Jacques Chirac décide du retour au bercail du Clemenceau
Retour à la case départ du fleuron de la Royale : le Clemenceau. Le Président de la République, qui doit se rendre en Inde prochainement, met les pieds dans le plat et un terme provisoire au feuilleton diplomatico-judiciaire du navire en ordonnant le rapatriement de l'ancien porte-avions dans l'attente d'une "solution définitive" pour son démantèlement. Pour Greenpeace et la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH), qui se battent depuis plus d'un an contre le transfert du Clemenceau en Inde, cette décision constitue une "victoire de la morale et du droit"….
"C'est une victoire pour les travailleurs indiens et pour ceux de l'ensemble des chantiers de démolition de navires", affirment les organisations dans un communiqué commun.
Les organisations de lutte contre l'amiante et de défense de l'environnement ainsi que l'ensemble de l'opposition française réclamaient le retour du Clemenceau, devenu une "affaire d'Etat" selon le Parti socialiste. Lundi, la Cour suprême indienne avait refusé l'entrée du Clemenceau dans les eaux territoriales en attendant une nouvelle expertise sur les substances contenues dans la coque du porte-avions, désarmé depuis bientôt 9 ans.
Attendu dimanche à New Delhi, le chef de l'Etat a décidé de placer l'ancien fleuron de la marine "dans les eaux françaises dans une position d'attente qui offre toutes les garanties de sécurité jusqu'à ce qu'une solution définitive (...) soit trouvée".
"La France se doit d'être exemplaire et d'agir dans la plus totale transparence (...) sur le sujet du démantèlement des navires, qui pose au plan mondial des questions de protection de l'environnement", précise un communiqué diffusé par l'Elysée.
La décision présidentielle a été annoncée moins d'une heure après la suspension par le Conseil d'Etat du transfert du Clemenceau vers le chantier indien d'Alang, où il devait être désamianté. L'endroit où sera repositionné le navire, actuellement bloqué à l'entrée des eaux territoriales indiennes, pourrait être précisé par Michèle Alliot-Marie, qui tient cette après midi une conférence de presse au ministère de la Défense.
A l'aller, le porte-avions avait été bloqué plus d'une semaine par les autorités égyptiennes à l'entrée du Canal de Suez. La France avait dû s'acquitter d'un droit de passage supplémentaire. En 2003, le Clemenceau avait déjà été au centre d'une saga de plusieurs semaines, exporté vers l'Espagne puis rapatrié alors qu'il prenait le chemin de la Turquie, en violation des réglementations européennes.
Le Conseil d'Etat ayant décidé de requalifier le Clemenceau comme "déchet" et non pas comme "matériel de guerre", Matignon a annoncé dans la foulée une prochaine réforme des procédures applicables à l'exportation des anciens navires civils et militaires en fin de vie, rappelle en substance l’Agence Reuters.
"Objet dangereux dont son propriétaire veut se défaire »…"
On n’est même pas d’accord sur les chiffres : quand le ministère de la Défense, annonce qu’il resterait 46 tonnes de produits amiantés dans la coque du "Clem", les organisations de lutte contre l'amiante et de défense de l'environnement annoncent qu'il subsiste de 500 à 1 000 tonnes d'amiante à bord. Sans compter les tonnes qui s’envolent… en effet une enquête est en cours afin de faire la lumière sur la disparition d'une trentaine de tonnes d'amiante enlevées de la coque à Toulon et jamais arrivées sur le lieu de leur enfouissement, dans le Gard.
Pour que cesse la polémique, Jacques Chirac a demandé une contre-expertise afin de déterminer "de manière incontestable" les quantités d'amiante et d'autres substances qui restent sur le porte-avions et cherche même des solutions à l'échelle européenne. Quel fiasco !
"Cette question soulève celle du démantèlement des bâtiments civils et militaires désarmés à travers le monde, ainsi que celle des cimetières marins qui ne sauraient constituer une solution durablement acceptable pour les navires en fin de vie", a estimé le chef de l'Etat.
L'Europe ne disposant pas de chantier capable de traiter des navires de l'importance du Clemenceau, Jacques Chirac souhaite engager une réflexion avec les 25 afin de renforcer les capacités de démantèlement et de dépollution.
Il réclame également une accélération dans la mise en place de "normes mondiales rigoureuses qui donnent toutes les garanties de respect du droit social, de la santé des travailleurs et de l'environnement lorsqu'un navire est exporté dans un chantier étranger".
Contrairement à l'analyse des autorités françaises, qui considèrent le Clemenceau comme un navire de guerre, le Conseil d'Etat constate que la coque est bien un "objet ou substance dont son propriétaire veut se défaire, notamment en raison de son caractère dangereux".