La COGEMA au Tribunal Correctionnel pour pollution : Une première
Après quatre ans d’enquête, le juge d’instruction de Limoges Gérard Biardeaud a décidé de renvoyer la COGEMA (AREVA) devant le Tribunal Correctionnel afin qu’elle y réponde des délits de pollution d’eau et d’abandon de déchets et ce, nonobstant l’avis du Procureur de la République, qui souhaitait classer ce dossier.
Cette affaire a débuté en mars 1999 par le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile au nom de l’association Sources et Rivières du Limousin à laquelle s’est associée ensuite la fédération française France Nature Environnement.
La plainte dénonçait des faits de pollution d’eau et d’abandon de déchets provoqués par les mines d’uranium exploitées dans la Haute-Vienne depuis 1949 (la division minière de la Crouzille comprend quatre concessions d’une superficie totale de 295 Km2). Bien qu’elles aient aujourd’hui cessé toute activité minière, ces mines, dont certaines servent de sites de stockage de déchets radioactifs, continuent à polluer les cours et les retenues d’eau de la région ainsi que l’ont démontré différentes expertises indépendantes.
Le Procureur de la République n’a pourtant pas ménagé ses efforts pour tenter de convaincre le juge de classer ce dossier afin d’éviter à la COGEMA d’avoir à comparaître devant un tribunal correctionnel.
Alors que le juge d’instruction venait de clore son enquête, le Procureur n’a pas hésité à faire intervenir la DRIRE pour qu’elle adresse au juge un « certificat de bonne conduite » attestant que la COGEMA s’est toujours pliée aux règles qui lui étaient fixées.
De son côté, la COGEMA s’active dans le domaine de la communication : le CESAAM (Centre d’Etude et de Suivi des Anciennes Activités Minières, unité de la Cogema) vient en effet d’obtenir la certification ISO 14001, ce qui permet à son porte parole, Rémy Autebert, de déclarer dans « La lettre de la Crouzille » de mai 2003 (publication Cogema, établissements de Bessines) : « je ne pense pas que nous ayons à rougir de la façon dont, au cours de ces 50 années de production de l’uranium, les aspects environnementaux ont été gérés ».
Il est vrai que cette décision tombe mal pour la COGEMA qui tente à grands coups de campagnes publicitaires et sponsorings d’influer sur les choix énergétiques futurs de la France en vantant une image « propre » du nucléaire.
Sources et Rivières du Limousin salue le courage et l’indépendance du juge d’instruction qui a su passer outre les réquisitions du Procureur de la République et l’intervention de la DRIRE dans l’intérêt de la défense de l’environnement en Limousin.
« Cette affaire concerne la Cogema, mais elle met également en lumière les carences des services de l’Etat qui ne jouent pas pleinement leur rôle de contrôleur dans le domaine du nucléaire » soutient M. Gouguet, président de Sources et Rivières du Limousin.
« Il est manifeste que dans ce dossier l’Etat se soucie d’avantage de protéger les intérêts économiques de la Cogema que de la protection de l’environnement. C’est pour cela que l’on trouvera encore des résidus radioactifs miniers dans le Limousin dans 10 000 ans… », souligne pour sa part Bernard Rousseau, président de France Nature Environnement.