Jurisprudence : condamnation d'un ancien exploitant de décharge

Le 22/10/2010 à 19:34  
Jurisprudence : condamnation d'un ancien exploitant de décharge
décharge d'Audenge Véritable aspirateur à déchets de tous poils, fermée en 2007, la décharge d'Audenge aurait bénéficié très longtemps, de la mansuétude des services de l'État. Ce qui a évidemment mis certaines personnes de mauvais poil. Le verdict est tombé : l'ancien exploitant de la 2e décharge d'Aquitaine écope de 18 mois de prison avec sursis pour escroquerie et exploitation d'installations sans autorisation...
 1974 : début de l'aventure... Il s'agissait alors d'un petit centre d'enfouissement qui devait accueillir les ordures ménagères des communes du bassin d'Arcachon. Trente-trois ans plus tard, fermeture du truc qui n'a plus rien à voir avec ce qui avait été prévu. La plate-forme d'Audenge accueillait en effet la deuxième décharge d'Aquitaine:pas loin de 170 000 tonnes de déchets en tous genres, débarquaient là, chaque année et ce dans des conditions bizarres... C'est d'ailleurs ce qui a conduit le tribunal correctionnel de Bordeaux à prononcer 18 mois de prison avec sursis et 50 000 euros d'amende à l'encontre de Maurice Lecuyer, PDG du groupe Edifi, ancien exploitant du centre d'enfouissement technique et de divers autres sites en Gironde et en Béarn : le bonhomme, qui  n'était pas à cheval sur les principes, a été reconnu coupable d'escroquerie et d'exploitation d'installations classées sans autorisation. Comme il s'agit d'une histoire de famille, les autres dirigeants du groupe, à savoir sa fille et son gendre, ont été condamnés à 20 000 et 10 000 euros d'amende.

Dans la rubrique, "je fais ce que je veux, je me fous de tout et j'embourbe le blé", demandez Lécuyer : stockages illicites, extensions illégales de déchèteries, convoyages clandestins de déchets ménagers et autres (parce que affinités...) : le groupe Edifi, dirigé par les prévenus, collectait des déchets de toutes natures, sans se soucier du respect des normes et des règles en vigueur. À Audenge, où une benne radioactive stationnera pendant des mois sans que personne ne s'en préoccupe, cette façon de faire était monnaie courante (moyennant monnaie tout court) et prenait au fil des années, des proportions considérables. D'ailleurs, selon les évaluations des agents des Douanes, entre 2006 et 2008, près de 100 000 tonnes de déchets ont atterri dans cette décharge sans être enregistrées.  Amiante, mâchefers issus de l'incinération, déchets hospitaliers, industriels… Le tout étant balancé sans autre forme de procès, sans que les élus du cru, qu'ils soient de droite ou de gauche ne s'en offusquent et affichent leur opposition à de telles pratiques. Il va de soi qu'au fur et à mesure qu'on faisait tomber les déchets dans le trou en trichant sur les pesées, on faisait grimper le chiffre d'affaires : plus on minore les quantités entrantes, plus le montant de la TGAP, acquittée sur chaque tonne, est bas.

Le tribunal correctionnel a relaxé Maurice Lecuyer, sa fille Sophie et Mamadou Dia, ancien responsable de l'environnement de la commune d'Audenge, des poursuites pour corruption dont ils avaient aussi fait l'objet. Jugez-vous même : les Lecuyer avaient mis à la disposition de Mamadou Dia en charge de la surveillance du site, une voiture de fonction, un abonnement téléphonique, et avaient offert des petits séjours, en Croatie et au Sénégal au prétexte d'aller prospecter des marchés. Le surveillant du site, véritable expert, était rémunéré aussi,  pour réaliser diverses études de sols.

Si le tribunal a considéré que « ces attentions » ne relevaient pas de la corruption, il a bien noté qu'elles s'inscrivaient tout de même dans un contexte local assez particulier. Des témoignages ont par ailleurs incité le parquet de Bordeaux à ouvrir une enquête pour d'éventuels abus de biens sociaux, de  façon à vérifier  si les dirigeants d'Edifi n'ont pas usé de moyens répréhensibles pour s'attacher divers soutiens. Il est tout de même consternant de constater qu'en 15 ans, les exploitants de la décharge d'Audenge n'ont jamais été ennuyés par les services de l'État, et ce, alors même que riverains et associations de protection de l'environnement ont dénonçé, notamment, l'entrée nocturne et donc bizarroïde,  de camions tous feux éteints.
Si l'on ajoute à cela qu'au fil du temps, on a vu la petite décharge grandir, grossir, s'élargir, s'apaissir...  apparemment en mode "ni vu ni connu j't'embrouille"... parce que de vous à moi, jamais les pouvoirs publics n'ont tenu compte de l'annulation répétée par le tribunal administratif des arrêtés préfectoraux d'extension pris... Sans compter que, originalité locale et fait quasiment sans précédent en France, aucune procédure d'enquête publique n'a jamais été diligentée...