Le recyclage aurait-il du mal à se coller aux étiquettes ?

Le 11/12/2012 à 17:13  

Le recyclage aurait-il du mal à se coller aux étiquettes ?

Jules Lejeune De la rhétorique, à la réalité du recyclage de certains types de papiers… Qu’en est-il en vérité ? Jules Lejeune, directeur général de la FINAT, l'association européenne de l'industrie de l'étiquette autoadhésive, revient sur les réalisations passées et appelle à relever les défis restants… Dans un secteur dont la chaîne de valeur et le maître-produit sont tous deux complexes, il n'est pas étonnant que la mise sur pied d'un programme exhaustif d'activités métiers respectueuses de l'environnement prenne un certain temps. Cela étant dit, en sa qualité de directeur général de l'association de l'industrie de l'étiquette autoadhésive en Europe, Jules Lejeune a constaté, sur l'année écoulée, des avancées significatives qui produisent des résultats pratiques quantifiables. Il y voit la preuve que ce secteur a quitté le stade de la rhétorique, pour se lancer véritablement sur la voie du développement durable...

 Quel est le rôle joué par la FINAT ?
Elle joue un rôle moteur ; pour preuve, elle a assuré avec enthousiasme le rôle clé qui est le sien en fournissant à ses membres une source d'informations sur tous les aspects de la conformité environnementale, sous l'impulsion aujourd'hui de ses sous-comités spécialisés, concentrés sur le développement durable et le recyclage, ainsi que sur les questions techniques et méthodes d'essai, et les tendances sectorielles, et avec le soutien de la kyrielle de publications techniques et d'événements de l'association dans toute l'Europe. Elle est actuellement engagée dans des projets impliquant le recyclage des dorsaux antiadhésifs, aussi bien en papier qu'en film ; la récupération d'énergie à partir des déchets de matrices d'échenillage ; la recherche de solutions aux problèmes de contamination par les étiquettes autoadhésives des contenants thermoformés en PET ; et la définition des paramètres d'une technologie autoadhésive respectueuse de l'environnement.

logo FINATLe Tag & Label Manufacturers Institute (TLMI), l'association partenaire de la FINAT aux États-Unis, est également extrêmement. Son programme LIFE (Label Initiative for the Environment) propose un processus audité de certification de la durabilité environnementale des entreprises, taillé sur mesure pour le secteur de la transformation des étiquettes. Le TLMI a également partagé son attention pour les questions de développement durable entre des groupes de travail spécifiques, essentiellement concentrés sur les déchets de matrices d'échenillage et les dorsaux usagés (encore une fois, aussi bien film que papier). Le TLMI n'ayant à s'occuper que d'un seul pays, sa mission peut sembler plus simple que celle de la FINAT, qui doit conseiller ses membres dans environ 50 États souverains différents, mais les distances à couvrir pour collecter les déchets aux États-Unis lui compliquent la tâche. Selon le TLMI, environ 270 000 tonnes de déchets de matrices d'échenillage d'étiquettes sont actuellement générées en Amérique du Nord, et on en estime la part recyclée à 1 % seulement. Une mesure similaire n'est pas disponible pour l'Europe, mais je doute que le résultat soit plus glorieux.

Il est également juste de dire que l'accent mis sur le développement durable et le recyclage dans notre secteur d'activité est à présent mondial. La L9, Association mondiale de l'étiquette, s'est engagée à l'unanimité en faveur de la réduction de l'empreinte carbone dans tous les aspects de la chaîne d'approvisionnement du secteur de l'étiquetage autoadhésif, de la fabrication des matières premières jusqu'à l'application par l'utilisateur final et au recyclage des dorsaux usagés. L'Association, qui fédère des membres représentant l'Australie, le Brésil, la Chine, l'Inde, le Japon, le Mexique et la Nouvelle Zélande, en plus de la FINAT et du TLMI, assure une liaison active à la fois avec les marques et les principaux groupes de distribution, ainsi qu'avec le secteur public, en vue de mettre l'industrie de l'étiquette autoadhésive sur les rails du développement durable. Elle montre, par son exemple exaltant, comment des objectifs globaux peuvent être poursuivis et concrétisés à un niveau régional et local.

