Le recyclage, fournisseur de matières incontournables
Les matières premières constituent désormais, selon de nombreux spécialistes, des sortes de denrées rares, du moins en cours d’épuisement, ce qui en renchérit les prix d’autant que les besoins sont colossaux. Les déchets quant à eux, explosent de partout. Mais c’est sans compter le génie de ceux qui savent les recycler et les réinjecter dans des process industriels. On a parlé il y a quelques années de cela, de matières premières secondaires, c’est à dire issues du recyclage. Mais comment les dénommer aujourd’hui, dès lors qu’elles sont devenues prépondérantes en terme de quantités, de proportions ?...
« Matières premières » ? Certes Non, rétorquent les puristes.
« Matières premières secondaires » ? Encore Non, affirment ceux qui savent qu’elles sont primordiales.
« Matières recyclées » ??? Non, Non et Non assurent les industriels.
Qu’importe après tout, puisqu’elles sont devenues incontournables.
Une chose est sûre : ce sont des matières premières qui ne sont pas tout à fait nouvelles… car le recyclage existe bel et bien depuis plusieurs milliers d’années.
Pour parler de la nécessité de recycler, de l’impérieux besoin de se faire reconnaître comme acteur économique à part entière et non à demi mot, nous avons rencontré Pascal Sécula président de Federec qui nous explique pourquoi la profession compte bientôt s’exposer…
Nouvelles matières premières… Vous avez dit « Premières » ?
Oui… mais non. Majoritaires mais non primaires, elles dominent en effet, largement dans ce qu’il est convenu d’appeler l’approvisionnement des industries, de nombreux process et ce, un peu partout dans le monde pour produire de l’acier, du papier, du carton, du verre…
Pour preuve : le marché du recyclage, secteur en plein développement, est estimé à plus de 100 milliards d’euros pour plus de 700 millions de tonnes de matières recyclées échangées par an dans le monde (parmi lesquelles un pourcentage importante de métaux, de ferrailles et de papiers recyclés). L’intégralité des quantités proposées est absorbée par l’industrie de tel ou tel secteur, dans tel ou tel pays. Nous pratiquons aussi bien le marché de proximité que la grande exportation, avec partout, une demande croissante, voire exponentielle et des exigences de qualité auxquelles nous savons répondre.
Au fil des années, notre métier a en effet anticipé et intégré dans ses actions les grandes mutations de l’économie, comme la mondialisation de la demande de matières premières et la préservation de l’énergie et des ressources.
Son expertise lui vaut d’être aujourd’hui reconnu et consulté (pas assez, mais cela viendra) dans toutes les questions ayant trait à la gestion et à la circulation des matières dites de « récupération » et à la préservation de l’environnement.
Poursuivant les mêmes objectifs qui ont été à la base de son développement, notre fédération professionnelle continue à œuvrer activement au plan national, européen et international pour le développement et la lisibilité de l’industrie du recyclage et de la récupération, activité vieille de plusieurs milliers d’années, faut-il le rappeler ?
Partenaire incontournable pour les acteurs de l’industrie et du commerce modernes, mais aussi pour le grand public, je dirai que notre métier doit s’attacher maintenant à montrer ses apports à la préservation des ressources naturelles et de l’énergie, et annoncer de nouvelles initiatives destinées à améliorer la lisibilité de ses activités.
Quels sont les grands chantiers en cours ?
Fidèles aux principes de libre circulation de la matière et de respect de l’environnement et des ressources, les recycleurs continuent à oeuvrer activement pour le développement de ce secteur, car, comme le dit le professeur Philippe Chalmin (CyclOpe) « le recyclage sera l’une des principales industries et l’une des principales activités du 21ème siècle ».
Plate-forme internationale pour les industriels, le recyclage s’adapte sans cesse à la nouvelle donne de la mondialisation galopante, tant en termes de législation que d’émergence de nouveaux marchés et de réglementation environnementale.
