Justice 'déchets' : la Grèce en prend pour son grade !
Après l'Italie (voir notre article), la Cour de Justice de l'Union Européenne s'attaque maintenant au cas de la Grèce, qui vient d'être condamnée à des sanctions pécuniaires pour ne pas avoir exécuté un arrêt de 2005 constatant qu’elle avait manqué aux obligations découlant de la directive 'déchets'. En plus d’une somme forfaitaire de 10 millions d’euros, la Cour impose à cet Etat membre, jusqu’à la pleine exécution de l’arrêt de 2005, une astreinte dont le montant effectif dépendra des progrès réalisés par la Grèce, mais qui s’élèvera, en l’absence de tels progrès, à plus de 14 millions d’euros par semestre de retard...
La directive européenne sur les déchets impose aux Etats membres d’assurer que les déchets sont valorisés ou éliminés sans mettre en danger la santé humaine et sans porter préjudice à l’environnement ; elle les oblige également à interdire l’abandon, le rejet et l’élimination incontrôlée des déchets. Tout détenteur de déchets doit remettre ceux-ci à une entreprise qui en assure la valorisation ou l’élimination dans le respect de la directive ; une telle entreprise doit obtenir une autorisation de l’autorité compétente. Par un premier arrêt de 20052, la Cour de Justice de l'UE a déclaré que la Grèce avait enfreint la directive au motif que, au mois de février 2004, 1 125 sites incontrôlés d’élimination de déchets étaient encore exploités sur son territoire et que la fermeture de l’ensemble des décharges illégales et incontrôlées n’était prévue que pour l’année 2008.
En 2009, estimant que la Grèce ne s’était pas pleinement conformée à l’arrêt de 2005, la Commission a envoyé à cet Etat membre une lettre de mise en demeure. En 2010, elle lui a envoyé une lettre de mise en demeure complémentaire. Considérant qu’un problème continuait d’exister en ce qui concerne aussi bien le nombre de décharges non contrôlées que l’absence d’un nombre suffisant de sites appropriés d’élimination des déchets, la Commission a décidé, en 2013, d’introduire un recours en justice (voir notre dépêche). En réponse à une question posée par la Cour, la Grèce et la Commission ont indiqué que, en mai 2014, sur un total de 293 décharges illégales, 70 restaient en activité et 223, bien que désaffectées, n’avaient pas encore été réhabilitées.
Dans un arrêt du 2 décembre dernier (consultable dans son intégralité ici), la CJUE rappelle qu’à la date du 29 décembre 2010 et selon les informations produites par la Grèce devant la Cour en mai 2014, la Grèce n’a toujours pas pris toutes les mesures nécessaires pour donner pleine exécution à l’arrêt de 2005. Dans ces conditions, la Cour estime qu’il est justifié d’infliger des sanctions pécuniaires à cet Etat membre. L’exécution de l’arrêt, c’est-à-dire le respect de la directive, supposerait la désaffectation des décharges illégales, leur réhabilitation effective (et non seulement la programmation de leur réhabilitation), ainsi que la création des installations nécessaires, afin d’assurer le respect de la directive de manière permanente et d’éviter la création de nouvelles décharges illégales.
La CJUE considère que la condamnation de la Grèce au paiement d’une astreinte constitue un moyen financier approprié afin d’assurer l’exécution complète de l’arrêt de 2005, mais elle précise que l’astreinte ne doit être infligée que dans l’hypothèse où cette exécution ne serait toujours pas intervenue avant le prononcé de l’arrêt de ce jour. Dans le cadre d’une procédure dans laquelle un manquement a déjà été constaté par la Cour à l’occasion d’un premier arrêt, celle-ci est libre de fixer l’astreinte au montant et sous la forme qu’elle considère adéquats pour inciter cet Etat membre à exécuter ce premier arrêt. Pour déterminer le montant de l’astreinte, la CJUE tient compte de la gravité de l’infraction initialement constatée dans l’arrêt de 2005 (laquelle peut mettre en danger la santé humaine), de sa durée de plus de 9 ans et de la capacité de paiement de la Grèce, celle-ci ayant diminué au cours des dernières années. Elle considère qu’il convient de réduire progressivement l’astreinte, en fonction des progrès réalisés dans l’exécution de l’arrêt de 2005.
La Cour juge donc approprié de fixer l’astreinte sur une base semestrielle afin de permettre à la Commission d’apprécier l’état d’avancement des mesures d’exécution. Ainsi, pour le premier semestre suivant l’arrêt du 2 décembre 2014, l’astreinte sera calculée à partir d’un montant initial de 14 520 000 euros, dont seront déduits 40 000 euros par décharge désaffectée ou réhabilitée et 80 000 euros par décharge à la fois désaffectée et réhabilitée. Pour chaque semestre suivant, l’astreinte à payer sera calculée à partir du montant de l’astreinte fixée pour le semestre précédent, les mêmes déductions étant effectuées en fonction des désaffectations et réhabilitations intervenues au cours du semestre. En outre, la CJUE décide que la prévention effective de la répétition future d’infractions au droit de l’Union analogues à celle constatée dans l’arrêt de 2005 requiert l’adoption d’une mesure dissuasive, telle que la condamnation au paiement d’une somme forfaitaire. En fixant le montant de celle-ci, elle tient compte (comme dans le contexte de l’astreinte) de la gravité et de la durée de l’infraction ainsi que de la capacité de paiement de la Grèce. Par conséquent, elle condamne la Grèce au paiement d’une somme forfaitaire de 10 millions d’euros.