour d’une approche de préservation des ressources ».
François Grosdidier n'est pas plus enthousiaste : « l’opposition aurait tort de critiquer la Conférence Environnementale, sous un angle exclusivement productiviste, dans le déni des problèmes sanitaires et environnementaux. Dans ce domaine comme dans les autres, François Hollande est critiquable par sa faiblesse et son incohérence.
Autant le Grenelle était un grand élan national, autant cette Conférence Environnementale parait un exercice thérapeutique interne à la majorité. Si l’éco-fiscalité est le plus puissant levier pour influencer les comportements dans une économie de marché, elle perd ici en efficacité par son caractère marginal (- 2 % sur la TVA), en acceptabilité après une hausse de tous les prélèvements, et en pédagogie par la confusion des dispositifs. Alors que l’écologie et sa soutenabilité économique, surtout dans un contexte de crise, exigent de la cohérence sur le long terme, François Hollande manœuvre en zig zag, par à-coup et "stop an go", sans aucune lisibilité ».
Réussite ou échec?, s'interroge Nicolas Hulot : la réponse est entre les mains du gouvernement. Il n'empêche que sa réaction a chaud risque de refroidir certaines relations politiques. Ainsi, lorsque le "patron" de la fondation du même nom prend la parole, pas d'ambiguïté possible : « lors du discours d'ouverture de la conférence environnementale, François Hollande a tracé la voie de la politique énergétique de la France. A l'inverse, les deux jours de travail se sont achevés par une intervention décevante du Premier Ministre, qui n’a pas acté de mesures fortes sur les autres champs de la transition écologique. Pour que cette seconde conférence environnementale ne soit pas un échec, il est indispensable que des arbitrages ambitieux soient actés ce lundi à l'occasion de la réunion interministérielle.
Les «premières orientations retenues» par Jean-Marc Ayrault dans son discours de clôture sont en très net recul par rapport aux nombreuses propositions innovantes discutées par les participants des cinq tables rondes.
Pas un mot sur de nouvelles modalités de soutien aux acteurs de l’économie circulaire et de l’éco-conception... Pas un mot sur les moyens d’assurer une nouvelle dynamique sur l’évolution des métiers et des compétences dans les territoires et avec les filières… A part la contribution énergie climat, pas un mot sur de futures évolutions de la fiscalité, par exemple sur les produits phytosanitaires ou les produits éco-conçus…Pas un mot sur des modalités nouvelles de déploiement de l’éducation à l’environnement et au développement durable… Et la liste est longue » .
Alors que se tient ce lundi après-midi une réunion interministérielle pour définir le contenu de la feuille de route gouvernementale qui sera diffusée dans quelques jours, ils sont nombreux à appeler le gouvernement à respecter le travail réalisé par les acteurs de la société au cours de ces deux jours et à rendre des arbitrages ambitieux. A mots à peine couverts, on fait comprendre qu'il est encore temps d’éviter que cette seconde conférence environnementale ne se solde par un échec. Pratiquera-t-on le " un tien vaut mieux que deux tu l' auras " ou bien le " rien ne sert de courir, il faut partir à point " ? Telle est la question...