La politique économique face aux marchés

Le 18/03/2010 à 13:54  

La politique économique face aux marchés

Reprise ? La crise a provoqué en France une attente générale de soutien de l’Etat. Mais comment sauver des entreprises et des banques de la débâcle sans être immédiatement accusé de faire des cadeaux aux patrons ? Comment redistribuer du pouvoir d’achat pour soutenir la consommation sans être taxé de laxisme ? Comment endetter l’Etat, seul acteur capable de stimuler la demande, sans provoquer la colère des marchés ? Voilà un impossible exercice d’équilibrisme ! Pour tenter de marier l’eau et le feu, le gouvernement a voulu faire croire que la reprise serait pour 2010. Que nenni !...
 
 2010 serait-elle  l’année de tous les dangers pour les entreprises françaises? Car le risque de défaillance augmente de nouveau. C’est ce que dévoile l' indicateur Xerfi-Risk qui mesure, mois après mois, le risque de défaut des entreprises. Le plus dur semblait pourtant passé. Après une progression rapide et continue jusqu’à l’été 2009... Les chiffres confirment malheureusement ce que Xerfi avait prévu, exprime en substance le président Laurent Faibis : la reprise s’essouffle déjà, et la crise s’installe dans la durée avec une croissance léthargique. Au rythme actuel, on ne retrouvera pas le niveau de PIB de 2008 avant 2011. Au mieux. Cela signifie de nouvelles destructions d’emplois, une stagnation du pouvoir d’achat des ménages, un investissement en berne. L’indicateur Xerfi‐Risk anticipe d’ailleurs un rebond des défaillances d’entreprises au premier semestre de cette année...

 La politique économique inaudible
Mais les Français n’acceptent pas la crise économique, et ne veulent pas davantage en payer le prix. Le message des élections régionales est sur ce point assourdissant. Le gouvernement pensait pourtant n’avoir pas ménagé ses efforts pour alléger les conséquences de la récession. Les stabilisateurs automatiques ont fonctionné correctement ; les mesures exceptionnelles prises en faveur des trésoreries des PME ont été plutôt efficaces ; la prime à la casse et les autres mesures pour les ménages ont évité l’effondrement de la consommation. Pour mener cette politique, le gouvernement a laissé filer les déficits, et a alourdi la dette. Pouvait‐on raisonnablement faire autrement ? Mais ces mesures de soutien à l’économie, et surtout celles qui concernent les entreprises, donc l’emploi, sont restées totalement inaudibles pour les électeurs.

 Face aux marchés
Dans ce contexte, le choix d’une politique d’austérité déclencherait un cataclysme économique et social. Tous les regards sont tournés vers la situation économique et sociale de la Grèce, qui fait frémir les autres gouvernements européens. A contrario, laisser filer les déficits et la dette, c’est s’exposer à la punition des marchés. Naviguer entre les deux, c’est condamner la France à l’impuissance. Pour souligner le primat du volontarisme politique sur la finance, le général de Gaulle affirma un jour dans une conférence de presse que « la politique de la France ne se fait pas à la corbeille ». Nous étions certes en 1966. Depuis, la corbeille a disparu, remplacée par les cotations mondiales en continu sur une profusion d’actions, d’obligations, de dérivés et de taux. Les marchés sont vigilants au respect des règles du jeu qu’ils ont imposées.
Ainsi, l’attaque spéculative contre la Grèce pourrait bien n’être qu’un test sur la cohésion de la zone euro. Une répétition avant une vaste offensive des marchés contre l’indiscipline financière. Il faudra alors bien trancher le noeud gordien : s’engager dans la rigueur pour rétablir les équilibres budgétaires, ou soutenir coûte que coûte l’économie pour préserver la cohésion économique et sociale du pays. En somme, il faudra décider de faire un choix draconien : se soumettre aux marchés ou les affronter. Car les déficits et les dettes qui sont autorisés par les marchés aux Etats‐Unis, ne sont pas accordés à l’Europe désunie.