Indonésie : la chasse aux déchets est lancée

Le 28/08/2019 à 20:47  

Indonésie : la chasse aux déchets est lancée

Tri des plastiques à Bangun (photo afp) Si certains villages ont fait du tri des déchets plastiques occidentaux une spécialité, les Indonésiens se sont néanmoins rendus en masse sur les plages pour y ramasser des déchets. Des dizaines de milliers de personnes ont répondu à l'appel et ont en effet participé il y a quelques jours, dans le cadre du 74ème anniversaire de l'indépendance du pays, à une vaste opération de nettoyage des plages pour s'attaquer au gigantesque problème de la pollution marine dans le pays, l'opération ayant concerné les 17 000 îles que compte l'archipel...

 Une déferlante de dizaines de milliers personnes s'est abattue sur les plages du pays, à l'occasion du 74 ème anniversaire de l'Indépendance indonésienne, afin de nettoyer les sites. Cette opération a permis de collecter des centaines de tonnes de déchets, selon son coordinateur, le Pandu Laut Nasional.
L'Indonésie s'est engagée à réduire les déchets plastiques en mer de 70% d'ici 2025 et une série d'initiatives, parfois originales, ont été prises en ce sens. Les usagers des bus de la deuxième ville du pays, Surabaya, peuvent par exemple désormais troquer un trajet contre du plastique recyclable. Bali a, de son côté, interdit l'utilisation du plastique à usage unique... Et ce n'est qu'un début.

Ailleurs dans le pays, les déchets plastiques sont traqués, eux aussi, mais ils sont vécus comme une sorte d'aubaine : leur tri rapporte de l'argent et permet à des familles de moins mal vivre... Même si fouiller les montagnes de déchets sans trop de précautions est ingrat, c'est un gagne pain. "J'ai trois enfants, tous sont à l'université" (...) "Tout ça a été possible grâce à mon dur travail qui est de fouiller dans les déchets". C'est ainsi que Keman, 52 ans, résume sa vie de trieur : cet habitant de Bangun, l'un des "villages de plastique" d'Indonésie spécialisés dans le recyclage, se félicite d'avoir pu financer l'éducation de ses enfants par ce biais.
Alors que de nombreux pays cherchent à limiter l'usage du plastique jetable, que l'Indonésie elle même s'est lancée dans lutte contre la pollution des plastiques dans le pays, pour les habitants de Bangun, les déchets plastiques importés sont devenus une source précieuse de revenus. Les deux tiers des habitants trient et revendent des bouteilles, des emballages et des tasses de plastique usagées aux compagnies de recyclage locales pour vivre.

 Il faut préciser que Bangun est l'un des nombreux villages pauvres de l'île de Java - la plus peuplée d'Indonésie - qui se sont spécialisés dans le retraitement des déchets, la plupart importés de pays occidentaux (Etats-Unis, Grande-Bretagne ou Belgique), mais aussi du Moyen-Orient. Depuis que la Chine a interdit l'importation de plusieurs catégories de déchets, le circuit du recyclage mondial connait une situation chaotique ; aussi, comme on le sait, les pays occidentaux ont cherché de nouvelles destinations pour les matières qu'ils ne parviennent pas à retraiter. C'est ainsi que les pays d'Asie du Sud-Est sont devenus une alternative privilégiée même si certains d'entre eux ont déjà renoncé au vu des nuisances liées à cette industrie.
Les importations de déchets plastiques vers l'Indonésie ont ainsi bondi récemment, passant de 10.000 tonnes par mois fin 2017 à 35.000 tonnes par mois à la fin 2018 (selon l'ONG Greenpeace). Des papetiers importent aussi, depuis plusieurs années des déchets en mélange qu'ils livrent dans cette ancienne localité agricole. Dans le cas de Bangun, ce sont une bonne quarantaine de camions qui y arrivent chaque jour pour y déverser leur cargaison devant les habitations ou dans des champs où se forment des monticules.

A mains nues ou armés de râteaux et de pelles, les habitants trient alors ces amas, avec un masque de tissu en guise de protection : on récupère de l'aluminium, des bouteilles en plastique et des tasses pour gagner quelques dollars chaque jour. et parfois, des trésors se cachent dans les déchets : des billets verts, des euros ou des livres sterling.
Le chef du village, M. Ikhsan, défend avec conviction cette activité et balaye les risques pour l'environnement ou la santé : "ces déchets sont trèsTri des déchets plastiques à Bangun (en Indonésie) rentables pour mes concitoyens et contribuent à soutenir l'économie locale". Et pour ceux qui ne sont pas recyclables en l'état, "ils servent de combustibles aux usines productrices de tofu des environs", plaide l'édile, des affirmations qui vont à l'encontre de celles formulées par les défenseurs de l'environnement qui en revnache, s'alarment de ces énormes tas de déchets qui grossissent : ces derniers certifient que des "monceaux de plastiques non recyclables sont brûlés pendant la nuit, provoquant des émanations toxiques dans toute la localité et répandant de grandes quantités de micro-plastiques dans les voies d'eau".

Selon une étude de l'Université de Géorgie aux Etats-Unis publiée dans la revue Science, le pays déverse entre 480 000 t et 1,29 Mt de déchets (tous types confondus) en mer, chaque année. Les importations de déchets "vont coûter très cher, à notre système de santé et aux générations futures qui devront restaurer l'environnement", avertit Prigi Arisandi, spécialiste de l'environnement pour l'ONG Ecoton. "Et cela ne se passe pas seulement à Bangun. Il y a plus de cinq villages utilisés comme décharges dans la province de Java orientale", déplore-t-il.
Une chose est sûre : certains de ces messages sont entendus par les pouvoirs publics du pays : l'Indonésie a renforcé ces derniers mois les contrôles sur les déchets importés et a même a commencé à renvoyer vers la France, Hong Kong, l'Australie ou les Etats-Unis des conteneurs remplis d'un mélange d'ordures ménagères, de plastiques et de matières dangereuses qui avaient été importés illégalement.