Le Trichoderma carbure pour les biocarburants
Le champignon Trichoderma reesei dégrade de manière optimale les végétaux en sucres simples, composants de base de l'éthanol. Son génome vient d'être décrypté par des chercheurs du laboratoire Architecture et fonction des macromolécules biologiques (CNRS/Universités de la Méditerranée et de Provence), en collaboration avec une équipe américaine. Leurs résultats montrent que seul un petit nombre de gènes est responsable de l'activité enzymatique du champignon. Ils offrent de nouvelles perspectives pour la fabrication de biocarburants de deuxième génération, à partir de débris végétaux...
Le champignon filamenteux Trichoderma reesei a été découvert pendant la 2ème guerre mondiale dans le Pacifique Sud, où il était responsable de la dégradation des équipements de l'armée américaine : aucune toile de coton ne lui résistait. Son secret ? Il possède une batterie d'enzymes, des cellulases, aux propriétés catalytiques très performantes pour dégrader les végétaux. Il est considéré dans le monde entier comme le champignon de référence pour transformer la cellulose de la paroi végétale en sucres simples (saccharification), dont il se nourrit.
Après fermentation, les sucres simples peuvent être facilement transformés en biocarburants, comme l'éthanol. Les agrocarburants de première génération, élaborés à partir des céréales ou de la betterave sucrière, ont montré leurs limites. Les biocarburants de deuxième génération, issus de déchets de la sylviculture et de l'agriculture (déchets d'arbres, rafle de maïs, paille de blé, etc.), ne présentent pas les mêmes contraintes : ils sont complémentaires des activités agricoles déjà établies, présentent un meilleur bilan CO2 et n'interférent pas avec la filière agro-alimentaire. Pour les produire, les industriels cherchent à développer des souches de champignons capables de produire un cocktail complet de cellulases et hemicellulases à plus de 50 g/l. Trichoderma reesei est l'organisme de choix pour la majorité des projets dans ce domaine.
L'équipe de glycogénomique dirigée par Bernard Henrissat, au laboratoire Architecture et fonction des macromolécules biologiques (CNRS/Universités de la Méditerranée et de Provence) est spécialisée dans l'étude des enzymes de dégradation des sucres. Afin de percer les mystères de l'incroyable activité enzymatique de Trichoderma reesei, ils ont analysé son génome. Contre toute attente, leurs travaux révèlent qu'il ne possède qu'un nombre très faible de gènes codant pour des cellulases (hemicellulases et pectinases), bien moindre que ce qui est trouvé habituellement chez les champignons capables de dégrader la paroi des plantes. De plus, il est privé ou possède en très faible quantité de nombreuses activités enzymatiques permettant habituellement la digestion de composants particuliers de la paroi.
D'abord interprétés comme une mauvaise nouvelle, les limitations de cet organisme modèle sont finalement une aubaine. Son cocktail enzymatique se prêtant facilement à de nombreuses améliorations génétiques, les scientifiques vont chercher quelles enzymes pourront être ajoutées au patrimoine génétique du champignon en vue d'une saccharification plus efficace pour produire du bioéthanol.