D’où la nécessité de clarifier certains points essentiels, ne serait-ce que pour rester cohérent : nous sommes l’un des piliers de l’économie mais ne sommes juridiquement que des vendeurs de déchets ou quelque chose d’approchant. En toute logique, vous admettrez que ça ne l’est pas.
Aussi nous avons trois « chantiers » à mener à bien :
La définition claire des matières premières dites « secondaires » ou recyclées : les décideurs et législateurs internationaux ont accepté de réglementer différemment les déchets destinés à être éliminés et les déchets destinés à la valorisation. Aujourd’hui le monde des recycleurs s’attache à définir clairement que ces matières premières « secondaires » - récupérées, préparées et traitées avant d’être transformées en produit – ne sont plus assimilables aux déchets et ne doivent donc pas souffrir de limitations de libre circulation internationale.
Aider à l’élaboration des législations environnementales, dont la mission est de participer activement à l’élaboration des directives internationales susceptibles d'avoir des répercussions sur l'industrie du recyclage. Dans cette logique, et pour s’imposer sur les marchés, la solution passe par une reconnaissance de la qualité des matières issues du recyclage. Pour cela, deux leviers doivent être mis en oeuvre.
La normalisation de nos matières qui, via la définition de critères de qualité clairement définis, de normes de conditionnement identifiées, de procédés de transformation satisfaisant les exigences réglementaires, ne laissera pas de place ni aux a priori, ni aux défauts et abus
La multiplication et le renforcement des démarches qualité, et notamment l’obtention de tous les labels et certifications attestant de la justesse des procédures, de la maîtrise des techniques et de la rigueur des contrôles.
Favoriser les échanges (grandissants) avec les pays émergents. Après l’Europe orientale et la Chine, l’Inde et le Brésil, le recyclage est fidèle à son positionnement d’acteur « sans frontières » et intensifie sa collaboration avec les pays du sud-est asiatique qui, depuis plus de cinq ans, affolent l’ensemble du monde industriel par leur gigantesque demande de matières premières. Engagées dans un souci de transparence optimisée mise au service d’une meilleure traçabilité, les démarches que j’ai évoquées et qui sont tout à fait nécessaire à la crédibilité du métier, ne doivent cependant pas conduire au renoncement à une éthique commerciale, qui a, depuis toujours, protégé la confidentialité des négociations menées et accords passés et qui se veut la base d‘échanges inscrits dans une dynamique de progrès partagés.
Quels sont, selon vous, les atouts de ce métier millénaire ?
Ils sont nombreux : nous œuvrons dans un secteur historiquement dynamique en termes d’innovation technologique, car sans cesse confronté à la nécessité d’adapter sa technologie pour la reconnaissance, le tri et la transformation des déchets issus de nouvelles matières.
Je rappellerai brièvement que dès la deuxième moitié du 19ème et le début du 20ème, l’augmentation de la demande de matières premières recyclées pousse le secteur à rechercher des systèmes de production à plus large échelle :
les hauts fourneaux et le four à arc électrique de Siemens apparaissent
l’acier se généralise à partir de 1855 par l’invention d’un procédé de fabrication à partir de ferraille, encore utilisé au début des années 1970.
Au 20ème siècle, l’augmentation de la demande en ressources et les difficultés d’approvisionnement favorisent l’innovation technologique pour un traitement des matériaux plus simple et rapide :
Le broyeur d’automobiles date de 1958 et a donné lieu à la naissance de géants américains, taiwanais et japonais.
Des grues spéciales, utilisant très peu d’énergie, sont mises au point pour la destruction des immeubles, le démantèlement des bateaux et la récupération des matières recyclables.
Les déconstructeurs automobiles apparaissent, trait d’union de tous les marchés du recyclage, car chargés de dépolluer la voiture.
Puis, la complexité des normes environnementales et la diversité des matériaux utilisés dans les objets à récupérer poussent l’industrie du recyclage à affiner encore davantage sa technologie de reconnaissance et traitement des matières. De nouveaux défis s’imposent aujourd’hui :
La réintégration rapide des produits obsolètes contenant du nickel dans le cycle de production via le recyclage : le cycle de vie des produits contenant acier inoxydable et nickel est de plusieurs dizaines d’années, et la demande pour ces matériaux croit régulièrement, ainsi que leur cours d’achat.
