La « Société du recyclage »? C’est pas joué !
On est donc en chemin mais dans un bilan récemment publié, la Commission reconnaît que ce chemin sera semé d’embûches. En attendant le « happy End », bilan d’étape.
Un constat après l’autre...
Et le premier d’une longue liste, est un satisfecit. La production de déchets a diminué d’une façon évidente entre 2006 et 2008…dans « plusieurs pays d’Europe et notamment en France, en Suède, et en Roumanie ». Moins 10 %, ce n’est pas rien. Formidable! D'autant que 2008, cela ne vous rappelle rien. Mais si, souvenez-vous, c’est l’année où une crise sans précédent, venue des Etats-Unis, s’est abattue sur l’Europe gelant brutalement la production industrielle et la consommation. Du coup, moins de déchets. Là, on entrevoit un début de solution dont on sait que d’aucun rêve d’ailleurs : il suffirait de maintenir pendant quelques temps l’activité industrielle, et la consommation qui s’ensuit, la tête sous l’eau pendant quelque temps pour que chute enfin la production de déchets.
Trêve de commentaires ironiques, ici ce sont les statistiques qui parlent. Et puis, les raisons pour lesquelles la chose est survenue ne nous regardent pas ; d'ailleurs, vous verrez qu’avec un peu de chance, les chiffres de 2009 sur la production de déchets confirmeront la remarquable tendance constatée entre 2006 et 2008.
Evidemment, dans ce genre de constat, le bonheur ne dure jamais bien longtemps. Parce que dans une Europe de plus en plus large, c’est comme dans une classe un peu surchargée, des élèves, il y en a des bons … et il y en a des mauvais. Les bons, nous venons de les citer, la France en tête, quand même pour une fois. La Commission le reconnaît sans les citer, que des cancres, dans la classe « déchets », il y en a. Les cancres, ce sont évidemment les pays où la production de déchets s’est stabilisée depuis 2006 voire, horreur, où elle a progressé. Elle ne les cite pas, et c’est heureux, car il y aurait bien une bande de petits malins pour s’amuser, à corréler, sur la période, évolution de la production de déchets et évolution du niveau de vie. Et là…
Questions de recyclage
Dans ce domaine-là non plus, l’unité européenne n’est pas faite. La Commission reconnaît qu’en matière de développement du recyclage, on constate entre les pays des différences gigantesques. D’un pays à l’autre, selon le flux de déchets, les différences de taux de recyclage peuvent varier de quelques points à 70 %. Là encore, pas question de jeter l’anathème sur les mauvais. C’est pas comme çà que l’on peut construire l’Union Européenne. Fort de cette constatation évidente, il existe des différences au sein de l’Union même en termes de recyclage : la Commission conclut néanmoins sur une note optimiste. Il y a des différences, certes, mais globalement les choses vont dans le bon sens.
Vous voulez des chiffres, la Commission en donne. En 2008, le taux de recyclage global a été estimé à 38 % affichant une progression de 5 % par rapport à 2005 et de 18 % par rapport à 1995. On pourrait encore faire des commentaires sur ces statistiques concernant l’année 2008 mais il nous faudrait pour cela des chiffres absolus et surtout savoir ce que la Commission entend très précisément par taux de recyclage. Simplement pour vous mettre sur la piste du mauvais esprit, rappelons-nous qu’un taux est un rapport. Un taux, on peut le faire varier de deux manières. A diviseur constant, on augmente le dividende et le taux augmente. A dividende constant, le diviseur diminue, et le taux augmente aussi. C’est tout ce que nous avons retenu de la magie des maths, mais là, c’est magique : on vous laisse tirer les conclusions...
Aller de l’avant
Le recyclage reste un des fers de lance de la politique environnementale européenne. Le Commissaire européen à l’environnement, Janez Potocnik l’a rappelé à l’occasion de cette communication.
« Un téléphone portable contient de l’or, du platine, du palladium et du cuivre, toutes ressources dont nous avons trop peu en Europe. Une tonne de mobiles contient jusqu’à 280 gr d’or, 140 grs de platine et de palladium et 70 kg de cuivre » et de citer une des entreprises qui, en Europe, pratique l’extraction de ces précieux métaux (nous avons bien dit « précieux métaux » et non « métaux précieux », le cuivre n’appartenant pas à cette dernière catégorie, ce qui ne l’empêche pas d’être précieux, surtout en ce moment … environ 9500 $ la tonne à trois mois au London métal Exchange).
Les Déchets d'équipement électriques et électroniques (DEEE) constituent un des flux de déchets dont la croissance est la plus rapide en Europe. Le taux de croissance de ce flux serait 3 fois plus important que celui de la globalité des déchets. On ne se permettra pas de suggérer l’arrêt immédiat du commerce de ces choses électroniques dont on a parfois l’impression qu’elles ne servent pas à grand-chose d’intelligent.
Janez Potocnik a également manifesté une réelle satisfaction en constatant « une sorte de découplage entre l’évolution du PIB et la production de déchets ». Les chiffres parlent encore : au cours des dix dernières années, la production de déchets municipaux s’est stabilisée autour de 524 kg par an et par personne alors que la consommation des ménages a progressé de 16 % au cours de la même période. Pas satisfait pour autant, le Commissaire a remarqué que si la direction était bonne, «nous devons aller plus loin vers une véritable société du recyclage, en particulier en ce qui concerne la prévention ». Pour conclure son discours, le Commissaire a entonné le refrain de l’emploi en soulignant que dans le seul secteur du recyclage (pas celui de la prévention ) au moins 500 000 emplois pourraient être créés.
Et la transcription ?
Selon la Commission européenne, peu de pays ont retranscrit la dernière directive Déchets. Chez nous, en France, c’est fait. On est même passé par le biais d’une ordonnance pour être dans les temps ; ça évite de longues discussions au Parlement et puis les Parlementaires, en ce moment, ils ont d'autres choses à faire. La Commission va regarder cela de plus près et les sanctions pourraient tomber. Janez Potocnik a précisé que ses services commençaient à recevoir « les plans nationaux de gestion des déchets » qui doivent préciser comment les Etats entendent s’y prendre pour atteindre les différents objectifs fixés notamment en matière de taux de recyclage.
Rappel, la Directive de 2008 prévoit que 50 % des déchets municipaux comprenant le papier, les métaux, les plastiques et le verre et que 70 % des déchets de construction et de démolition devraient être recyclés en 2020. Il conviendra également que l’enfouissement du flux biodégradable ait diminué de 65 % en 2016 par rapport à son niveau de 1995.
Tout ça, clair que c’est pas pour demain, mais il va quand même peut-être falloir ne pas tarder à se cracher dans les mains...