La place de l’agriculture dans les marchés du carbone
Le réchauffement de la planète n'est pas un leurre. Si rien n’était fait, l'augmentation des températures engendrerait de profonds bouleversements irréversibles. La mise en oeuvre du Protocole de Kyoto est une bonne chose. Restent à organiser et à mener des opérations concrètes pour tenter d'inverser la tendance. En France comme ailleurs, il est indispensable d'agir tant qu'il en est encore temps et l’agriculture n’échappe pas à la règle… C'est pourquoi, elle prend le taureau par les cornes et fait des propositons concrètes.
La Saf-agriculteurs de France, association loi 1901 reconnue d’utilité publique, présente en partenariat avec la Caisse des Dépôts et l'Ademe, la première étude française réalisée sur « La place de l’agriculture dans les marchés du carbone ». La présentation de ces travaux donnait lieu à une conférence le 2 mars dernier...
L’accroissement des gaz à effet de serre provoquée par l’homme a déjà engendré un accroissement de la température terrestre. Si rien n’est fait, une augmentation de 6°C (environ) au cours des 100 prochaines années engendrerait de profonds bouleversements : sécheresse accrue, remontée des eaux, modification des peuplements végétaux et animaux... Quand bien même il a un rôle positif via sa capacité à séquestrer du carbone dans la biomasse grâce à la photosynthèse, le secteur agricole est à l’origine, d’après l’inventaire officiel, d’environ 20% des émissions françaises de GES. Ces émissions se font essentiellement sous forme de méthane et de protoxyde d’azote.
Les activités humaines participant aux émissions de gaz à effet de serre
Pour atteindre les objectifs de réduction, au-delà des aspects techniques, plusieurs voies sont possibles. L’étude permet d’explorer celles qui allient le volontarisme et la responsabilité des acteurs privés à la rentabilité économique.
En effet, les marchés du carbone constituent un levier intéressant à travers des démarches collectives pour des opérateurs agricoles. Ces derniers pourraient trouver dans la mise en oeuvre de projets participant à la rédaction des GES, des retours intéressants tant en terme financier que d’image.
L’étude menée en partenariat avec l’Ademe et la Caisse des Dépôts, constitue donc un apport indispensable pour mieux comprendre les enjeux des GES en agriculture et développer des projets innovants. Elle trace également les pistes de dispositions à mettre en œuvre, notamment par les pouvoirs publics pour créer les conditions de réussite des mécanismes décrits. Ce travail met en évidence un potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) par l’agriculture française de l’ordre de 15 millions de tonnes. Pour atteindre cet objectif de réduction, au-delà des aspects techniques, plusieurs voies sont possibles. L’étude permet d’explorer celles qui allient le volontarisme et la responsabilité des acteurs privés à la rentabilité économique. En effet, les marchés du carbone constituent un levier intéressant à travers des démarches collectives pour des opérateurs agricoles.
Voici en résumé, l'essentiel de ce travail...
Réductions d’émissions et marchés du carbone
Depuis début 2005 s’est mis en place un marché européen de quotas d’émission de CO2 qui pénalise les acteurs qui accroissent leurs émissions et rémunère ceux qui les réduisent. Pour l’instant, cette valorisation financière des réductions d’émissions ne concerne que certains acteurs économiques, à savoir les industries fortement émettrices de CO2 : installations de combustion de plus de 20 MW, énergéticiens, sidérurgie, industries papetière et verrière.
Au total, seules 30% des émissions françaises de gaz à effet de serre sont touchées par ce mécanisme financier.
Le secteur agricole n’est pas directement concerné.
Pour les secteurs ou les activités ne s’inscrivant pas dans ces mécanismes, une autre voie de valorisation des réductions des émissions de gaz à effet de serre est possible à travers la mise en place de « projets domestiques ». Le dispositif opérationnel de ces projets comporterait trois phases :
La mise en place d’un projet réduisant les émissions et une évaluation des émissions évitées par rapport à une situation de référence, sans projet
La vérification que ce projet répond à des critères de développement durable
Une rémunération financière octroyée au porteur de projet en fonction de la quantité d’émissions évitées. Cette rémunération pourrait prendre différentes formes : l’attribution de « crédits carbone », un paiement direct ou encore un système de prêts bonifiés.
