L'Ademe commente les pics de pollution de l'incinérateur à lit fluidisé de Gien

Le 09/06/2005 à 20:00  

L'Ademe commente les pics de pollution de l'incinérateur à lit fluidisé de Gien

UIOM de Gien copyright Tiru L'arrêté du 20 septembre 2002 qui traduit en droit français la directive européenne du 4 décembre 2000 impose à toutes les installations existantes d'incinération et de co-incinération la valeur limite de 0,1ng/Nm3 d'émissions de dioxines à compter du 28 décembre 2005. Lors des pics de pollution de la ligne 1 et de la ligne 2 de l'UIOM de Gien les 18 et 19 janvier 2005, on a atteint respectivement 30,8ng/Nm3 et 680 ng/Nm3 . De quoi à s'interroger sur notre capacité à respecter la réglementation européenne ?

Il ya encore quelques jours, le MEDD lançait un rappel à l'ordre sur la conformité des UIOM (voir notre rédactionnel) . A cette occasion, on constatait les mauvais résultats des mesures de dioxines et furanes à l'émission des UIOM pour 2004: le flux total calculé pour l'année dernière est de 170g, alors qu'il était de 100g en 2003 . Principale explication, les dysfonctionnements de l'unité à lit fluidisé de Gien.

C'est au tour de l'Ademe d'apporter ses explications et commentaires sur ces incidents, la technologie du lit fluidisé, et ses recommandations à l'égard des exploitants...

Premiers commentaires de l'Ademe sur les dysfonctionnements de l'UIOM de Gien

Le dépassement des valeurs limites d’émissions de plusieurs polluants atmosphériques (CO, HCl et dioxines) a conduit à l’arrêt de la ligne 2 de l’unité depuis le 24 janvier 2005 et à différents arrêts techniques de la ligne 1, notamment en avril 2005.

Les résultats du programme de surveillance

Les résultats du programme de surveillance des émissions atmosphériques ont fait apparaître en janvier 2005 un pic de pollution significative sur certains polluants avec les valeurs suivantes :

sur la ligne 2, le 19 janvier 2005 :

CO : 1874,9 mg/Nm3, la valeur limite étant de 50 mg/Nm3 fixée dans l’arrêté du 15/12/1995

Dioxines : 680 ng/Nm3 de fumées, la valeur limite d’émission étant de 0,1 ng/Nm3 fixée dans l’arrêté du 20/09/2002 qui deviendra obligatoire le 28/12/2005. Le rapport d’analyses montre que les dioxines sont majoritairement émises sous forme gazeuse et minoritairement sous forme particulaire.

sur la ligne 1, le 18 janvier 2005

CO : 178,8 mg/Nm3, la valeur limite étant de 50 mg/Nm3 fixée dans l’arrêté du 15/12/1995

HCl : 112,4 mg/Nm3, la valeur limite étant de 10 mg/Nm3 fixée dans l’arrêté du 15/12/1995

Dioxines : 30,8 ng/Nm3 de fumées, la valeur limite d’émission étant de 0,1 ng/Nm3 fixée dans l’arrêté du 20/09/2002 qui deviendra obligatoire le 28/12/2005

Les résultats des analyses des retombées de dioxines et métaux lourds sur 8 points de contrôle autour de l’installation entre février et mars 2005 ne font pas apparaître de variation significative par rapport aux valeurs mesurées avant le pic de pollution, proches du bruit de fond.

"Les résultats disponibles de mesures des dioxines dans le lait d’élevage sont tous inférieurs à 3 pg TEQ/g MG qui est le seuil de retrait fixé par la Commission européenne. Les résultats des analyses réalisées en mars 2005, sont comparables au bruit de fond pour 4 prélèvements, proches de 1 pg I-TEQ/g MG (valeur cible) pour 1 prélèvement et compris entre 2 (valeur d’intervention) et 3 pg I-TEQ/g MG pour 1 prélèvement."

L’intervention consistant à arrêter la source d’émission de dioxines a été réalisée le 24 janvier 2005 avec l’arrêt de la ligne 2 de l’unité. Cette ligne 2 a ensuite fait l’objet de travaux et un redémarrage de cette ligne, pour essais exclusivement, a eu lieu en mars 2005. Les résultats des analyses de polluants atmosphériques à l’émission en CO, HCl et dioxines montrent que les concentrations sont revenues à un niveau proche des valeurs limites réglementaires. L’exploitant ne peut envisager de redémarrer la ligne 2 de l’unité qu’après autorisation de la DRIRE et devra en particulier démontrer sa capacité à respecter les valeurs limites d’émissions prévues dans les arrêtés d’exploiter.

Les arrêts techniques réalisés sur la ligne 1 ont permis de réaliser des travaux et les résultats des analyses réalisées montrent que les concentrations sont revenues à un niveau proche des valeurs limites réglementaires.

Les techniques de combustion en lit fluidisé

La combustion en lit fluidisé est une technique éprouvée sur le charbon ou sur certains déchets homogènes (boues de station d’épuration, farines). Son application au traitement des ordures ménagères est encore récente. En France, on compte 4 unités dont la construction a débuté entre 1995 et 1997, selon deux technologies : four à lit fluidisé rotatif ABT/Lurgi (Gien-45 et Mulhouse-68) et four à lit fluidisé dense TMC (Guerville-78 et Monthyon-77). Ces unités ont fait l’objet d’un accompagnement technique et financier de l’ADEME, qui a réalisé en 2002 un premier bilan des unités de traitement thermique à lits fluidisés. Ce bilan a mis en évidence d’une part des rejets atmosphériques comparables entre incinérateurs à lit fluidisé et les technologies éprouvées et d’autre l’existence de certains dysfonctionnements techniques limitant la disponibilité des installations.

Les résultats disponibles des programmes de surveillance des émissions atmosphériques des unités de Mulhouse, Guerville et Monthyon ne révèlent aucun incident comparable à celui rencontré à Gien.

Premiers commentaires

L’ADEME constate un très grand écart entre les concentrations très élevées en dioxines mesurées à la cheminée lors du pic d'émissions observé sur l'usine de Gien et les valeurs qui restent relativement proches du « bruit de fond » dans l’environnement immédiat de l’unité. Cet écart s’explique vraisemblablement par le fait que les dioxines, qui sont majoritairement émises sous forme gazeuse et non particulaire à la cheminée, ne vont pas retomber dans l’environnement immédiat de l’unité mais au contraire se disperser dans l’atmosphère et participer à la pollution atmosphérique globale.

Pour l’ADEME, le problème rencontré par l’unité de Gien relève d'un incident lié à une application technologique nouvelle mais ne remet pas en cause les technologies éprouvées de combustion utilisées pour l’incinération des déchets ménagers tant pour les installations existantes qu’en projet. Elle met cependant en évidence pour tous les incinérateurs aujourd’hui en fonctionnement, quelle que soit leur technologie de combustion, la nécessité de suivre non seulement les émissions de polluants à la cheminée de l’installation mais aussi leur impact réel sur l’environnement.

NOTES :

Des unités fonctionnent au Japon, mais sur des ordures résiduelles ou le verre et les métaux sont absents ; en Europe, des unités fonctionnent principalement sur refus de tri et de compostage.

Traitement thermique des déchets ménagers en lit fluidisé, Bilan des 5 opérations françaises aidées par l'ADEME, Septembre 2002, Réf. 4446, ISBN 2 -86817-671-2, ADEME Editions.