 Il semblerait que l’éventail des opportunités s’élargisse…
Toutes les associations du secteur de l'étiquette s'emploient évidemment à identifier, examiner et recommander à leurs membres des utilisations potentielles des matrices d'échenillage et des dorsaux usagés, du recyclage en circuit fermé jusque, par exemple, la production de pellets de combustibles ou de combustibles retraités, ou la transformation des déchets en énergie.

Et bien sûr, comme dans toutes les activités responsables, la voie qui mène au succès commence par l'adoption de pratiques de fabrication au plus juste et l'allègement de l'empreinte carbone. Les sociétés membres de la FINAT (y compris les transformateurs d'étiquettes, les fournisseurs de matières premières, les constructeurs de presses et d'équipements auxiliaires et les fabricants des complexes autoadhésifs) sont déjà des spécialistes en la matière. Des progrès en termes de diminution des temps de réglage et de réduction des déchets ont déjà été réalisés à tous les maillons de la chaîne, et les avancées technologiques accomplies ont généré des économies d'énergie considérables, notamment au niveau du séchage, à la fois du complexe en cours de fabrication et des encres sur la presse. Les progrès du numérique ont aussi contribué à la rationalisation des activités prépresse et de l'impression des étiquettes, l'une et l'autre créant une plate-forme de fabrication extrêmement flexible, qui permet même de regrouper un grand nombre de courts tirages d'étiquettes sur le même support, pour une efficacité optimale en termes de consommation de matières, de temps et d'énergie. Certains pays européens, l'Allemagne en tête, offrent une assistance financière pratique à la recherche d'avancées technologiques en matière de développement durable. De plus, de grands fabricants de complexes d'étiquettes autoadhésives proposent aussi un service de collecte des déchets auprès des transformateurs.

Lors de notre récent Congrès FINAT, une « table ronde » a réuni un panel de transformateurs d'étiquettes venus des deux côtés de l'Atlantique. Ils ont confirmé, et démontré, leur engagement à saisir la moindre opportunité de diminuer le déchet, de gagner du temps et de réduire les coûts, pour le plus grand bien de l'environnement et la bonne santé de leur propre entreprise. En fait, les étiquettes autoadhésives ont fait leur première apparition physique dans le secteur au niveau des transformateurs, pour ensuite passer du côté des marques et des emballeurs qui les appliquent. Alors que le dorsal joue son rôle en assurant une application précise, souple et rapide dans les installations de l'emballeur, les déchets de matrices restent chez le transformateur, en attente d'une solution qui ne passe pas par la mise en décharge.

 Vous êtes des adeptes du « Non à la décharge »…
recyclageL'un des principaux défis de la FINAT est d'aider les transformateurs de toute l'Europe à faire un usage écoresponsable de leurs déchets de matrices d'échenillage. La transformation des déchets en énergie évoquée précédemment constitue une option. Par ailleurs, les matrices d'échenillage peuvent aujourd'hui être recyclées en produits composites bois plastique.

La FINAT se voit toutefois plutôt jouer un rôle de facilitateur dans la création, pour les dorsaux usagés, d'une « chaîne de contrôle » impliquant l'utilisateur final. Pour les utilisateurs finals qui choisissent d'en tirer parti, un retour financier est disponible auprès des recycleurs industriels pour les dorsaux en film PET et PP. Les dorsaux en papier siliconé demandent quant à eux un traitement plus spécialisé. L'Allemagne a ouvert la voie en la matière. La VskE, l'association allemande du secteur de l'étiquette, a promu activement les services d'un spécialiste du recyclage, la papeterie autrichienne Lenzing, qui travaille avec le facilitateur indépendant Cycle4green (C4G). Ensemble, ils bouclent activement la boucle entre le transformateur, l'utilisateur final et le recycleur. Un système régulier de collecte a été mis en place pour les dorsaux usagés en sortie des lignes d'emballage des utilisateurs finals identifiés par les transformateurs, ainsi que chez toute entité disposée à participer au programme. C4G gère la logistique (la collecte et la livraison des recyclables), et entretient des contacts au quotidien avec les transformateurs et leurs « clients », les marques.
De grands fabricants de papiers pour dorsaux ont aussi mis sur pied de leur côté deux importantes initiatives de collecte des déchets en Europe centrale. UPM propose un système en circuit fermé pour le recyclage des dorsaux dans sa production papetière. Les dorsaux papier sont désiliconés à l'usine UPM de Plattling, en Allemagne, pour être réutilisés comme matière première de différentes qualités de papier. Cette initiative est ouverte à l'ensemble de la chaîne de valeur de l'étiquette, dans toute l'Europe, quelles qu'en soient l'origine ou la couleur. Des solutions sur mesure de collecte et de logistique des dorsaux usagés sont proposées, parallèlement au programme de gestion des déchets d'étiquettes de l'entreprise.

