Leclerc : après les sacs plastique, c'est la guerre au papier
Les supermarchés sont souvent montrés du doigt en raison de leur production astronomique de déchets. On a beaucoup communiqué sur les sacs de caisse (en omettant de raconter qu'on a honteusement profité de l'opération pour éliminer les sacs plastiques made in France, au bénéfice du cabas made in China). Et puis, il y a les prospectus généreusement bourrés dans nos boîtes aux lettres. Même si la majorité des Français assure lire ces documents, c'est plus de 40 kg de papiers qui atterrissent de la sorte dans chaque foyer, soit environ 18 milliards d'exemplaires. Les magasins Leclerc visent l'objectif "zéro papier" d'ici à 2020 en envoyant peu à peu leur pub via internet et autres téléphones mobiles. Tants pis pour ceux qui ne seront pas branchés...
Le distributeur prône la suppression des prospectus et catalogues en version papier d'ici 2020, en transférant ces moyens de communication essentiels vers internet et les smartphones. Le patron, Michel-Edouard Leclerc, souhaite s'attaquer à "une pollution emblématique" avec "l'objectif zéro prospectus dans dix ans". Coup de pub? Ou pas? Il est clair que l'intérêt commercial de ces prospectus a été prouvé (vous me direz, si c'était inutile, on ne se ferait pas suer à les imprimer et les distribuer). Selon une étude de TNS Sofres, réalisée en 2009, 92% des personnes qui les ont en main, lisent ces prospectus. Cependant, même si ces derniers sont souvent jetés dans la poubelle (pour les papiers), ou servent pour allumer le feu dans la cheminée, beaucoup moisissent pendant des mois chez les particuliers.
Alors pourquoi tant d'empressement chez Leclerc? Parce que l'idée de préserver les forêts gagne du terrain? Peut-être. Sauf que ce n'est pas une bonne raison puisque le bois provient de forêts dédiées et entretenues pour cela. Parce qu'un grand nombre de Français se disent harcelés par ces prospectus : 77% se plaignent d'en recevoir trop (Cf. une étude Ifop conduite en mars 2009). Avec à la clé, une petite bataille dans le genre on les aime, on les lit mais mais on n'en veut pas trop... Quoiqu'il en soit, chaque foyer reçoit en moyenne 40 kg de ces prospectus à domicile.
Et si la vraie raison, c'était de gagner de l'argent? On y avait presque pas pensé... L'économie représenterait 0,3% du chiffre d'affaires (selon la direction) à partir du moment où plus aucun prospectus ne sera imprimé. Cela étant, l'équation est loin d'être aussi simple : le prospectus c'est "le numéro un dans la promotion des ventes". Selon Alain Ginberteau, le PDG de A3 Distrib, si on les supprime pendant une semaine, on observe 12% de trafic en moins dans le magasin. C'est bien pour cela que les distributeurs publient chaque année 50 000 tonnes de prospectus.
Leclerc ne semble pas craindre la baisse d'activités : l'entreprise a un plan. Sur le plan marketing, il n'y a rien de révolutionnaire à vouloir communiquer par internet, beaucoup l'ont fait avant le distributeur. Leclerc compte donc transférer tout ce qui est actuellement sur papier (prospectus et catalogues) sur Internet et les Smartphones. Le client qui ne voudra plus recevoir de pubs chez lui pourra retirer un autocollant "zéro prospectus" et le coller sur sa boîte aux lettres afin de signaler au distributeur son engagement. La pub lui sera envoyée via les voies électroniques. Michel-Edouard estime que dans dix ans, toute la population sera équipée de ces téléphones connectés au réseau, avec un manque à gagner largement compensé. Il faut dire que Auchan, concurrent de Leclerc, a lancé au début du mois d'octobre une application iPhone pour consulter les promotions et les catalogues en ligne...
Et l'on s'abrite, une fois encore derrière l'attrait environnemental, lequel est mis à toutes les sauces. Cela fait bien de dire que ces gestes sont bons pour l'environnement. Dans le cas qui nous occupe, Leclerc peut se targuer de réduire son gaspillage de papier. Mais soyons clair : cette politique sert d'abord des intérêts économiques spécifiques à l'entreprise. En effet, ces nouvelles techniques de marketing devraient permettre de mieux cibler les attentes de chaque consommateur, au lieu d'inonder tous les citoyens avec la même publicité. On se rappelle qu'en 1996, le distributeur avait déjà supprimé la distribution gratuite de sacs plastiques en caisse, les remplaçant par des sacs payants. Il s'agissait à n'en point douter, d'une belle initiative, qui depuis lors a été suivie par d'autres enseignes. Sauf que personne ne s'est demandé ce que devenaient les PME françaises (et accessoirement leurs salariés) fabricant ces sacs plastique. Parce qu'on a profité de cette opération environnementale pour faire venir les sacs et cabas de Chine. Et là, aucun prospectus pour afficher la couleur : non seulement les sacs sont moins cher (et pas seulement chez Leclerc) mais en plus, on vous les facture... Que ne ferait-on pas au nom et pour le compte de l'environnement? Je vous le demande!!!