L’agriculture française peut tout à fait développer des projets domestiques à l’instar de ce qui se pratique déjà dans d’autres régions du monde, notamment en Nouvelle Zélande, en Australie, au Canada ou aux Etats-Unis.
Un potentiel de réduction important et des projets
L’agriculture présente un fort potentiel de réduction des émissions de GES, évalué à plus d’une quinzaine de millions de tonnes de CO2 évitées par an.
Trois familles de projets réducteurs d’émissions ont été identifiées en fonction de leur mise en œuvre dans le temps :
A court terme, des projets reposant sur des technologies éprouvées et relativement simples peuvent être mis en oeuvre. Parmi ceux-ci figurent les projets visant à utiliser la biomasse (paille, bois, cultures dédiées) à des fins énergétiques des projets de méthanisation des déjections ou encore de modification de pratiques agricoles (introduction de trèfle dans les prairies. Ces projets sont d’ailleurs déjà mis en œuvre avec succès, à l’étranger, dans le cadre des mécanismes de projets prévus par le protocole de Kyoto.
A moyen terme, des projets prometteurs reposants sur des technologies ou des méthodes de mesure des émissions évitées pourraient être réalisées (alimentation des bovins, fertilisation azotée…). Cependant, ces projets demandent des expertises scientifiques ou techniques complémentaires.
Après 2012, la séquestration de CO2 par des activités agricoles ou forestières présente un potentiel important sur le long terme. Ces projets ne peuvent pas être valorisés au titre des projets domestiques dans le cadre actuel, mais pourraient l’être après 2012.
Pour s’inscrire dans les mécanismes des projets domestiques, les projets agricoles devront avoir un scénario de référence fiable, une possibilité de contrôle, être compatibles avec le mode de calcul de l’inventaire national, additionnel par rapport aux mesures en vigueur, et cohérents avec des critères de développement durable. Par ailleurs, les projets ne devront pas engendrer de transfert de pollution d’émission de GES non comptabilisés en amont ou en aval du projet.
Les projets agricoles non compatibles aux projets domestiques seront à développer dans le cadre de politiques publiques adaptées.
Des porteurs de projets potentiels se sont manifestés. Ils ont déjà initié des études sur les conditions de faisabilité techniques et de rentabilité économique de ces projets, dont certains pourraient être lancés au titre de pilote, dès cette année.
Les conditions institutionnelles de mise en œuvre
Pour la bonne mise en oeuvre de ce système, ces projets devront être promus et développés par des porteurs de projets, qui agiront comme des points de regroupement auprès d’un nombre suffisant d’agriculteurs. Les projets portés par l’ensemble d’une filière sont donc particulièrement visés et prometteur, d’autant plus qu’ils pourraient comporter plusieurs volets liés à la réduction des émissions. Les porteurs de projets pourraient être, suivant les cas, des coopératives agricoles, des associations d’agriculteurs, ou encore des industriels.
Ces projets ne pourront voir le jour sans l’implication des autres acteurs du monde agricole, notamment les instituts techniques, les chambres d’agriculture et les centres de gestion et les organismes habilités pour vérifier la rédaction d’émissions et sa cohérence avec l’inventaire nationale des émissions de gaz à effet de serre.
Enfin, pour qu’un tel système de projets domestiques soit opérationnel en 2008-2012, période sur laquelle portent les engagements nationaux au titre du protocole de Kyoto, les décisions nécessaires, notamment de la part des pouvoirs publics, sont à prendre rapidement.
Sur la base de ces travaux, la Saf–agriculteurs de France, par la voix de son président Hervé Morizé, a insisté sur l’intérêt de mettre en place rapidement à titre expérimental des projets collectifs qui pourront trouver une valorisation financière sur le marché du carbone. « Il s’agit d’une formidable opportunité pour renforcer le rôle et la place de l'agriculture comme des agriculteurs dans la société vis-à-vis de l’environnement » a déclaré Hervé Morizé. Un message bien accueilli par les pouvoirs publics qui se mobilisent autour de ces projets.
Pour en savoir plus : Accédez à l'étude " La place de l'agriculture dans les marchés du carbone"