Plus récemment, Ahlstrom a annoncé son intention de collecter les vieux dorsaux en papier cristal (kraft supercalandré), pour les recycler dans la fabrication des papiers spéciaux produits dans son usine d'Osnabrück, en Allemagne. Les partenaires logistiques d'Ahlstrom vont les récupérer sans frais auprès des marques ou des imprimeurs, pour autant qu'une quantité minimale de collecte soit atteinte. Le programme sera opérationnel en Allemagne, en Belgique, au Luxembourg et aux Pays-Bas.

Un système parallèle est en phase de démarrage en Suisse, où trois éminents imprimeurs d'étiquettes ont balisé un « itinéraire de ramassage » desservant leurs clients des zonings industriels du pays. La collecte des dorsaux usagés est assurée par le partenaire logistique C4G en vue d'un recyclage chez Lenzing. Le programme sera étendu en temps voulu aux imprimeurs plus petits et à leurs clients en Allemagne.
Ces pistes pourraient apparaître comme la meilleure réponse au besoin de récupérer les précieux dorsaux en papier usagés pour les injecter dans la fabrication de papiers neufs : un véritable recyclage en circuit fermé. Reste à relever le défi important qui va consister à transformer une opportunité en une filière largement adoptée commercialement viable, permettant d'atteindre des volumes de dorsaux usagés suffisants pour faire fonctionner les systèmes des papeteries de manière rentable et réduire la mise en décharge. Pour donner une idée, le secteur de l'étiquette contribue jusqu'ici pour moins de 10 % au volume annuel de déchets papetiers absorbés par l'usine de Lenzing.

Longue est la route vers le succès !...
étiquettes autoadhésivesC'est là, par conséquent, que le secteur de l'étiquette autoadhésive a besoin de l'aide des utilisateurs finals, c'est-à-dire des marques et emballeurs qui emploient ses produits d'étiquetage. La difficulté pour mettre sur pied un système de collecte des dorsaux est d'atteindre les bonnes personnes. D'abord, le transformateur ou son représentant doit emporter l'adhésion du responsable du développement durable chez l'utilisateur final, souvent un membre du comité de direction très éloigné de l'endroit où se trouve la chaîne d'emballage desservi par le transformateur. Cela fait, les responsables des achats et les chefs "emballages" doivent être convaincus qu'ils peuvent attendre des améliorations environnementales et des économies de coûts en adhérant à un processus de collecte des déchets d'étiquettes, lequel implique des quantités moindre que, par exemple, pour le carton ou les films plastiques. Enfin, le directeur du site doit être contacté ; il est la personne avec laquelle organiser la préparation des dorsaux usagés et établir le calendrier de collecte. Ce cycle d'affirmation peut prendre des semaines, voire des mois.

Si vous aviez encore un message à faire passer…
On dénombre, je crois, quelque 8 000 clients utilisateurs finals de transformateurs d'étiquettes autoadhésives, rien qu'en Europe. Tous peuvent contribuer pour améliorer, non seulement leur propre palmarès en matière de développement durable, mais aussi celui du secteur de l'étiquette autoadhésive. Dans ce processus, la collecte et le recyclage des dorsaux peuvent donner vie à de nouveaux précieux produits à base de papier. Au nom des 3 000 et quelques transformateurs d'étiquettes autoadhésives européens, j'en appelle aux marques (tout spécialement celles actives dans les segments de marché à grand volume, comme l'alimentation, les boissons et les soins du corps), afin qu'elles facilitent la mise en place de filières de collecte des dorsaux usagés. La FINAT est là pour aider à identifier les pistes locales disponibles qui répondent aux besoins individuels des entreprises sans créer davantage de difficulté ou de complexité. Alors que les prix des matières premières continuent de grimper et que les ressources naturelles diminuent, une réelle opportunité se présente de contribuer à la durabilité environnementale d'une technologie à la pointe de la décoration des produits.