La chimie verte à la traque des métaux lourds…

Le 03/09/2009 à 15:09  

La chimie verte à la traque des métaux lourds…

Chimie verte - Copyright CEA Des chercheurs, parmi lesquelsPascal Arnoux et David Pignol nous permettent de pénétrer dans l’intimité d’une enzyme synthétisant des pièges à métaux lourds.

Le mécanisme d’action d’une enzyme végétale responsable de la synthèse de la nicotianamine vient en effet d'être dévoilé. Il s’agit d’une molécule capable de fixer les métaux lourds, des polluants répandus qui peuvent contaminer les sols et qui constituent de fait un véritable problème environnemental.

Ces résultats, obtenus par des chercheurs de l’UMR6191 (CEA/CNRS/Univ Aix-Marseille2) de l’Institut de biologie environnementale et de biotechnologie (Cadarache) et de l’INRA (Montpellier), sont publiés en ligne par la revue Proceedings of the National Academy of Sciences of USA. Ils pourraient permettre une optimisation du développement de capteurs biologiques de métaux lourds par les plantes et constituer un nouvel outil de dépollution des sols.

Petite molécule largement présente chez les plantes, la nicotianamine (NA) est impliquée dans la régulation des concentrations de nombreux métaux essentiels tels que le fer, le zinc et le cuivre. Elle joue un rôle important dans le chargement, la mobilisation et la distribution de la forme ionique de ces métaux dans les différentes parties de la plante. NA est synthétisée par la nicotianamine synthase (NAS), une enzyme de plante extrêmement difficile à produire et à purifier, ce qui rend son étude fonctionnelle particulièrement délicate. Pour contourner cette difficulté, les chercheurs de l’iBEB et de l’INRA ont analysé les différents génomes d’archaea1 séquencés à ce jour. Ils ont ainsi trouvé, chez Methanothermobacter thermautotrophicus, un gène codant pour une enzyme NAS très proche de celle des plantes et sont parvenus à la purifier et à déterminer sa structure tridimensionnelle. Cette enzyme d’archaea est capable de synthétiser un composé très proche de la nicotianamine des plantes, la thermo-nicotianamine.

Bien qu’inconnues à ce jour, les propriétés de fixation des métaux de cette nouvelle molécule pourraient s’avérer prometteuses pour des applications biotechnologiques.

Afin d’aller plus loin dans la compréhension des mécanismes d’action de la NAS, grâce à la détermination des structures tridimensionnelles de l’enzyme à plusieurs étapes de la réaction, les chercheurs ont observé pas à pas la fabrication de NA, qui se fait par association de 3 molécules d’un substrat : la S-adenosylmethionine. L’étude des cinq structures tridimensionnelles obtenues a permis d’entrer au coeur du fonctionnement de cette protéine : le site actif, ou lieu de la réaction, est enfoui dans une cavité au centre de l’enzyme dont l’ouverture ne permet l’accès que d’une seule molécule de substrat à la fois. Ainsi le premier substrat entre dans la cavité et se fixe sur un premier site situé à l’entrée. Lorsque la deuxième molécule de substrat entre à son tour, elle va déplacer la première vers un second site de fixation plus enfoui, permettant la formation d’une liaison entre ces deux molécules. De la même façon, l’entrée de la troisième molécule de substrat va entraîner le déplacement du duo déjà formé au fond de la cavité et permettre ainsi l’association finale des trois molécules. La réaction de polymérisation s’arrête ensuite, faute de place dans le site actif.

Ces résultats lèvent un voile sur le mécanisme jusque là inconnu de synthèse de la nicotianamine chez les plantes et pourraient permettre une optimisation de la synthèse de capteurs biologiques de métaux lourds. L’utilisation de plantes pour réhabiliter des environnements pollués est un domaine en pleine expansion. Il constitue en effet une solution écologique et sûre à la problématique environnementale posée par ces métaux.

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Référence :

Crystallographic snapshots of substrate translocation during phytosiderophore synthesis Dreyfus C., Lemaire D., Mari S., Pignol D. & Arnoux P., (2009), Proc. Natl. Acad. Sci. U S A. online

Equipes de recherche :

Laboratoire de Bioénergétique Cellulaire de l’Institut de Biologie Environnementale et de Biotechnologie, CEA - CNRS- Université Aix-Marseille 2 – CEA Cadarache, 13108 Saint Paul lez Durance. UMR Biochimie et Physiologie Moléculaire des Plantes, INRA – CNRS – Montpellier SupAgro – Université Montpellier 2 – Centre INRA de Montpellier.