La production de déchets ralentit : merci ( ? ) la crise !
Une fois n’est pas coutume, remerciements à la crise qui engendre des façons de consommer différentes, plus prudentes, avec à la clé, une moindre production de déchets dans les pays dits développés. Cela n’est évidemment pas sans conséquences sur les installations et les entreprises dédiées à la collecte, au traitement, au recyclage et à l’élimination de ces derniers.
C’est dans ce contexte bien particulier, que Philippe Chalmin accompagné de Catherine Gaillochet, présentait son « panorama mondial des déchets » en présence de Denis Gasquet, directeur général de Veolia Propreté, entreprise partenaire, au sens noble du terme, de ce vaste chantier…
Catalogue et véritable inventaire de ce qui se passe dans le monde du déchet et ce, à l’échelle du monde tout court, cet ouvrage de 456 pages, publié aux Editions Economica, qui aura nécessité un an et demi de travail, sera mis en vente à partir du 15 juin.
« Le monde produit de plus en plus de déchets, même si la prise de conscience environnementale et la baisse de la consommation en temps de crise contribuent à freiner un peu la donne » : telle est en substance le message délivré par l'institut des matières premières Cyclope.
« La tendance va à l'accroissement des volumes, même si la réduction des tonnages commence à faire son chemin », confirme l’auteur Catherine Gaillochet. La planète a produit entre 3,4 et 4 milliards de tonnes de déchets en 2006, dont 1,7 à 1,9 milliard de tonnes de déchets municipaux : si ce sont les chiffres de ces derniers qui se révèlent les plus faciles à calculer, selon les auteurs, il faut y ajouter, quand même 1,20 à 1,67 milliard de tonnes de déchets industriels non dangereux et 490 millions de tonnes de déchets dangereux (estimations).
Mais qu’on prenne garde : « avec le secteur des déchets, on entre vite dans le monde du flou statistique… (…). Les 4 milliards de tonnes étant relatives au « cœur de métier », ce qui exclut les déchets du BTP, ceux des mines, de l’agriculture et des activités forestières », complète Philippe Chalmin.
A partir de cela, le document présenté mardi établit que l’on collecte 2,74 milliards de tonnes de déchets, dont 1,2 milliard pour les ordures ménagères, étant entendu que ces données laissent dans l’ombre le travail (et donc les tonnages) collectés par les chiffonniers (ou récupérateurs) du monde entier, qui jouent un rôle majeur, notamment dans les zones urbaines des pays émergents.
La Chine est désormais le premier producteur de déchets municipaux (300 millions de tonnes en 2005), devant les Etats-Unis et l'Europe des Quinze.
L'ensemble des activités économiques liées aux déchets, de la collecte au recyclage, représenterait un marché mondial de quelque 300 milliards d'euros.
Il va de soi que ce sont les pays à fort revenu qui produisent le plus… En d’autres termes, « les pays riches produisent 550 à 600 kg/an/hab., ce qui constitue une sorte de plafond ; à la suite de quoi, ces chiffres vont à la baisse en fonction des politiques plus ou moins volontaristes qui sont menées par les Etats concernés », poursuit le directeur du Cyclope. Le chiffre le plus élevé (730 kilos) étant réalisé par les Etats-Unis, suivis par l'Australie (680 kilos) et l'Europe (480)…
« Les modes de traitement varient eux aussi, selon l’histoire et aussi la géographie du pays, la France ayant trouvé une sorte d’équilibre en la matière (1/3 décharge, 1/3 incinération, 1/3 recyclage/compostage) et ce, même vis-à-vis de ses voisins européens.
Le Royaume-Uni a misé sur la décharge parce qu’il dispose d’un sol majoritairement argileux ; le Japon, en manque d’espace, a opté sur l’incinération (74%), tandis que l’Australie ou encore les Etats-Unis, ne manquant pas de place, ont tablé sur l’enfouissement », explique à son tour Denis Gasquet. Etant entendu qu’il est important de toujours relativiser : ainsi, à « Houston (USA) où n’existe aucune passion environnementale, le recyclage est le parent pauvre, à l’inverse des statistiques établies à Portland (USA) qui peut se vanter d’un taux de recyclage de l’ordre de 50% », poursuit le Directeur général de Veolia Propreté...
Le secteur des déchets dépend donc beaucoup de la volonté politique de chaque pays. Ainsi Veolia Propreté, très présent à l’international dans ce secteur, mise fortement sur le marché britannique en raison des récentes modifications de sa législation : « la Grande Bretagne avait un retard considérable il y a encore trois ans ; aujourd’hui elle dispose d’une politique très favorable au recyclage et à l’incinération grâce à un système de quotas et à la mise en place de la taxe à l’enfouissement la plus élevée au monde : 70 euros la tonne ! »
Cela étant, la donne est en train de changer du fait de la crise qui engendre un volume de déchets plus faible dans les pays riches. En clair, il semblerait que l'écologie a malheureusement peu à voir avec la baisse du volume des déchets actuelle…
« Les gens achètent moins et en gamme inférieure, ce qui induit moins de déchets », remarque Denis Gasquet : de fait, sur les trois premiers mois de cette année, « les déchets ont baissé de 5 à 10% en moyenne dans le monde. Nous avons ressenti cette baisse de manière simultanée, dans tous les pays. Aux Etats-Unis, les régions touchées par la crise des «subprime» ont vu la quantité de déchets régresser davantage que dans le Middle West. En Ile-de-France, les volumes ont baissé de 7 à 8 % »...
Une chose est sûre : « c'est la première crise où l'environnement est considéré comme une solution, et non comme un problème. Pour s’en convaincre, il suffit de considérer la place faite à l’économie verte dans différents plans de relance en Europe, au Japon et aux Etats-Unis »...