La séparation des plastiques composites dans le processus de recyclage : pour reconnaître et séparer chaque élément chimique afin d’améliorer le taux de recyclage via le traitement adapté.
Le développement des technologies de post broyage et du méga broyeur, pour retirer davantage de valeur des résidus de la ferraille et réduire les volumes mis en décharge.
Le traitement et les nouvelles applications des pneus usagés, qui possèdent une haute valeur calorifique et sont une bonne solution de remplacement des énergies fossiles (32% des pneus récupérés en Hollande sont destinés à la récupération d’énergie dans des fours à ciment).
En plus de leur utilisation dans les projets de protection du littoral contre l’érosion, les pneus déchiquetés et le caoutchouc émietté trouvent des applications dans l’industrie routière et ferroviaire et dans les revêtements de terrains sportifs. Ainsi, en Chine, sur plus de 9 millions de tonnes de pneus récupérés, 1,2 millions de tonnes servent à produire du caoutchouc, qui trouve son plus gros débouché dans la construction d’autoroutes.
Enfin, autre atout non négligeable, nous constituons un bassin d’emploi pour une main-d’oeuvre qui ne trouve plus de débouchés dans des usines de plus en plus automatisées ou délocalisées (1,5 millions d’emplois dans le monde). 2 400 entreprises en France, occupent 31 550 emplois (avec + 2% de création nette d’emplois chaque année depuis 5 ans) et « travaillent » 38,7 millions de tonnes de déchets pour en faire des matières recyclées et leur éviter l’incinération ou l’enfouissement.
Un salon, bientôt… Pour qui, pourquoi ?
Aujourd’hui le recyclage, par le biais de nos métiers, souhaite rendre encore plus lisibles ses apports au monde de l’industrie. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons choisi cette année d’exposer la profession dans le cadre d’un salon dédié à ses spécificités.
Vous avez bien compris que le secteur du recyclage a eu historiquement un rôle moteur dans le développement de nouvelles techniques et technologies de production industrielle, notamment en période de pénurie de matières premières et de ressources énergétiques.
Cette véritable industrie investit chaque année, au plan mondial, 20 milliards de dollars en recherche et développement, et poursuit inlassablement ses efforts en matière d’innovation, pour que chaque matière soit parfaitement reconnue, triée et qu’elle suive sa filière spécifique pour redevenir produit et participer comme il se doit à l’économie.
La France n’est pas en retard.
Il est bon que cela se sache.
Point de « seconde zone » dans tout cela mais une activité principale, primordiale, et essentielle qui mérite que l’on s’y arrête.
Nous avons donc organisé un salon qui se tiendra à Strasbourg (voir notre rubrique agenda et notre rubrique communiqué) les 25 et 26 juin prochain, exclusivement dédié à ces nouvelles matières premières, celles issues du recyclage. Avec des exposants, des conférences, des débats sans oublier la volonté de faire passer un certain nombre de messages forts : en assurant plus de 50% de l’approvisionnement en matières premières de l’industrie planétaire, les entreprises du recyclage s’imposent aujourd’hui comme le plus grand et le plus accessible gisement de ressources disponibles sur terre.
Ce salon, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, répond à un désir et à un besoin.
Désir des professionnels de présenter à des parlementaires européens des métiers dynamiques et porteurs d’intérêts économiques.
Besoin d’affirmer notre spécificité mais dont la place et le poids méritent d’être mieux appréciés.
Notre symposium sera, nous en sommes convaincus, l’occasion d’une rencontre inédite et de qualité, entre les membres de notre fédération professionnelle, les responsables de la gestion des déchets industriels et des déchets des collectivités, mais aussi des fabricants de matériels dédiés à la production de ces matières recyclées tant convoitées.