Le service public des déchets se sentirait en danger
Le modèle des éco-organismes à la française, « société anonyme sans but lucratif d’intérêt général, pilotée par les seuls metteurs sur le marché et bénéficiant généralement d’une situation de monopole» est-il le bon ? Comment renforcer fondamentalement la régulation de ces filières ? Un autre modèle de gouvernance, davantage partagé est il possible?
Si l'association est accroc au principe de la REP, il coule de source pour elle que ces questions sont cruciales pour l’avenir des filières concernées ce qui signidie qu'elles méritent désormais un travail en profondeur sous peine de mettre en danger à moyen terme le service public de gestion des déchets, et plus globalement, les missions d’intérêt général, sanitaires et environnementales, qui s’y rattachent.
C’est ce qui a justifié un courrier adressé à la Ministre de l’Ecologie pour lui demander en urgence :
« De faire respecter de manière beaucoup plus stricte les cahiers des charges d’agrément des éco-organismes, et de sanctionner lourdement toute initiative unilatérale et non conforme à son cahier des charges d’un éco organisme ainsi qu’aux engagements contractuels pris avec les collectivités territoriales en charge du service public.
De remettre en place une concertation représentative et équilibrée assurant aux collectivités leur juste place, empêchant toute décision unilatérale des éco-organismes et favorisant la co-décision entre éco-organismes et représentants des collectivités locales.
D’étudier les conditions et les conséquences d’une réforme en profondeur des dispositifs de REP à la française, 23 ans après sa première mise en place.
Dans l’attente, Amorce et certains de ces adhérents étudient actuellement les modalités de recours idoines auprès des instances juridictionnelles françaises et européennes au regard de certaines dérives actuelles ».
Afin de renforcer le propos, l’association évoque et développe plusieurs cas d’espèces, récents, illustrant quelques uns des soucis rencontrées par les collectivités auprès de certains éco-organismes :
Ainsi, le collectivités locales déplorent la complexité de la mise en œuvre de certaines procédures. Evoquant le cas d’Eco-DDS, dédié à la récupération des déchets diffus spécifiques, Amorce relève que dès la mise en place « de cette filière sur les déchèteries du territoire, l’extrême complexité des consignes de tri imposées par l’agrément a généré des difficultés en matière d’organisation ». Il semblerait en effet que les agents de déchèterie n’arrivent pas à distinguer facilement les déchets du périmètre pris en charge par Eco-DDS. Et de faire remarquer que « lors de la phase de montée en puissance du dispositif sur le réseau de déchèteries, Eco-DDS a entamé de façon peu transparente des campagnes de caractérisation entraînant des « non conformités » avec ses propres méthodes d’analyse et d’échantillonnage. Suite à ces non-conformités, l’éco-organisme a suspendu unilatéralement la collecte des déchets diffus spécifiques sur un nombre important de déchèteries, au lieu d’instaurer un dialogue constructif avec les collectivités locales, mises devant le fait accompli ».
L’éco-organisme aurait même préféré « se désengager des responsabilités de son agrément », tout en ayant, semble-t-il, oublié que « ses activités s’inscrivent dans une démarche d’intérêt général et en appui du service public de gestion des déchets selon son cahier des charges ».
A la suite de quoi, l’association prend en référence le cas d’Eco-mobilier, dédié aux déchets d’ameublement : après un an seulement de fonctionnement, l’éco-organisme viendrait de modifier le contrat type le liant avec les collectivités locales. Selon Amorce, en effet, « après une campagne de caractérisations menée par Eco-Mobilier en 2014 sur près de 250 déchèteries et sur 24 collectes en porte à porte, l’éco-organisme a modifié à la baisse, le taux de présence des déchets d’ameublement dans les flux encombrants, une décision qui n’est pas sans conséquence : les soutiens aux collectivités sont moins élevés que prévus initialement, avec de surcroît un effet rétroactif pour le 2ème semestre 2014 ». Si l’évolution du taux de présence des déchets d’ameublement est légitime, « il est inacceptable que cette modification s’applique de manière rétroactive sur le second semestre 2014. De plus, cette modification devrait se faire dans le cadre contractuel liant les collectivités locales et l’éco-organisme, à travers un avenant au contrat ».
Dernier cas de figure évoqué par Amorce, celui d’Eco-Emballages. Ce n’est pas la première fois qu’un « léger différend » sépare les deux structures, aussi, on ne sera pas outre mesure surpris. Il se trouve que cela fait plus « de 3 ans » qu’Amorce conteste « le calcul des soutiens d’Eco Emballages très défavorable aux collectivités territoriales qui assument encore près de 50% des coûts réels de collecte et de traitement des déchets d’emballages en France » (soit près de 600 millions d’euros encore payés par les contribuables).
Le recours déposé par Amorce auprès du Tribunal Administratif de Paris a été rejeté sur la forme le 6 février dernier en raison de sa portée normative pour l’éco organisme. « Le Tribunal n’a donc pas jugé sur le fond la juste application du principe de prise en charge à 80% des couts édicté dans la loi Grenelle », défendu par Amorce depuis le début des négociations (voir notre dépêche)