Le recyclage, l'économie circulaire, deux formules à la mode de ceux qui détestent le gaspillage, et qui consistent à convaincre à l’idée de réutiliser le plus possibles ces chères (et peut-être bientôt rares) matières premières, ainsi que l’énergie, a fait un nouvel adepte : McKinsey. Selon une étude du cabinet américain commanditée par la fondation Ellen MacArthur, cette vision nouvelle de l'industrie pourrait épargner à court terme plus de 380 milliards de dollars de dépenses annuelles aux entreprises européennes, et presque le double en 2025 s'il touche plus radicalement le design industriel... Etant entendu que les économies se porteraient aussi sur l'énergie et les ressources...
Les bénéfices sont également ailleurs : dans sa configuration maximale, le scénario pourrait générer jusqu'à 40 % d'économies d'énergie et de matières premières. Les experts britanniques évaluent par exemple à presque 300 millions de tonnes de minerai de fer, soit 17 % de la demande mondiale en 2010, les économies potentielles résultant d'un meilleur réemploi des matériaux en fin de vie.
Rien à voir avec le recyclage classique : « l'économie circulaire bouscule radicalement les organisations industrielles linéaires en obligeant les entreprises à penser les flux de matières -biologiques et techniques -dès la conception des produits pour les réemployer totalement dans une nouvelle production », a récemment déclaré l'ancienne navigatrice Ellen MacArthur, aujourd'hui recyclée dans une fondation portant son nom, dédiée au développement de l'écoconception. DEEE, ordures ménagères, plastiques, ferrailles... Au niveau mondial, ce seraient 4 milliards de tonnes de déchets qui seraient produites chaque année, avec une progression estimée à + 40 % d'ici à 2020. « Parce qu'elle rapproche les écosystèmes industriels du fonctionnement cyclique naturel, l'économie circulaire est une des réponses globales les plus crédibles », expliquent les experts britanniques.
C'est d'ailleurs cette façon de voir qui a lancé le « cradle to cradle » (du berceau au berceau), il y dix ans ans maintenant, étant donné que les initiateurs de cette démarche, l'architecte américain William McDonough et le chimiste allemand Michael Braungart, ont instauré le C2C, une certification du même nom, laquelle est délivrée par leur société de conseil MBDC pour valoriser ses adeptes.
Le rapport de McKinsey souligne que cette approche si elle était plus systématiquement appliquée, bénéficierait à de nombreux secteurs : l'automobile, la production d'équipements industriels, l'électricité, l'électronique grand public ou le textile.
Là où le bât blesse, c'est que pour opérer un tel changement en profondeur, il faut nécessairement tout remettre à plat et faire table rase des manières classiques ; d'où la difficulté de trouver des adeptes en nombre : même pas 200 certifications C2C ont été délivrées dans le monde à ce jour. Organiser un cycle vertueux, implique que les matières utilisées soient conçues à la base, pour être réutilisables et donc réutilisées.
Les alliages de métaux doivent être faciles à séparer.
Les plastiques doivent pouvoir être dépolymérisés puis polymérisés pour regagner leurs propriétés initiales.
Un chimiste britannique de l'université de York, James Clark, vient par exemple de trouver le moyen de transformer en papier ciré pour l'emballage alimentaire, les tonnes de peaux d'oranges résultant de la fabrication de jus.
Les défis sont techniques et nombreux, c'est vrai. « Nous n'aurons achevé notre mutation vers le modèle d'économie circulaire qu'en 2020 », confirme le président de Desso, Stef Kranenedijk, présentée comme un des grands de l'industrie des dalles de moquette en Hollande (voir notre article).
D'autres entreprises sont dans les mêmes affres... : le suisse Rohner qui rame pour passer toute sa production de tissus d'ameublement vers le synthétique biodégradable Climatex Lifecycle, mis au point par ses ingénieurs (le produit compte pour un tiers de son chiffre d'affaires).
Idem pour Rapaniu, maison écolo-chic...«
« Les trois à cinq prochaines années seront transitoires, prédisent les experts de McKinsey : elles serviront à bâtir le socle de compétences de base en produits circulaires et les innovations nécessaires à la mise en oeuvre de ces cycles ».
Attention! Au cours de ce laps de temps, les avantages compétitifs qu'en retireront ceux qui auront pris le virage à temps (entre 12 et 14 % d'économie par an) devraient en séduire beaucoup d'autres... Et pourquoi pas des filières entières, qui se consacreraient à une meilleure utilisation des matières premières???